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LA NARRATION DESCRIPTIVE. LES LIONS CRUCIFIES.

Publié le 28/04/2011

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     Des trois formes de la narration, la forme descriptive est certainement la moins vivante, la moins active ; mais c'est aussi la plus artiste : elle transforme le récit en un tableau où les qualités de composition, de pittoresque peuvent se donner carrière. On étudiera les caractères de la narration descriptive dans ce passage de la Salambô, du romancier Flaubert, qui est certainement le maître de la narration descriptive.    (Les mercenaires de Carthage font route dans la campagne qui avoisine la ville.)    Ils marchaient dans une sorte de grand couloir bordé par deux chaînes de monticules rougeâtres, quand une odeur nauséabonde vint les frapper aux narines, et ils crurent voir au haut d'un caroubier quelque chose d'extraordinaire : une tête de lion se dressait au-dessus des feuilles.  Ils y coururent. C'était un lion, attaché à une croix par les quatre membres comme un criminel. Son mufle énorme lui retombait sur la poitrine, et ses deux pattes antérieures disparaissant à demi sous l'abondance de sa crinière, étaient largement écartées comme les deux ailes d'un oiseau. Ses côtes, une à une, jaillissaient sous sa peau tendue ; ses jambes de derrière clouées l'une contre l'autre, remontaient un peu ; et du sang noir, coulant parmi ses poils, avait amassé des stalactites au bas de sa queue qui pendait toute droite, le long de la croix. Les soldats se divertirent autour ; ils l'appelaient consul, et citoyen de Rome, et lui jetèrent des cailloux dans les yeux, pour faire envoler les moucherons.    Cent pas plus loin, ils en virent deux autres, puis tout à coup, parut une longue file de croix supportant des lions. Les uns étaient morts depuis si longtemps qu'il ne restait plus contre le bois que les débris de leurs squelettes ; d'autres, à moitié rongés, tordaient la gueule en faisant une horrible grimace ; il y en avait d'énormes ; l'arbre de la croix pliait sous eux et ils se balançaient au vent, tandis que sur leur tête des bandes de corbeaux tournoyaient dans l'air sans jamais s'arrêter. Ainsi se vengeaient les paysans carthaginois quand ils avaient pris quelque bête féroce ; ils espéraient par cet exemple terrifier les autres. Les Barbares, cessant de rire, tombèrent dans un long étonnement... « Quel est ce peuple, pensaient-ils, qui s'amuse à crucifier des lions ? «

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