La Curée depuis le commencement du dîner, surveillait les entrepreneurs du coin de l'oeil.
Publié le 11/04/2014
Extrait du document
«
La phrase de M.
Haffner: « Nos enfants paieront », avait réussi à réveiller le sénateur.
Tout le monde battit
discrètement des mains, et M.
de Saffré s'écria:
\24 Ah! charmant, charmant.
J'enverrai demain le mot aux journaux.
\24 Vous avez bien raison, messieurs, nous vivons dans un bon temps, dit le sieur Mignon, comme pour
conclure, au milieu des sourires et des admirations que le mot du baron excitait.
J'en connais plus d'un qui ont
joliment arrondi leur fortune.
\24 Voyez-vous, quand on gagne de l'argent, tout est beau.
Ces dernières paroles glacèrent les hommes graves.
La conversation tomba net, et chacun parut éviter de
regarder son voisin.
La phrase du maçon atteignait ces messieurs, roide comme le pavé de l'ours.
Michelin,
qui justement contemplait Saccard d'un air agréable, cessa de sourire, très effrayé d'avoir eu l'air un instant
d'appliquer les paroles de l'entrepreneur au maître de la maison.
Ce dernier lança un coup d'oeil à Mme
Sidonie, qui accapara de nouveau Mignon, en disant: «Vous aimez donc le rose, monsieur?...
» Puis Saccard
fit un long compliment à Mme d'Espanet; sa figure noirâtre, chafouine, touchait presque les épaules laiteuses
de la jeune femme, qui se renversait avec de petits rires.
On était au dessert.
Les laquais allaient d'un pas plus vif autour de la table.
Il y eut un arrêt, pendant que la
nappe achevait de se charger de fruits et de sucreries.
A l'un des bouts, du côté de Maxime, les rires
devenaient plus clairs: on entendait la voix aigrelette de Louise dire: « Je vous assure que Sylvia avait une
robe de Satin bleu dans son rôle de Dindonnette »; et une autre voix d'enfant ajoutait « Oui, mais la robe était
garnie de dentelles blanches.
» Un air chaud montait.
Les visages, plus roses, étaient comme amollis par une
béatitude intérieure.
Deux laquais firent le tour de la table, versant de l'alicante et du tokai.
Depuis le commencement du dîner, Renée semblait distraite.
Elle remplissait ses devoirs de maîtresse de
maison avec un sourire machinal.
A chaque éclat de gaieté qui venait du bout de la table, où Maxime et
Louise, côte à côte, plaisantaient comme de bons camarades, elle jetait de ce côté un regard luisant.
Elle
s'ennuyait.
Les hommes graves l'assommaient.
Mme d'Espanet et Mme Haffner lui lançaient des regards
désespérés.
\24 Et les prochaines élections, comment s'annoncent-elles? demanda brusquement Saccard à M.
Hupel de la
Noue.
\24 Mais très bien, répondit celui-ci en souriant; seulement je n'ai pas encore de candidats désignés pour mon
département.
Le ministère hésite, paraît-il.
M.
de Mareuil, qui, d'un coup d'oeil, avait remercié Saccard d'avoir entamé ce sujet, semblait être sur des
charbons ardents.
Il rougit légèrement, il fit des saluts embarrassés, lorsque le préfet, s'adressant à lui,
continua:
\24 On m'a beaucoup parlé de vous dans le pays, monsieur.
Vos grandes propriétés vous y font de nombreux
amis, et l'on sait combien vous êtes dévoué à l'empereur.
Vous avez toutes les chances.
\24 Papa, n'est-ce pas que la petite Sylvia vendait des cigarettes à Marseille, en 1849? cria à ce moment
Maxime du bout de la table.
Et, comme Aristide Saccard feignait de ne pas entendre, le jeune homme reprit d'un ton plus bas:
\24 Mon père l'a connue particulièrement.
La Curée
La Curée 16.
»
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