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La Terre de recommencer ca, avec ce garcon.

Publié le 11/04/2014

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La Terre de recommencer ca, avec ce garcon. Elle ne le detestait pas, elle n'avait pas envie de lui, simplement; et il fallait qu'elle ne le desirat vraiment guere, pour ne point defaillir et se livrer, lorsqu'elle tombait entre ses bras, derriere une haie, encore furieuse et rouge d'une attaque de Buteau. Ah! le cochon! Elle ne parlait que de ce cochon-la, passionnee, excitee, tout d'un coup refroidie, des que l'autre voulait profiter et la prendre. Non, non, ca lui faisait honte! Un jour, poussee a bout, elle le remit a plus tard, au soir de leur mariage. C'etait la premiere fois qu'elle s'engageait, car elle avait evite jusque-la de repondre nettement, quand il la demandait pour femme. Des lors, ce fut comme entendu: il l'epouserait, mais apres sa majorite, aussitot qu'elle serait maitresse de son bien et qu'elle pourrait exiger des comptes. Cette bonne raison le frappa, il lui precha la patience, il cessa de la tourmenter, excepte dans les moments ou l'idee de rire le tenait trop fort. Elle, soulagee, tranquillisee par le vague de cette echeance lointaine, se contentait de lui saisir les deux mains pour l'empecher, en le regardant de ses jolis yeux suppliants, d'un air de femme susceptible qui ne desirait risquer d'avoir un petit que de son homme. Cependant, Buteau, certain qu'elle n'etait pas enceinte, avait une autre crainte, celle qu'elle ne le devint, si elle retournait avec Jean. Il continuait de le defier, et il tremblait, car on lui rapportait de partout que celui-ci jurait de remplir Francoise jusqu'aux yeux, comme jamais fille n'avait ete pleine. Aussi, la surveillait-il, du matin au soir, exigeant d'elle l'emploi de chacune de ses minutes, la tenant a l'attache, sous la menace du fouet, ainsi qu'une bete domestique dont on craint les farces; et c'etait un supplice nouveau, elle sentait toujours derriere ses jupes son beau-frere ou sa soeur, elle ne pouvait aller au trou a fumier pour un besoin, sans rencontrer un oeil qui l'epiait. La nuit, on l'enfermait dans sa chambre; meme, au soir, apres une dispute, elle avait trouve un cadenas condamnant le volet de sa lucarne. Puis, comme elle parvenait quand meme a s'echapper, il y avait a son retour d'abominables scenes, des interrogatoires, parfois des visites, le mari l'empoignant aux epaules, tandis que la femme la deshabillait a moitie, pour voir. Elle en fut rapprochee de Jean, elle en arriva a lui donner des rendez-vous, heureuse de braver les autres. Peut-etre lui aurait-elle cede enfin, si elle les avait eus la, derriere elle. En tous cas, elle acheva de se promettre, elle lui jura, sur ce qu'elle avait de plus sacre, que Buteau mentait, lorsqu'il se vantait de coucher avec les deux soeurs, dans l'idee de faire le coq et de forcer a etre des choses qui n'etaient pas. Jean, tourmente d'un doute, trouvant au fond l'affaire possible et naturelle, parut la croire. Et, en se quittant, ils s'embrasserent, tres bons amis, si bien qu'a partir de ce jour, elle le prit pour confident et conseil, tachant de le voir a la moindre alerte, ne risquant rien sans son approbation. Lui, ne la touchait plus du tout, la traitait en camarade avec qui l'on a des interets communs. Maintenant, chaque fois que Francoise courait rejoindre Jean derriere un mur, la conversation etait la meme. Elle degrafait violemment son corsage, ou retroussait sa jupe. --Tiens! ce cochon-la m'a encore pincee. Il constatait, restait froid et resolu. --Ca se payera, faut montrer ca aux voisines.... Surtout, ne te revenge pas. La justice sera pour nous, quand nous aurons le droit. --Et ma soeur tiendrait la chandelle, tu sais! Est-ce qu'hier, lorsqu'il a saute sur moi, elle n'a pas file, au lieu de lui allonger par derriere un seau d'eau froide! --Ta soeur, elle finira mal avec ce bougre.... Tout ca est bon. Si tu ne veux pas, il ne peut pas, c'est sur; et, quant au reste, qu'est-ce que ca nous fiche?... Soyons d'accord, il est foutu. Le pere Fouan, bien qu'il evitat de s'en meler, etait de toutes les querelles. S'il se taisait, on le forcait a prendre parti; s'il sortait, il retombait au retour dans un menage en deroute, ou sa presence suffisait souvent a rallumer les coleres. Jusque-la, il n'avait pas souffert reellement, physiquement; tandis que commencaient a cette heure les privations, le pain mesure, les douceurs supprimees. On ne le bourrait plus de nourriture ainsi qu'aux II 167 La Terre premiers jours, chaque tartine coupee trop epaisse lui attirait des paroles dures: quel trou! moins on travaillait, plus on bafrait, alors! Il etait guette, devalise, tous les trimestres, quand il revenait de toucher a Cloyes la rente que M. Baillehache lui faisait sur les trois mille francs de la maison. Francoise en arrivait a voler des sous a sa soeur, pour lui acheter du tabac, car on la laissait, elle aussi, sans argent. Enfin, le vieux se trouvait tres mal dans la chambre humide ou il couchait, depuis qu'il avait casse un carreau de lucarne, qu'on avait bouchee avec de la paille, pour eviter la depense de cette vitre a remettre. Ah! ces gueux d'enfants, tous les memes! Il grognait du matin au soir, il regrettait mortellement d'avoir quitte les Delhomme, desespere d'etre tombe d'un mal dans un pire. Mais ce regret, il le cachait, ne le temoignait que par des mots involontaires, car il savait que Fanny avait dit: "Papa, il viendra nous demander a genoux de le reprendre!" Et c'etait fini, cela lui restait pour toujours, comme une barre obstinee, en travers du coeur. Il serait plutot mort de faim et de colere chez les Buteau, que de retourner s'humilier chez les Delhomme. Justement, un jour que Fouan revenait a pied de Cloyes, apres s'etre fait payer sa rente chez le notaire, et qu'il s'etait assis au fond d'un fosse, Jesus-Christ, qui flanait par la, visitant des terriers a lapins, l'apercut tres absorbe, profondement occupe a compter des pieces de cent sous, dans son mouchoir. Il s'accroupit aussitot, rampa, arriva au-dessus de son pere, sans bruit; et, la, allonge, il eut la surprise de lui voir nouer soigneusement une grosse somme, peut-etre bien quatre-vingts francs: ses yeux flamberent, un rire silencieux decouvrit ses dents de loup. Tout de suite, l'ancienne idee d'un magot lui etait venue. Evidemment, le vieux avait des titres caches, dont il touchait les coupons, chaque trimestre, en profitant de sa visite a M. Baillehache. La premiere pensee de Jesus-Christ fut de larmoyer et d'arracher vingt francs. Puis, cela lui parut mesquin, un autre plan s'elargissait dans sa tete, il s'ecarta aussi doucement qu'il s'etait approche, d'un glissement souple de couleuvre; de sorte que Fouan, remonte sur la route, n'eut aucune mefiance, en le rencontrant cent pas plus loin, avec l'allure desinteressee d'un gaillard, qui, lui aussi, rentrait a Rognes. Ils acheverent le chemin ensemble, ils causerent, le pere tomba fatalement sur les Buteau, des sans-coeur, qu'il accusait de le faire crever de faim; et le fils, bonhomme, les yeux mouilles, proposa de le sauver de ces canailles, en le prenant chez lui, a son tour. Pourquoi non? On ne s'embetait pas, on rigolait du matin au soir, chez lui. La Trouille faisait de la cuisine pour deux, elle en ferait pour trois. Une sacree cuisine, quand il y avait des sous! Etonne de la proposition, pris d'une inquietude vague, Fouan refusa. Non, non, ce n'etait pas a son age qu'on se mettait a courir de l'un chez l'autre et a changer ses habitudes tous les ans. --Enfin, pere, c'est de bon coeur, vous reflechirez.... Voila, vous savez toujours que vous n'etes pas a la rue. Venez au Chateau, lorsque vous en aurez assez, de ces crapules! Et Jesus-Christ le quitta, perplexe, intrigue, se demandant a quoi le vieux pouvait manger ses rentes, puisque, decidement, il en avait. Quatre fois par annee, un tas pareil de pieces de cent sous, ca devait faire au moins trois cents francs. S'il ne les mangeait pas, c'etait donc qu'il les gardait? Faudrait voir ca. Un fameux magot, alors! Ce jour-la, un jour doux et humide de novembre, lorsque le pere Fouan rentra, Buteau voulut le devaliser des trente-sept francs cinquante, qu'il touchait tous les trois mois, depuis la vente de sa maison. Il etait convenu, d'ailleurs, que le vieux les lui abandonnait, ainsi que les deux cents francs annuels des Delhomme. Mais, cette fois, une piece de cent sous s'etait egaree parmi celles qu'il avait nouees dans son mouchoir; et, quand il eut retourne ses poches et qu'il n'en tira que trente-deux francs cinquante, son fils s'emporta, le traita de filou, l'accusa d'avoir fricasse les cinq francs, a de la boisson et a des horreurs. Saisi, la main sur son mouchoir, avec la peur sourde qu'on ne le visitat, le pere begayait des explications, jurait ses grands dieux qu'il devait les avoir perdus, en se mouchant. Une fois de plus, la maison fut en l'air jusqu'au soir. Ce qui rendait Buteau d'une humeur feroce, c'etait qu'en ramenant sa herse, il avait apercu Jean et Francoise, fuyant derriere un mur. Celle-ci, sortie sous le pretexte de faire de l'herbe pour ses vaches, ne reparaissait II 168

« premiers jours, chaque tartine coupee trop epaisse lui attirait des paroles dures: quel trou! moins on travaillait, plus on bafrait, alors! Il etait guette, devalise, tous les trimestres, quand il revenait de toucher a Cloyes la rente que M.

Baillehache lui faisait sur les trois mille francs de la maison.

Francoise en arrivait a voler des sous a sa soeur, pour lui acheter du tabac, car on la laissait, elle aussi, sans argent.

Enfin, le vieux se trouvait tres mal dans la chambre humide ou il couchait, depuis qu'il avait casse un carreau de lucarne, qu'on avait bouchee avec de la paille, pour eviter la depense de cette vitre a remettre.

Ah! ces gueux d'enfants, tous les memes! Il grognait du matin au soir, il regrettait mortellement d'avoir quitte les Delhomme, desespere d'etre tombe d'un mal dans un pire.

Mais ce regret, il le cachait, ne le temoignait que par des mots involontaires, car il savait que Fanny avait dit: “Papa, il viendra nous demander a genoux de le reprendre!” Et c'etait fini, cela lui restait pour toujours, comme une barre obstinee, en travers du coeur.

Il serait plutot mort de faim et de colere chez les Buteau, que de retourner s'humilier chez les Delhomme. Justement, un jour que Fouan revenait a pied de Cloyes, apres s'etre fait payer sa rente chez le notaire, et qu'il s'etait assis au fond d'un fosse, Jesus-Christ, qui flanait par la, visitant des terriers a lapins, l'apercut tres absorbe, profondement occupe a compter des pieces de cent sous, dans son mouchoir.

Il s'accroupit aussitot, rampa, arriva au-dessus de son pere, sans bruit; et, la, allonge, il eut la surprise de lui voir nouer soigneusement une grosse somme, peut-etre bien quatre-vingts francs: ses yeux flamberent, un rire silencieux decouvrit ses dents de loup.

Tout de suite, l'ancienne idee d'un magot lui etait venue.

Evidemment, le vieux avait des titres caches, dont il touchait les coupons, chaque trimestre, en profitant de sa visite a M. Baillehache.

La premiere pensee de Jesus-Christ fut de larmoyer et d'arracher vingt francs.

Puis, cela lui parut mesquin, un autre plan s'elargissait dans sa tete, il s'ecarta aussi doucement qu'il s'etait approche, d'un glissement souple de couleuvre; de sorte que Fouan, remonte sur la route, n'eut aucune mefiance, en le rencontrant cent pas plus loin, avec l'allure desinteressee d'un gaillard, qui, lui aussi, rentrait a Rognes.

Ils acheverent le chemin ensemble, ils causerent, le pere tomba fatalement sur les Buteau, des sans-coeur, qu'il accusait de le faire crever de faim; et le fils, bonhomme, les yeux mouilles, proposa de le sauver de ces canailles, en le prenant chez lui, a son tour.

Pourquoi non? On ne s'embetait pas, on rigolait du matin au soir, chez lui.

La Trouille faisait de la cuisine pour deux, elle en ferait pour trois.

Une sacree cuisine, quand il y avait des sous! Etonne de la proposition, pris d'une inquietude vague, Fouan refusa.

Non, non, ce n'etait pas a son age qu'on se mettait a courir de l'un chez l'autre et a changer ses habitudes tous les ans. —Enfin, pere, c'est de bon coeur, vous reflechirez....

Voila, vous savez toujours que vous n'etes pas a la rue. Venez au Chateau, lorsque vous en aurez assez, de ces crapules! Et Jesus-Christ le quitta, perplexe, intrigue, se demandant a quoi le vieux pouvait manger ses rentes, puisque, decidement, il en avait.

Quatre fois par annee, un tas pareil de pieces de cent sous, ca devait faire au moins trois cents francs.

S'il ne les mangeait pas, c'etait donc qu'il les gardait? