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La tentation de Saint Antoine rafraichir les dalles.

Publié le 11/04/2014

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La tentation de Saint Antoine rafraichir les dalles. Des belluaires amenent des lions. Des danseuses, les cheveux pris dans des filets, tournent sur les mains en crachant du feu par les narines; des bateleurs negres jonglent, des enfants nus se lancent des pelotes de neige, qui s'ecrasent en tombant contre les claires argenteries. La clameur est si formidable qu'on dirait une tempete, et un nuage flotte sur le festin, tant il y a de viandes et d'haleines. Quelquefois une flammeche des grands flambeaux, arrachee par le vent, traverse la nuit comme une etoile qui file. Le Roi essuie avec son bras les parfums de son visage. Il mange dans les vases sacres, puis les brise; et il enumere interieurement ses flottes, ses armees, ses peuples. Tout a l'heure, par caprice, il brulera son palais avec ses convives. Il compte rebatir la tour de Babel et detroner Dieu. Antoine lit, de loin, sur son front, toutes ses pensees. Elles le penetrent,--et il devient Nabuchodonosor. Aussitot il est repu de debordements et d'exterminations; et l'envie le prend de se rouler dans la bassesse. D'ailleurs, la degradation de ce qui epouvante les hommes est un outrage fait a leur esprit, une maniere encore de les stupefier; et comme rien n'est plus vil qu'une bete brute, Antoine se met a quatre pattes sur la table, et beugle comme un taureau. Il sent une douleur a la main,--un caillou, par hasard, l'a blesse,--et il se retrouve devant sa cabane. L'enceinte des roches est vide. Les etoiles rayonnent. Tout se tait. Une fois de plus je me suis trompe! Pourquoi ces choses? Elles viennent des soulevements de la chair. Ah! miserable! Il s'elance dans sa cabane, y prend un paquet de cordes, termine par des ongles metalliques, se denude jusqu'a la ceinture, et levant la tete vers le ciel: Accepte ma penitence, o mon Dieu! ne la dedaigne pas pour sa faiblesse. Rends-la aigue, prolongee, excessive! Il est temps! a l'oeuvre! Il s'applique un cinglon vigoureux. Aie! non! non! pas de pitie! Il recommence. Oh! oh! oh! chaque coup me dechire la peau, me tranche les membres. Cela me brule horriblement! Eh! ce n'est pas terrible! on s'y fait. Il me semble meme ... Antoine s'arrete. Va donc, lache! va donc! Bien! bien! sur les bras, dans le dos, sur la poitrine, contre le ventre, partout! Sifflez, lanieres, mordez-moi, arrachez-moi! Je voudrais que les gouttes de mon sang jaillissent jusqu'aux etoiles, fissent craquer mes os, decouvrir mes nerfs! Des tenailles, des chevalets, du plomb fondu! Les martyrs en ont subi bien d'autres! n'est-ce pas, Ammonaria? L'ombre des cornes du Diable reparait. II. 15 La tentation de Saint Antoine J'aurais pu etre attache a la colonne pres de la tienne, face a face, sous tes yeux, repondant a tes cris par mes soupirs; et nos douleurs se seraient confondues, nos ames se seraient melees. Il se flagelle avec furie. Tiens, tiens! pour toi! encore!... Mais voila qu'un chatouillement me parcourt. Quel supplice! quels delices! ce sont comme des baisers. Ma moelle se fond! je meurs! Et il voit en face de lui trois cavaliers montes sur des onagres, vetus de robes vertes, tenant des lis a la main et se ressemblant tous de figure. Antoine se retourne, et il voit trois autres cavaliers semblables, sur de pareils onagres, dans la meme attitude. Il recule. Alors les onagres, tous a la fois, font un pas et frottent leur museau contre lui, en essayant de mordre son vetement. Des vois crient: "Par ici, par ici, c'est la!" Et des etendards paraissent entre les fentes de la montagne avec des tetes de chameau en licol de soie rouge, des mulets charges de bagages, et des femmes couvertes de voiles jaunes, montees a califourchon sur des chevaux-pies. Les betes haletantes se couchent, Ses esclaves se precipitent sur les ballots, on deroule des tapis barioles, on etale par terre des choses qui brillent. Un elephant blanc, caparaconne d'un filet d'or, accourt, en secouant le bouquet de plumes d'autruche attache a son frontal. Sur son dos, parmi des coussins de laine bleue, jambes croisees, paupieres a demi closes et se balancant la tete, il y a une femme si splendidement vetue qu'elle envoie des rayons autour d'elle. La foule se prosterne, l'elephant plie les genoux, et LA REINE DE SABA se laissant glisser le long de son epaule, descend sur les tapis et s'avance vers saint Antoine. Sa robe en brocart d'or, divisee regulierement par des falbalas de perles, de jais et de saphirs, lui serre la taille dans un corsage etroit, rehausse d'applications de couleur, qui representent les douze signes du Zodiaque. Elle a des patins tres-hauts, dont l'un est noir et seme d'etoiles d'argent, avec un croissant de lune,--et l'autre, qui est blanc, est couvert de gouttelettes d'or avec un soleil au milieu. Ses larges manches, garnies d'emeraudes et de plumes d'oiseau, laissent voir a nu son petit bras rond, orne au poignet d'un bracelet d'ebene, et ses mains chargees de bagues se terminent par des ongles si pointus que le bout de ses doigts ressemble presque a des aiguilles. Une chaine d'or plate, lui passant sous le menton, monte le long de ses joues, s'enroule en spirale autour de sa coiffure, poudree de poudre bleue; puis, redescendant, lui effleure les epaules et vient s'attacher sur sa poitrine a un scorpion de diamant, qui allonge la langue entre ses seins. Deux grosses perles blondes tirent ses oreilles. Le bord de ses paupieres est peint en noir. Elle a sur la pommette gauche une tache brune naturelle; et elle respire en ouvrant la bouche, comme si son corset la genait. Elle secoue, tout en marchant, un parasol vert a manche d'ivoire, entoure de sonnettes vermeilles;--et douze negrillons crepus portent la longue- queue de sa robe, dont un singe tient l'extremite qu'il souleve de temps a autre. II. 16

