Devoir de Philosophie

Keraban Le Tetu, Vol.

Publié le 12/04/2014

Extrait du document

Keraban Le Tetu, Vol. II XII. DANS LEQUEL IL EST RAPPORTE QUELQUES PROPOS ECHANGES ENTRE LA NOBLE SARABOULET SON NOUVEAU FIANCE. Lorsque Ahmet rejoignit ses compagnons, les dernieres dispositions, pour souper d'abord, pour dormir ensuite, avaient ete convenablement prises. La chambre a coucher, ou plutot le dortoir commun, c'etait la caverne, haute, spacieuse, avec des coins et recoins, ou chacun pourrait se blottir a son gre et meme a son aise. La salle a manger, c'etait cette partie plane du campement, sur laquelle des roches eboulees, des fragments de pierre, pouvaient servir de sieges et de tables. Quelques provisions avaient ete tirees de la charrette trainee par le petit ane,--lequel comptait au nombre des convives, ayant ete specialement invite par son ami le seigneur Keraban. Un peu de fourrage, dont on avait fait une bonne recolte, lui assurait une suffisante part du festin, et il en trayait de satisfaction. "Soupons, s'ecria Keraban d'un ton joyeux, soupons, mes amis! Mangeons et buvons a notre aise! Ce sera autant de moins que ce brave ane aura a trainer jusqu'a Scutari." Il va sans dire que, pour ce repas en plein air, au milieu de ce campement eclaire de quelques torches resineuses, chacun s'etait place a sa guise. Au fond, le seigneur Keraban tronait sur une roche, veritable fauteuil d'honneur de cette reunion epulatoire. Amasia et Nedjeb, l'une pres de l'autre, comme deux amies,--il n'y avait plus ni maitresse ni servante,--assises sur de plus modestes pierres, avaient reserve une place a Ahmet, qui ne tarda pas a les rejoindre. Quant au seigneur Van Mitten, il va de soi qu'il etait flanque, a droite de l'inevitable Yanar, a gauche de l'inseparable Saraboul, et, tous les trois, ils s'etaient attables devant un gros fragment de roc, que les soupirs du nouveau fiance auraient du attendrir. Bruno, plus maigre que jamais, grignotant et geignant, allait et venait pour les besoins du service. Non seulement le seigneur Keraban etait de belle humeur, comme quelqu'un a qui tout reussit, mais, suivant son habitude, sa joie s'epanchait en propos plaisants, lesquels visaient plus directement son ami Van Mitten. Oui! il etait ainsi fait, que l'aventure matrimoniale arrivee a ce pauvre homme,--par devouement pour lui et les siens,--ne cessait guere d'exciter sa verve caustique! Dans douze heures, il est vrai, cette histoire aurait pris fin et Van Mitten n'entendrait plus parler ni du frere ni de la soeur kurdes! De la, une sorte de raison que Keraban se donnait a lui-meme pour ne point se gener a l'egard de son compagnon de voyage. "Eh bien, Van Mitten, cela va bien, n'est-ce pas? dit-il en se frottant les mains. Vous voila au comble de vos voeux! ... De bons amis vous font cortege! ... Une aimable femme, qui s'est heureusement rencontree sur votre route, vous accompagne! ... Allah n'aurait pu faire davantage pour vous, quand bien meme vous eussiez ete l'un de ses plus fideles croyants." Le Hollandais regarda son ami en allongeant quelque peu les levres, mais sans repondre. "Eh bien, vous vous taisez? dit Yanar. --Non! ... Je parle ... je parle en dedans! --A qui? demanda imperieusement la noble Kurde, qui lui saisit vivement le bras. --A vous, chere Saraboul, ... a vous" repondit sans conviction l'interloque Van Mitten. Puis, se levant: "Ouf" fit-il. XII. DANS LEQUEL IL EST RAPPORTE QUELQUES PROPOS ECHANGES ENTRE LA NOBLE 81 SARABOU Keraban Le Tetu, Vol. II Le seigneur Yanar et sa soeur, s'etant redresses au meme moment, le suivaient dans toutes ses allees et venues. "Si vous voulez," reprit Saraboul de ce ton doucereux qui ne permet pas la moindre contradiction, si vous le voulez, nous ne passerons que quelques heures a Scutari? --Si je le veux?.... --N'etes-vous pas mon maitre, seigneur Van Mitten? ajouta l'insinuante personne. --Oui! murmura Bruno, il est son maitre ... comme on est le maitre d'un dogue qui peut, a chaque instant, vous sauter a la gorge! --Heureusement, se disait Van Mitten, demain ... a Scutari ... rupture et abandon! ... Mais quelle scene en perspective." Amasia le regardait avec un veritable sentiment de commiseration, et, n'osant le plaindre a haute voix, elle s'en ouvrait quelquefois a son fidele serviteur: "Pauvre monsieur Van Mitten! repetait-elle a Bruno. Voila pourtant ou l'amene son devouement pour nous! --Et sa platitude envers le seigneur Keraban! repondait Bruno, qui ne pouvait pardonner a son maitre une condescendance poussee a ce degre de faiblesse. --Eh! dit Nedjeb, cela prouve, au moins, que monsieur Van Mitten a un cour bon et genereux! --Trop genereux! repliqua Bruno. Au surplus, depuis que mon maitre a consenti a suivre le seigneur Keraban en un pareil voyage, je n'ai cesse de lui repeter qu'il lui arriverait malheur tot ou tard! Mais un malheur pareil! Devenir le fiance, ne fut-ce que pour quelques jours, de cette Kurde endiablee! Jamais je n'aurais pu imaginer cela ... non! jamais! La premiere madame Van Mitten etait une colombe en comparaison de la seconde." Cependant, le Hollandais s'etait assis a une autre place, toujours flanque de ses deux garde-du-corps, lorsque Bruno vint lui offrir quelque nourriture; mais Van Mitten ne se sentait pas en appetit. "Vous ne mangez pas, seigneur Van Mitten? lui dit Saraboul, qui le regardait entre les deux yeux. --Je n'ai pas faim! --Vraiment, vous n'avez pas faim! repliqua le seigneur Yanar. Au Kurdistan on a toujours faim ... meme apres les repas! --Ah! au Kurdistan? ... repondit Van Mitten en avalant les morceaux doubles,--par obeissance. --Et buvez! ajouta la noble Saraboul. --Mais, je bois ... je bois vos paroles!" Et il n'osa pas ajouter: "Seulement, je ne sais pas si c'est bon pour l'estomac! --Buvez, puisqu'on vous le dit! reprit le seigneur Yanar. --Je n'ai pas soif! XII. DANS LEQUEL IL EST RAPPORTE QUELQUES PROPOS ECHANGES ENTRE LA NOBLE 82 SARABOU

