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La Curée Ce ton railleur la blessait.

Publié le 11/04/2014

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La Curée Ce ton railleur la blessait. Alors elle renchérit encore sur ses éloges, elle trouva son mari tout à fait grand, elle parla de l'affaire de Charonne, de ce tripotage où elle n'avait rien compris, comme d'une catastrophe dans laquelle s'étaient révélées à elle l'intelligence et la bonté de Saccard. Elle ajouta qu'elle signerait l'acte de cession le lendemain, et que, si c'était réellement là un désastre, elle acceptait ce désastre en punition de ses fautes. Maxime la laissait aller, ricanant, la regardant en dessous; puis il dit à demi-voix: C'est ça, c'est bien ça.. Et, plus haut, mettant la main sur l'épaule de Renée: Ma chère, je te remercie, mais je savais l'histoire... C'est toi qui es d'une bonne pâte! Il fit de nouveau mine de s'en aller. Il éprouvait une démangeaison furieuse de tout conter. Elle l'avait exaspéré, avec ses éloges sur son mari, et il oubliait qu'il s'était promis de ne pas parler, pour s'éviter tout désagrément. Quoi! que veux-tu dire? demanda-t-elle. Eh! pardieu! que mon père te met dedans de la plus jolie façon du monde... Tu me fais de la peine, vrai; tu es trop godiche! Et il lui conta ce qu'il avait entendu chez Laure, lâchement, sournoisement, goûtant une secrète joie à descendre dans ces infamies. Il lui semblait qu'il se vengeait d'une injure vague qu'on venait de lui faire. Son tempérament de fille s'attardait béatement à cette dénonciation, à ce bavardage cruel, surpris derrière une porte. Il n'épargna rien à Renée, ni l'argent que son mari lui avait prêté à usure, ni celui qu'il comptait lui voler, à l'aide d'histoires ridicules, bonnes à endormir les enfants. La jeune femme l'écoutait, très pâle, les lèvres serrées. Debout devant la cheminée, elle baissait un peu la tête, elle regardait le feu. Sa toilette de nuit, cette chemise que Maxime avait fait chauffer, s'écartait, laissait voir des blancheurs immobiles de statue. Je te dis tout cela, conclut le jeune homme, pour que tu n'aies pas l'air d'une sotte... Mais tu aurais tort d'en vouloir à mon père. Il n'est pas méchant. Il a ses défauts comme tout le monde... A demain, n'est-ce pas? Il s'avançait toujours vers la porte. Renée l'arrêta d'un geste brusque. Reste! cria-t-elle impérieusement. Et le prenant, l'attirant à elle, l'asseyant presque sur ses genoux, devant le feu, elle le baisa sur les lèvres, en disant: Ah! bien, ce serait trop bête de nous gêner, maintenant... Tu ne sais donc pas que, depuis hier, depuis que tu as voulu rompre, je n'ai plus la tête à moi. Je suis comme une imbécile. Ce soir, au bal, j'avais un brouillard devant les yeux. C'est qu'à présent, j'ai besoin de toi pour vivre. Quand tu t'en iras, je serai vidée... Ne ris pas, je te dis ce que je sens. Elle le regardait avec une tendresse infinie, comme si elle ne l'eût pas vu depuis longtemps. Tu as trouvé le mot, j'étais godiche, ton père m'aurait fait voir aujourd'hui des étoiles en plein midi. Est-ce que je savais! Pendant qu'il me contait son histoire, je n'entendais qu'un grand bourdonnement, et j'étais tellement anéantie qu'il m'aurait fait mettre à genoux, s'il avait voulu, pour signer ses paperasses. Et je m'imaginais que j'avais des remords!... Vrai, j'étais bête à ce point !... PARTIE V 123 La Curée Elle éclata de rire, des lueurs de folie luisaient dans ses yeux. Elle continua, en serrant plus étroitement son amant. Est-ce que nous faisons le mal, nous autres! Nous nous aimons, nous nous amusons comme il nous plaît. Tout le monde en est là, n'est-ce pas?... Vois, ton père ne se gêne guère. Il aime l'argent et il en prend où il en trouve. Il