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Keraban Le Tetu, Vol.

Publié le 12/04/2014

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Keraban Le Tetu, Vol. II Merveilleux, en effet, et comment ne l'eut-il pas ete dans ce pays de l'Orient, ou tous les reves de ce monde se transforment en realites dans l'autre! Ce qu'allait etre cette fete donnee en l'honneur du Prophete, il serait plus facile au pinceau de le representer, en employant tous les tons de la palette, qu'a la plume de le decrire, meme en empruntant les cadences, les images, les periodes des plus grands poetes du monde! "La richesse est aux Indes, dit un proverbe turc, l'esprit en Europe, la pompe chez les Ottomans!" Et ce fut reellement au milieu d'une pompe incomparable que se deroulerent les peripeties d'une poetique affabulation, a laquelle les plus gracieuses filles de l'Asie Mineure preterent le charme de leurs danses et l'enchantement de leur beaute. Elle reposait sur cette legende, imitee de la legende chretienne, que, jusqu'a sa mort, arrivee en l'an dixieme de l'Hegire,--six cent trente-deux ans apres l'ere nouvelle,--ce paradis etait ferme a tous les fideles, endormis dans le vague des espaces, en attendant l'arrivee du Prophete. Ce jour-la, il apparaissait a cheval sur "el-borak", l'hippogryphe qui l'attendait a la porte du temple de Jerusalem; puis, son tombeau miraculeux, quittant la terre, montait a travers les cieux et restait suspendu entre le zenith et le nadir, au milieu des splendeurs du paradis de l'Islam. Tous se reveillaient alors pour rendre hommage au Prophete; la periode de l'eternel bonheur promis aux croyants, commencait enfin, et Mahomet s'elevait dans une apotheose eblouissante, pendant laquelle les astres du ciel arabique, sous la forme de houris innombrables, gravitaient autour du front resplendissant d'Allah! En un mot, cette fete, ce fut comme une realisation de ce reve de l'un des poetes qui a le mieux senti la poesie des pays orientaux, lorsqu'il dit, a propos de ces physionomies extatiques des derviches, emportes dans leurs rondes si etrangement rhythmees: "Que voyaient-ils en ces visions qui les bercaient? les forets d'emeraudes a fruits de rubis, les montagnes d'ambre et de myrrhe, les kiosques de diamants et les tentes de perles du paradis de Mahomet!" X. PENDANT LEQUEL LES HEROS DE CETTE HISTOIRE NE PERDENT NI UN JOUR NI UNE HEURE. Le lendemain, 18 septembre, au moment ou le soleil commencait a dorer de ses premiers rayons les plus hauts minarets de la ville, une petite caravane sortait par l'une des portes de l'enceinte fortifiee et jetait un dernier adieu a la poetique Trebizonde. Cette caravane, en route pour les rives du Bosphore, suivait les chemins du littoral sous la direction d'un guide, dont le seigneur Keraban avait volontiers accepte les services. Ce guide, en effet, devait parfaitement connaitre cette portion septentrionale de l'Anatolie: c'etait un de ces nomades connus dans le pays sous le nom de "loupeurs". On designe par ce nom une certaine specialite de bucherons, faisant metier de courir les forets de cette partie de l'Anatolie et de l'Asie Mineure, ou croit abondamment le noyer vulgaire. Sur ces arbres poussent des loupes ou excroissances naturelles, d'une remarquable durete, dont le bois, par cela meme qu'il se prete a toutes les exigences de l'outil d'ebeniste, est particulierement recherche. Ce loupeur, ayant appris que des etrangers allaient quitter Trebizonde pour se rendre a Scutari, etait venu la veille leur offrir ses services. Il avait paru intelligent, tres pratique de ces routes, dont il connaissait parfaitement les enchevetrements multiples. Aussi, apres des reponses tres nettes aux questions posees par le seigneur Keraban, le loupeur avait-il ete engage a un bon prix, qui devait etre double si la caravane atteignait les hauteurs du Bosphore avant douze jours,--dernier delai fixe pour la celebration du mariage d'Amasia et d'Ahmet. X. PENDANT LEQUEL LES HEROS DE CETTE HISTOIRE NE PERDENT NI UN JOUR NI UNE HEURE. 