« Le seigneur Yanar et sa soeur, s'etant redresses au meme moment, le suivaient dans toutes ses allees et venues. “Si vous voulez,” reprit Saraboul de ce ton doucereux qui ne permet pas la moindre contradiction, si vous le voulez, nous ne passerons que quelques heures a Scutari? —Si je le veux?.... —N'etes-vous pas mon maitre, seigneur Van Mitten? ajouta l'insinuante personne. —Oui! murmura Bruno, il est son maitre ...

comme on est le maitre d'un dogue qui peut, a chaque instant, vous sauter a la gorge! —Heureusement, se disait Van Mitten, demain ...

a Scutari ...

rupture et abandon! ...

Mais quelle scene en perspective.” Amasia le regardait avec un veritable sentiment de commiseration, et, n'osant le plaindre a haute voix, elle s'en ouvrait quelquefois a son fidele serviteur: “Pauvre monsieur Van Mitten! repetait-elle a Bruno.

Voila pourtant ou l'amene son devouement pour nous! —Et sa platitude envers le seigneur Keraban! repondait Bruno, qui ne pouvait pardonner a son maitre une condescendance poussee a ce degre de faiblesse. —Eh! dit Nedjeb, cela prouve, au moins, que monsieur Van Mitten a un cour bon et genereux! —Trop genereux! repliqua Bruno.

Au surplus, depuis que mon maitre a consenti a suivre le seigneur Keraban en un pareil voyage, je n'ai cesse de lui repeter qu'il lui arriverait malheur tot ou tard! Mais un malheur pareil! Devenir le fiance, ne fut-ce que pour quelques jours, de cette Kurde endiablee! Jamais je n'aurais pu imaginer cela ...

non! jamais! La premiere madame Van Mitten etait une colombe en comparaison de la seconde.” Cependant, le Hollandais s'etait assis a une autre place, toujours flanque de ses deux garde-du-corps, lorsque Bruno vint lui offrir quelque nourriture; mais Van Mitten ne se sentait pas en appetit. “Vous ne mangez pas, seigneur Van Mitten? lui dit Saraboul, qui le regardait entre les deux yeux. —Je n'ai pas faim! —Vraiment, vous n'avez pas faim! repliqua le seigneur Yanar.

Au Kurdistan on a toujours faim ...

meme apres les repas! —Ah! au Kurdistan? ...

repondit Van Mitten en avalant les morceaux doubles,—par obeissance. —Et buvez! ajouta la noble Saraboul. —Mais, je bois ...

je bois vos paroles!” Et il n'osa pas ajouter: “Seulement, je ne sais pas si c'est bon pour l'estomac! —Buvez, puisqu'on vous le dit! reprit le seigneur Yanar. —Je n'ai pas soif! Keraban Le Tetu, Vol.

II XII.

DANS LEQUEL IL EST RAPPORTE QUELQUES PROPOS ECHANGES ENTRE LA NOBLE SARABOULET SON NOUVEAU FIANCE.

82. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles