La Curée fâcher avec son fils, cesser de le voir.
Publié le 11/04/2014
Extrait du document
«
\24 Moi, madame, je n'aurais pas compris la vie comme vous.
Je me le suis dit bien souvent, quand je vous
trouvais avec M.
Maxime: « Est-il possible qu'on soit si bête pour les hommes! » Ça finit toujours mal...
Ah!
bien, c'est moi qui me suis toujours méfiée!
Elle riait, elle se renversait dans le coin du coupé.
\24 C'est mes écus qui auraient dansé! continua-t-elle, et aujourd'hui je m'abîmerais les yeux à pleurer.
Aussi,
dès que je voyais un homme, je prenais un manche à balai...
Je n'ai jamais osé vous dire tout ça.
\24 D'ailleurs, ça ne me regardait pas.
Vous étiez bien libre, et moi je n'avais qu'à gagner honnêtement mon
argent.
A la gare, Renée voulut payer pour elle et lui prit une place de première.
Comme elles étaient arrivées en
avance, elle la retint, lui serrant les mains, lui répétant:
\24 Et prenez bien garde à vous, soignez-vous bien, ma bonne Céleste.
Celle-ci se laissait caresser.
Elle restait heureuse sous les yeux noyés de sa maîtresse, le visage frais et
souriant.
Renée parla encore du passé.
Et, brusquement, l'autre s'écria:
\24 J'oubliais, je ne vous ai pas conté l'histoire de Baptiste, le valet de chambre de monsieur...
On n'aura pas
voulu vous dire...
La jeune femme avoua qu'en effet elle ne savait rien.
\24 Eh bien, vous vous rappelez ses grands airs de dignité, ses regards dédaigneux, vous m'en parliez
vous-même...
Tout ça c'était de la comédie...
Il n'aimait pas les femmes, il ne descendait jamais à l'office
quand nous y étions; et même, je puis le répéter maintenant, il prétendait que c'était dégoûtant au salon, à
cause des robes décolletées.
Je le crois bien, qu'il n'aimait pas les femmes!
Et elle se pencha à l'oreille de Renée; elle la fit rougir, tout en gardant elle- même son honnête placidité.
\24 Quand le nouveau garçon d'écurie, continua-t-elle, eut tout appris à monsieur, monsieur préféra chasser
Baptiste que de l'envoyer en justice.
Il parait que ces vilaines choses se passaient depuis des années dans les
écuries...
Et dire que ce grand escogriffe avait l'air d'aimer les chevaux! C'était les palefreniers qu'il aimait.
La cloche l'interrompit.
Elle prit à la hâte les huit ou dix paquets dont elle n'avait pas voulu se séparer.
Elle se
laissa embrasser.
Puis elle s'en alla, sans se retourner.
Renée resta dans la gare jusqu'au coup de sifflet de la locomotive.
Et, quand le train fut parti, désespérée, elle
ne sut plus que faire; ses journées lui semblaient s'étendre devant elle, vides comme cette grande salle où elle
était demeurée seule.
Elle remonta dans son coupé, elle dit au cocher de retourner à l'hôtel.
Mais, en chemin,
elle se ravisa; elle eut peur de sa chambre, de l'ennui qui l'attendait; elle ne se sentait pas même le courage de
rentrer changer de toilette, pour son tour de lac habituel.
Elle avait un besoin de soleil, un besoin de foule.
Elle ordonna au cocher d'aller au Bois.
Il était quatre heures.
Le Bois s'éveillait des lourdeurs du chaud après-midi, le long de l'avenue de
l'Impératrice, des fumées de poussière volaient, et l'on voyait, au loin, les nappes étalées des verdures que
bornaient les coteaux de Saint-Cloud et de Suresnes, couronnées par la grisaille du mont Valérien.
Le soleil,
haut sur l'horizon, coulait, emplissant d'une poussière d'or les creux des feuillages, allumait les branches La Curée
PARTIE VII 156.
»
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