69 Keraban Le Tetu, Vol. II Ahmet, apres avoir interroge ce guide et bien qu'il y eut, dans sa figure froide, dans son attitude reservee, cet on ne sait quoi qui ne previent guere en faveur des gens, ne jugea pas qu'il y eut lieu de ne point lui accorder confiance. Rien de plus utile, d'ailleurs, qu'un homme connaissant ces regions pour les avoir parcourues toute sa vie, rien de plus rassurant au point de vue d'un voyage qui devait s'executer dans les plus grandes conditions de celerite. Le loupeur etait donc le guide du seigneur Keraban et de ses compagnons. A lui de prendre la direction de la petite troupe. Il choisirait les lieux de halte, il organiserait les campements, il veillerait a la surete de tous, et lorsqu'on lui promit de doubler son salaire sous condition d'arriver a Scutari dans les delais voulus: "Le seigneur Keraban peut etre assure de tout mon zele, repondit-il, et puisqu'il me propose double prix pour payer mes services, moi, je m'engage a ne lui rien reclamer si, avant douze jours, il n'est pas de retour a sa villa de Scutari. --Par Mahomet, voila un homme qui me va! dit Keraban, lorsqu'il rapporta ce propos a son neveu. --Oui, repondit Ahmet, mais, si bon guide qu'il soit, mon oncle, n'oublions pas qu'il ne faut pas s'aventurer imprudemment sur ces routes de l'Anatolie! --Ah! toujours tes craintes! --Oncle Keraban, je ne nous croirai veritablement a l'abri de toute eventualite, que lorsque nous serons a Scutari.... --Et que tu seras marie! Soit! repondit Keraban en serrant la main d'Ahmet. Eh bien, dans douze jours, je te le promets, Amasia sera la femme du plus defiant des neveux.... --Et la niece du.... --Du meilleur des oncles" s'ecria Keraban, qui termina sa phrase par un bel eclat de rire. Le materiel roulant de la caravane etait ainsi compose: deux "talikas", sorte de caleches assez confortables, qui peuvent se fermer en cas de mauvais temps, avec quatre chevaux, atteles par couple a chaque talika, et deux chevaux de selle. Ahmet avait ete trop heureux, meme pour un haut prix, de trouver ces vehicules a Trebizonde, ce qui lui permettrait d'achever le voyage dans de bonnes condition le seigneur Keraban, Amasia et Nedjeb avaient pris place dans la premiere talika, dont Nizib occupait le siege de derriere. Au fond de la seconde tronait la noble Saraboul, aupres de son fiance et en face de son frere, avec Bruno, faisant office de valet de pied. Un des chevaux de selle etait monte par Ahmet, l'autre par le guide, qui tantot galopait aux portieresdes talikas, conduites en poste, tantot eclairait la route par quelque pointe en avant. Comme le pays pouvait ne pas etre tres sur, les voyageurs s'etaient munis de fusils et de revolvers, sans compter les armes qui figuraient d'ordinaire aux ceintures du seigneur Yanar et de sa soeur, et les fameux pistolets rateurs du seigneur Keraban. Ahmet, bien que le guide lui assurat qu'il n'y avait rien a craindre sur ces routes, avait voulu se precautionner contre toute agression. En somme, deux cents lieues environ a faire en douze jours avec ces moyens de transport, meme sans relayer dans une contree ou les maisons de poste etaient rares, meme en laissant aux chevaux le repos de chaque nuit, il n'y avait rien la qui fut absolument difficile. Donc, a moins d'accidents imprevus ou improbables, ce voyage circulaire devait s'achever dans les delais voulus. Le pays qui s'etend depuis Trebizonde jusqu'a Sinope est X. PENDANT LEQUEL LES HEROS DE CETTE HISTOIRE NE PERDENT NI UN JOUR NI UNE HEURE. 70

« Ahmet, apres avoir interroge ce guide et bien qu'il y eut, dans sa figure froide, dans son attitude reservee, cet on ne sait quoi qui ne previent guere en faveur des gens, ne jugea pas qu'il y eut lieu de ne point lui accorder confiance.