a raison, ça me met à l'aise... D'abord, je ne signerai rien, et puis tu reviendras tous les soirs. J'avais peur que tu ne veuilles plus, tu sais, pour ce que je t'ai dit... Mais puisque ça ne te fait rien... D'ailleurs, je lui fermerai ma porte, tu comprends, maintenant. Elle se leva, elle alluma la veilleuse. Maxime hésitait, désespéré. Il voyait la sottise qu'il avait commise, il se reprochait durement d'avoir trop causé. Comment annoncer son mariage maintenant! C'était sa faute, la rupture était faite, il n'avait pas besoin de remonter dans cette chambre, ni surtout d'aller prouver à la jeune femme que son mari la dupait. Et il ne savait plus à quel sentiment il venait d'obéir, ce qui redoublait sa colère contre lui-même. Mais s'il eut la pensée, un instant, d'être brutal une seconde fois, de s'en aller, la vue de Renée qui laissait tomber ses pantoufles, lui donna une lâcheté invincible. Il eut peur, il resta. Le lendemain, quand Saccard vint chez sa femme pour lui faire signer l'acte de cession, elle lui répondit tranquillement qu'elle n'en ferait rien, qu'elle avait réfléchi. D'ailleurs, elle ne se permit pas même une allusion; elle s'était juré d'être discrète, ne voulant pas se créer des ennuis, désirant goûter en paix le renouveau de ses amours. L'affaire de Charonne s'arrangerait comme elle pourrait; son refus de signer n'était qu'une vengeance; elle se moquait bien du reste. Saccard fut sur le point de s'emporter. Tout son rêve croulait. Ses autres affaires allaient de mal en pis. Il se trouvait à bout de ressources, se soutenant par un miracle d'équilibre; le matin même, il n'avait pu payer la note de son boulanger. Cela ne l'empêchait pas de préparer une fête splendide pour le jeudi de la mi-carême. Il éprouva, devant le refus de Renée, cette colère blanche d'un homme vigoureux arrêté dans son oeuvre par le caprice d'un enfant. Avec l'acte de cession en poche, il comptait bien battre monnaie, en attendant l'indemnité. Puis, quand il se fut un peu calmé et qu'il eut l'intelligence nette, il s'étonna du brusque revirement de sa femme à coup sûr, elle avait dû être conseillée. Il flaira un amant. Ce fut un pressentiment si net qu'il courut chez sa soeur pour l'interroger, lui demander si elle ne savait rien de la vie cachée de Renée. Sidonie se montra très aigre. Elle ne pardonnait pas à sa belle-soeur l'affront qu'elle lui avait fait en refusant de voir M. de Saffré. Aussi, quand elle comprit, aux questions de son frère, que celui-ci accusait sa femme d'avoir un amant, s'écria-t-elle qu'elle en était certaine. Et elle s'offrit d'elle-même pour espionner « les tourtereaux » Cette pimbêche verrait comme cela de quel bois elle se chauffait. Saccard, d'habitude, ne cherchait pas les vérités désagréables; son intérêt seul le forçait à ouvrir des yeux qu'il tenait sagement fermés. Il accepta l'offre de sa soeur. Va, sois tranquille, je saurai tout, lui dit-elle d'une voix pleine de compassion... Ah! mon pauvre frère, cc n'est pas Angèle qui t'aurait jamais trahi! Un mari si bon, si généreux! Ces poupées parisiennes n'ont pas de coeur... Et moi qui ne cesse de lui donner de bons conseils! PARTIE VI - Il y avait bal travesti, chez les Saccard, le jeudi de la mi-carême. Mais la grande curiosité était le poème des Amours du beau Narcisse et de la nymphe Echo, en trois tableaux, que ces dames devaient représenter. L'auteur de ce poème, M. Hupel de la Noue, voyageait depuis plus d'un mois, de sa préfecture à l'hôtel du parc Monceau, afin de surveiller les répétitions et de donner son avis sur les costumes. Il avait d'abord songé à écrire son oeuvre en vers; puis il s'était décidé pour des tableaux vivants; c'était plus noble, disait-il, plus près du beau antique. PARTIE VI 124

