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Konrad Lorenz, L'Agression, une histoire naturelle du mal

Publié le 30/03/2011

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lorenz

Nous ne pouvons plus aujourd'hui tolérer les gens suffisants et hypocrites, parce que nous attendons d'un être humain intelligent un certain sens de son propre ridicule. Il nous semble en effet qu'un homme qui se prend absolument au sérieux n'est pas tout à fait humain, et ce sentiment est au fond très sain. Ce que les Allemands désignent par le terme de tierischer Ernst (le sérieux de l'animal) est toujours un symptôme de mégalomanie, et je le suspecte même d'être l'une de ses causes. La meilleure définition de l'homme, c'est qu'il est le seul être capable de réflexion, c'est-à-dire capable de se voir lui-même dans le cadre de référence de l'univers qui l'entoure. L'orgueil est l'un des principaux obstacles qui nous empêchent de nous voir tels que nous sommes réellement, et le serviteur fidèle de l'orgueil est la fausse idée qu'on se fait de soi-même. Je suis convaincu qu'un homme suffisamment pourvu d'humour ne risque point de succomber à des illusions flatteuses sur lui-même. Impossible qu'il ne voie pas quel âne pompeux il serait s'il le faisait. Je crois qu'une perception vraiment subtile et aiguë de nos propres aspects comiques est le meilleur stimulus au monde pour nous rendre honnêtes envers nous-mêmes, ce qui est l'un des premiers postulats de la morale raisonnante. Il y a entre l'humour et l'interrogation catégorique cette analogie étonnante qu'ils se heurtent tous les deux à des incompatibilités et à des incongruités logiques. Agir contre la raison n'est pas seulement immoral, mais — et c'est fort drôle — c'est souvent aussi extrêmement drôle. « Tu ne te tromperas pas toi-même « devrait être le premier de tous les commandements. L'aptitude à lui obéir est en proportion directe avec l'aptitude à être honnête envers les autres. Ce n'est pas seulement à cause de ses considérations que je tiens l'humour pour une force justifiant le plus grand optimisme. Je crois aussi que l'humour se développe rapidement chez l'homme moderne. Peu importe si cette plus grande efficacité de l'humour vient de ce que la tradition culturelle le fait de plus en plus respecter, ou de ce que, grâce à la phylogenèse, l'impulsion instinctive du rire gagne en puissance; il est probable que lçs deux processus opèrent en même temps. De toute façon, aucun doute : l'humour devient rapidement plus efficace, plus pénétrant et plus subtil dans la détection de la malhonnêteté. C'est mon opinion du moins, que l'humour de jadis était moins efficace, moins pénétrant et moins subtil. Des écrivains que je connais, Charles Dickens est le plus ancien dont la peinture satirique de la nature humaine me fasse encore vraiment rire. Il serait extrêmement révélateur de faire un jour une étude historique systématique des situations stimulantes qui, aux différentes époques, faisaient rire les gens. Je crois que l'humour exerce sur le comportement social de l'homme une influence qui, en un sens, est absolument analogue à celle de la responsabilité morale : il tend à faire de notre monde un lieu plus honnête et donc meilleur. Je crois que cette influence augmente rapidement et, en entrant de plus en plus subtilement dans nos processus de raisonnement, se mêle plus intimement à eux et avec des effets encore plus proches de ceux de la morale. Konrad Lorenz, L'Agression, une histoire naturelle du mal, 1980.

1. Vous ferez d'abord de ce texte, à votre gré, un résumé (en suivant le fil du développement) ou une analyse (en mettant en relief la structure logique de la pensée). 2. Dans une seconde partie, que vous intitulerez discussion, vous dégagerez du texte un problème qui offre une réelle consistance et qui vous aura intéressé. Vous en préciserez les éléments et vous exposerez vos vues personnelles sous la forme d'une argumentation ordonnée menant à une conclusion.   

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