Rien de plus utile, d'ailleurs, qu'un homme connaissant ces regions pour les avoir parcourues toute sa vie, rien de plus rassurant au point de vue d'un voyage qui devait s'executer dans les plus grandes conditions de celerite. Le loupeur etait donc le guide du seigneur Keraban et de ses compagnons.

A lui de prendre la direction de la petite troupe.

Il choisirait les lieux de halte, il organiserait les campements, il veillerait a la surete de tous, et lorsqu'on lui promit de doubler son salaire sous condition d'arriver a Scutari dans les delais voulus: “Le seigneur Keraban peut etre assure de tout mon zele, repondit-il, et puisqu'il me propose double prix pour payer mes services, moi, je m'engage a ne lui rien reclamer si, avant douze jours, il n'est pas de retour a sa villa de Scutari. —Par Mahomet, voila un homme qui me va! dit Keraban, lorsqu'il rapporta ce propos a son neveu. —Oui, repondit Ahmet, mais, si bon guide qu'il soit, mon oncle, n'oublions pas qu'il ne faut pas s'aventurer imprudemment sur ces routes de l'Anatolie! —Ah! toujours tes craintes! —Oncle Keraban, je ne nous croirai veritablement a l'abri de toute eventualite, que lorsque nous serons a Scutari.... —Et que tu seras marie! Soit! repondit Keraban en serrant la main d'Ahmet.

Eh bien, dans douze jours, je te le promets, Amasia sera la femme du plus defiant des neveux.... —Et la niece du.... —Du meilleur des oncles” s'ecria Keraban, qui termina sa phrase par un bel eclat de rire. Le materiel roulant de la caravane etait ainsi compose: deux “talikas", sorte de caleches assez confortables, qui peuvent se fermer en cas de mauvais temps, avec quatre chevaux, atteles par couple a chaque talika, et deux chevaux de selle.

Ahmet avait ete trop heureux, meme pour un haut prix, de trouver ces vehicules a Trebizonde, ce qui lui permettrait d'achever le voyage dans de bonnes condition le seigneur Keraban, Amasia et Nedjeb avaient pris place dans la premiere talika, dont Nizib occupait le siege de derriere.

Au fond de la seconde tronait la noble Saraboul, aupres de son fiance et en face de son frere, avec Bruno, faisant office de valet de pied. Un des chevaux de selle etait monte par Ahmet, l'autre par le guide, qui tantot galopait aux portieresdes talikas, conduites en poste, tantot eclairait la route par quelque pointe en avant. Comme le pays pouvait ne pas etre tres sur, les voyageurs s'etaient munis de fusils et de revolvers, sans compter les armes qui figuraient d'ordinaire aux ceintures du seigneur Yanar et de sa soeur, et les fameux pistolets rateurs du seigneur Keraban.

Ahmet, bien que le guide lui assurat qu'il n'y avait rien a craindre sur ces routes, avait voulu se precautionner contre toute agression. En somme, deux cents lieues environ a faire en douze jours avec ces moyens de transport, meme sans relayer dans une contree ou les maisons de poste etaient rares, meme en laissant aux chevaux le repos de chaque nuit, il n'y avait rien la qui fut absolument difficile.

Donc, a moins d'accidents imprevus ou improbables, ce voyage circulaire devait s'achever dans les delais voulus.

Le pays qui s'etend depuis Trebizonde jusqu'a Sinope est Keraban Le Tetu, Vol.

II X.

PENDANT LEQUEL LES HEROS DE CETTE HISTOIRE NE PERDENT NI UN JOUR NI UNE HEURE.

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