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LA PREFACE DES COMMENTAIRES DE MONTLUC.

Publié le 08/07/2011

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Mont lue s'est retiré chez lui à 71 ans, pour écrire ses Mémoires, qu'il intitule Commentaires. Quatre ans plus tard, les ayant achevées, il met cette préface en tête. M'étant retiré chez moi en l'âge de soixante-quinze ans pour trouver quelque repos après tant et tant de peines souffertes par moi pendant le temps de cinquante-cinq ans que j'ai porté les armes pour le service des Rois mes maîtres, ayant passé par degrés et par tous les ordres de soldat, enseigne, lieutenant, capitaine en chef, maître de camp, gouverneur des places, lieutenant du Roi ès  provinces de Toscane et de la Guyenne, et maréchal de France, me voyant stropiat  presque de tous mes membres d'arquebusades, coups de pique et d'épée, et à demi inutile, sans force, et sans espérance de recouvrer guérison de cette grande arquebusade que j'ai au visage ; après avoir remis la charge du gouvernement de Guyenne entre les mains de Sa Majesté, j'ai voulu employer le temps qui me reste à décrire les combats auxquels je me suis trouvé pendant cinquante et deux ans que j'ai commandé, m'assurant que les capitaines qui liront ma vie y verront des choses desquelles ils pourront aussi faire profit et acquérir honneur et réputation. Et encore que j'aie eu beaucoup d'heur  et de bonne fortune aux combats que j'ai entrepris, quelquefois, comme il semblait, sans grande raison, si ne veux-je pas que l'on pense que j'en attribue la bonne issue et que j'en donne la louange à d'autre qu'à Dieu ; car quand on verra les combats où je me suis trouvé, on jugera que c'est de ses œuvres. Aussi l'ai-je toujours invoqué en toutes mes actions avec grande confiance de sa grâce. Et pour ce que ceux qui liront mes Commentaires trouveront peut-être étrange et diront que c'est mal fait à moi d'écrire de mes faits, et que je devrais laisser prendre cette charge à un autre, je leur dirai, pour toute réponse, qu'en écrivant la vérité et en rendant l'honneur à Dieu, ce n'est pas mal fait. Le témoignage de plusieurs qui sont encore en vie fera foi de ce que j'écris. Nul aussi ne pouvait mieux représenter les desseins, entreprises et exécutions ou les faits survenus en icelles que moi-même, qui ne dérobe rien de l'honneur d'autrui. Le plus grand capitaine qui ait jamais été, qui est César, m'en a montré le chemin, ayant lui-même écrit ses Commentaires, écrivant la nuit ce qu'il exécutait le jour.

Blaise de Montluc.   

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