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la faveur des gens du pays, qu'ils considèrent bien quelle

Publié le 01/10/2013

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la faveur des gens du pays, qu'ils considèrent bien quelle raison a poussé ceux qui l'ont favorisé à le favoriser ; et si ce n'est pas affection naturelle envers eux, mais que ce fût seulement parce que ces gens-là n'étaient pas contents de cet Etat, c'est avec peine et grande difficulté qu'il se les pourra garder en amitié, car il est impossible que lui puisse les contenter. Et en examinant bien, par les exemples qui se tirent des choses anciennes et modernes, la raison de cela, il verra lui être beaucoup plus facile de gagner l'amitié de ces hommes qui étaient contents du régime antérieur, et par là étaient ses ennemis, que de ceux qui, pour n'en être pas contents, lui devinrent amis et l'aidèrent à s'en emparer. Ç'a été la coutume des princes pour pouvoir tenir plus sûrement leur Etat, d'édifier des forteresses qui soient la bride et le frein de ceux qui auraient dessein d'agir contre eux, et avoir un refuge sûr contre un soudain assaut. Je loue cette façon de faire, car elle est d'usage ancien ; néanmoins messire Niccolo Vitelli, de notre temps, on l'a vu démolir deux forteresses à Città di Castello pour tenir cet État. Guido Ubaldo, duc d'Urbin, revenu dans ses États d'où César Borgia l'avait chassé, détruisit de fond en comble toutes les forteresses c19 ce pays, et il jugea sans elles reperdre plus difficilement cet Etat. Les Bentivogli, revenus à Bologne, en usèrent de même. Les forteresses, donc, sont utiles ou non, selon les temps ; et si elles te font du bien d'un côté, elles te nuisent de l'autre. Et voici comme on peut discourir là-dessus : le prince qui a plus grand peur du peuple que des étrangers doit faire des forteresses ; mais celui qui a plus ' grand peur des étrangers que du peuple doit s'en détourner. A la maison Sforza a fait et fera plus de mal le château de Milan qu'y édifia François Sforza qu'aucun autre désordre de cet Etat. C'est pourquoi la meilleure forteresse qui soit est de n'être pas haï du peuple : car encore que tu aies les forteresses, que le peuple t'ait en haine, elles ne te sauvent pas, parce que ne manquent jamais aux peuples, une fois qu'ils ont pris les armes, des étrangers qui leur portent secours. De notre temps, on ne voit pas qu'elles aient profité à aucun prince, sinon à la comtesse de Forli quand fut mort le comte Jérôme son époux, parce que grâce à elle elle put fuir l'assaut populaire et attendre le secours de Milan, et récupérer l'État ; et les temps se trouvaient alors tels que l'étranger ne pouvait porter secours au peuple ; mais ensuite à elle non plus les forteresses ne servirent guère quand César Borgia l'attaqua et que son peuple hostile se joignit à l'étranger. Par conséquent, alors et d'abord, il lui aurait été plus sûr de n'être pas haïe du peuple que d'avoir des forteresses. Donc, toutes ces choses considérées, je louerai qui fera des forteresses et qui n'en fera pas, et je blâmerai quiconque, se fiant aux forteresses, fera peu de cas d'être haï du peuple. XXI CE QUI CONVIENT AU PRINCE POUR SE FAIRE ESTIMER Nulle chose ne fait autant estimer un prince que ne font les grandes entreprises et de donner de soi rares exemples. Nous avons de notre temps Ferdinand d'Aragon, le présent roi d'Espagne. Celui-ci se peut quasi appeler prince nouveau, car de roi faible il est devenu par renom et par gloire le premier roi de la chrétienté ; et si vous considérez ses actions, vous les trouverez toutes très grandes, et quelques-unes extraordinaires. Lui, au commencement de son règne, attaqua Grenade ; et cette entreprise fut le fondement de son État. D'abord il la fit étant de loisir, et sans avoir lieu de craindre aucun empêchement ; il y tint occupés les esprits des barons de Castille, lesquels, pensant à cette guerre, ne pensaient pas à innover ; et lui, par ce moyen, acquérait réputation et autorité sur eux, sans qu'ils s'en avisassent. Il put, avec l'argent de l'Église et de la population, entretenir des armées, et poser avec cette longue guerre les bases de sa milice, laquelle lui a ensuite fait honneur. Outre cela, pour pouvoir entreprendre de plus grandes entreprises, se servant toujours de la religion, il eut recours à une pieuse cruauté, chassant et dépouillant son royaume des marranes : et il ne peut y avoir exemple plus pitoyable ni plus rare. Il attaqua sous ce même manteau l'Afrique, il fit l'entreprise d'Italie, il a dernièrement attaqué la France, et ainsi toujours a fait et ourdi de grandes choses 23, lesquelles toujours ont tenu en suspens et étonnement

« Forli quand fut mort le comte Jérôme son époux, parce que grâce à elle elle put fuir l'assaut populaire et attendre le secours de Milan, et récupérer l'État ; et les temps se trouvaient alors tels que l'étranger ne pouvait porter secours au peuple ; mais ensuite à elle non plus les forteresses ne servirent guère quand César Borgia l'attaqua et que son peuple hostile se joignit à l'étranger.

Par conséquent, alors et d'abord, il lui aurait été plus sûr de n'être pas haïe du peuple que d'avoir des forteresses.

Donc, toutes ces choses considérées, je louerai qui fera des forte- resses et qui n'en fera pas, et je blâmerai quiconque, se fiant aux forteresses, fera peu de cas d'être haï du peuple.. »

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