« J'aurais pu etre attache a la colonne pres de la tienne, face a face, sous tes yeux, repondant a tes cris par mes soupirs; et nos douleurs se seraient confondues, nos ames se seraient melees. Il se flagelle avec furie. Tiens, tiens! pour toi! encore!...

Mais voila qu'un chatouillement me parcourt.

Quel supplice! quels delices! ce sont comme des baisers.

Ma moelle se fond! je meurs! Et il voit en face de lui trois cavaliers montes sur des onagres, vetus de robes vertes, tenant des lis a la main et se ressemblant tous de figure. Antoine se retourne, et il voit trois autres cavaliers semblables, sur de pareils onagres, dans la meme attitude. Il recule.

Alors les onagres, tous a la fois, font un pas et frottent leur museau contre lui, en essayant de mordre son vetement.

Des vois crient: “Par ici, par ici, c'est la!” Et des etendards paraissent entre les fentes de la montagne avec des tetes de chameau en licol de soie rouge, des mulets charges de bagages, et des femmes couvertes de voiles jaunes, montees a califourchon sur des chevaux-pies. Les betes haletantes se couchent, Ses esclaves se precipitent sur les ballots, on deroule des tapis barioles, on etale par terre des choses qui brillent. Un elephant blanc, caparaconne d'un filet d'or, accourt, en secouant le bouquet de plumes d'autruche attache a son frontal. Sur son dos, parmi des coussins de laine bleue, jambes croisees, paupieres a demi closes et se balancant la tete, il y a une femme si splendidement vetue qu'elle envoie des rayons autour d'elle.

La foule se prosterne, l'elephant plie les genoux, et LA REINE DE SABA se laissant glisser le long de son epaule, descend sur les tapis et s'avance vers saint Antoine. Sa robe en brocart d'or, divisee regulierement par des falbalas de perles, de jais et de saphirs, lui serre la taille dans un corsage etroit, rehausse d'applications de couleur, qui representent les douze signes du Zodiaque.

Elle a des patins tres-hauts, dont l'un est noir et seme d'etoiles d'argent, avec un croissant de lune,—et l'autre, qui est blanc, est couvert de gouttelettes d'or avec un soleil au milieu. Ses larges manches, garnies d'emeraudes et de plumes d'oiseau, laissent voir a nu son petit bras rond, orne au poignet d'un bracelet d'ebene, et ses mains chargees de bagues se terminent par des ongles si pointus que le bout de ses doigts ressemble presque a des aiguilles. Une chaine d'or plate, lui passant sous le menton, monte le long de ses joues, s'enroule en spirale autour de sa coiffure, poudree de poudre bleue; puis, redescendant, lui effleure les epaules et vient s'attacher sur sa poitrine a un scorpion de diamant, qui allonge la langue entre ses seins.

Deux grosses perles blondes tirent ses oreilles. Le bord de ses paupieres est peint en noir.

Elle a sur la pommette gauche une tache brune naturelle; et elle respire en ouvrant la bouche, comme si son corset la genait. Elle secoue, tout en marchant, un parasol vert a manche d'ivoire, entoure de sonnettes vermeilles;—et douze negrillons crepus portent la longue- queue de sa robe, dont un singe tient l'extremite qu'il souleve de temps a autre.

La tentation de Saint Antoine II.

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