« Elle éclata de rire, des lueurs de folie luisaient dans ses yeux.

Elle continua, en serrant plus étroitement son amant.

\24 Est-ce que nous faisons le mal, nous autres! Nous nous aimons, nous nous amusons comme il nous plaît. Tout le monde en est là, n'est-ce pas?...

Vois, ton père ne se gêne guère.

Il aime l'argent et il en prend où il en trouve.

Il a raison, ça me met à l'aise...

D'abord, je ne signerai rien, et puis tu reviendras tous les soirs.

J'avais peur que tu ne veuilles plus, tu sais, pour ce que je t'ai dit...

Mais puisque ça ne te fait rien...

D'ailleurs, je lui fermerai ma porte, tu comprends, maintenant.

Elle se leva, elle alluma la veilleuse.

Maxime hésitait, désespéré.

Il voyait la sottise qu'il avait commise, il se reprochait durement d'avoir trop causé.

Comment annoncer son mariage maintenant! C'était sa faute, la rupture était faite, il n'avait pas besoin de remonter dans cette chambre, ni surtout d'aller prouver à la jeune femme que son mari la dupait.

Et il ne savait plus à quel sentiment il venait d'obéir, ce qui redoublait sa colère contre lui-même.

Mais s'il eut la pensée, un instant, d'être brutal une seconde fois, de s'en aller, la vue de Renée qui laissait tomber ses pantoufles, lui donna une lâcheté invincible.

Il eut peur, il resta.

Le lendemain, quand Saccard vint chez sa femme pour lui faire signer l'acte de cession, elle lui répondit tranquillement qu'elle n'en ferait rien, qu'elle avait réfléchi.

D'ailleurs, elle ne se permit pas même une allusion; elle s'était juré d'être discrète, ne voulant pas se créer des ennuis, désirant goûter en paix le renouveau de ses amours.

L'affaire de Charonne s'arrangerait comme elle pourrait; son refus de signer n'était qu'une vengeance; elle se moquait bien du reste.

Saccard fut sur le point de s'emporter.

Tout son rêve croulait. Ses autres affaires allaient de mal en pis.

Il se trouvait à bout de ressources, se soutenant par un miracle d'équilibre; le matin même, il n'avait pu payer la note de son boulanger.

Cela ne l'empêchait pas de préparer une fête splendide pour le jeudi de la mi-carême.

Il éprouva, devant le refus de Renée, cette colère blanche d'un homme vigoureux arrêté dans son oeuvre par le caprice d'un enfant.

Avec l'acte de cession en poche, il comptait bien battre monnaie, en attendant l'indemnité.

Puis, quand il se fut un peu calmé et qu'il eut l'intelligence nette, il s'étonna du brusque revirement de sa femme à coup sûr, elle avait dû être conseillée.

Il flaira un amant.

Ce fut un pressentiment si net qu'il courut chez sa soeur pour l'interroger, lui demander si elle ne savait rien de la vie cachée de Renée.

Sidonie se montra très aigre.

Elle ne pardonnait pas à sa belle-soeur l'affront qu'elle lui avait fait en refusant de voir M.

de Saffré.

Aussi, quand elle comprit, aux questions de son frère, que celui-ci accusait sa femme d'avoir un amant, s'écria-t-elle qu'elle en était certaine.

Et elle s'offrit d'elle-même pour espionner « les tourtereaux » Cette pimbêche verrait comme cela de quel bois elle se chauffait.

Saccard, d'habitude, ne cherchait pas les vérités désagréables; son intérêt seul le forçait à ouvrir des yeux qu'il tenait sagement fermés.

Il accepta l'offre de sa soeur.

\24 Va, sois tranquille, je saurai tout, lui dit-elle d'une voix pleine de compassion...

Ah! mon pauvre frère, cc n'est pas Angèle qui t'aurait jamais trahi! Un mari si bon, si généreux! Ces poupées parisiennes n'ont pas de coeur...

Et moi qui ne cesse de lui donner de bons conseils! PARTIE VI \24\24\24\24- Il y avait bal travesti, chez les Saccard, le jeudi de la mi-carême.

Mais la grande curiosité était le poème des Amours du beau Narcisse et de la nymphe Echo, en trois tableaux, que ces dames devaient représenter. L'auteur de ce poème, M.

Hupel de la Noue, voyageait depuis plus d'un mois, de sa préfecture à l'hôtel du parc Monceau, afin de surveiller les répétitions et de donner son avis sur les costumes.

Il avait d'abord songé à écrire son oeuvre en vers; puis il s'était décidé pour des tableaux vivants; c'était plus noble, disait-il, plus près du beau antique.

La Curée PARTIE VI 124. »

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