La Curée Il y eut quelques rires étouffés.
Publié le 11/04/2014
Extrait du document
«
Monceau, ces pensées se noyaient, à cette heure, dans l'excitation des mets, des vins, des lumières, de ce
milieu troublant où passaient des haleines et des gaietés chaudes.
Elle n'échangeait plus de tranquilles
sourires avec sa soeur Christine et sa tante Elisabeth, modestes toutes deux, s'effaçant, parlant à peine.
Elle
avait, d'un regard dur, fait baisser les yeux du pauvre M.
de Mussy.
Dans son apparente distraction, bien
qu'elle évitât maintenant de se tourner, appuyée contre le dossier de sa chaise, où le satin de son corsage
craquait doucement, elle laissait échapper un imperceptible frisson des épaules, à chaque nouvel éclat de rire
qui lui venait du coin où Maxime et Louise plaisantaient, toujours aussi haut, dans le bruit mourant des
conversations.
Et derrière elle, au bord de l'ombre, dominant de sa haute taille la table en désordre et les convives pâmés,
Baptiste se tenait debout, la chair blanche, la mine grave, avec l'attitude dédaigneuse d'un laquais qui a repu
ses maîtres.
Lui seul, dans l'air chargé d'ivresse, sous les clartés crues du lustre qui jaunissaient, restait
correct, avec sa chaîne d'argent au cou, ses yeux froids où la vue des épaules des femmes ne mettait pas une
flamme, son air d'eunuque servant des Parisiens de la décadence et gardant sa dignité.
Enfin, Renée se leva, d'un mouvement nerveux.
Tout le monde l'imita.
On passa au Salon, où le café était
servi.
Le grand salon de l'hôtel était une vaste pièce longue, une sorte de galerie, allant d'un pavillon à l'autre,
occupant toute la façade du côté du jardin.
Une large porte-fenêtre s'ouvrait sur le perron.
Cette galerie était
resplendissante d'or.
Le plafond, légèrement cintré, avait des enroulements capricieux courant autour de
grands médaillons dorés, qui luisaient comme des boucliers.
Des rosaces, des guirlandes éclatantes bordaient
la voûte; des filets, pareils à des jets de métal en fusion, coulaient sur les murs, encadrant les panneaux,
tendus de soie rouge; des tresses de roses, avec des gerbes épanouies au sommet, retombaient le long des
glaces.
Sur le parquet, un tapis d'Aubusson étalait ses fleurs de pourpre.
Le meuble de damas de soie rouge, les
portières et les rideaux de même étoffe, l'énorme pendule rocaille de la cheminée, les vases de Chine posés
sur les consoles, les pieds des deux tables longues ornées de mosaïques de Florence, jusqu'aux jardinières
placées dans les embrasures des fenêtres, suaient l'or, égouttaient l'or.
Aux quatre angles se dressaient quatre
grandes lampes posées sur des socles de marbre rouge, auxquels les attachaient des chaînes de bronze doré,
tombant avec des grâces symétriques.
Et, au plafond, descendaient trois lustres à pendeloques de cristal,
ruisselants de gouttes de lumière bleues et roses, et dont les clartés ardentes faisaient flamber tout l'or du
salon.
Les hommes se retirèrent bientôt dans le fumoir.
M.
de Mussy vint prendre familièrement le bras de Maxime, qu'il avait connu au collège, bien qu'il eût six ans
de plus que lui.
Il l'entraîna sur la terrasse, et après qu'ils eurent allumé un cigare, il se plaignit amèrement de
Renée.
\24 Mais qu'a-t-elle donc, dites? Je l'ai vue hier, elle était adorable.
Et voilà qu'aujourd'hui elle me traite
comme si tout était fini entre nous? Quel crime ai-je pu commettre? Vous seriez bien aimable, mon cher
Maxime, de l'interroger, de lui dire combien elle me fait souffrir.
\24 Ah! pour cela non! répondit Maxime en riant.
Renée a ses nerfs je ne tiens pas à recevoir l'averse.
Débrouillez-vous, faites vos affaires vous-même.
Et il ajouta, après avoir lentement exhalé la fumée de son havane:
\24 Vous voulez me faire jouer un joli rôle, vous! La Curée
La Curée 18.
»
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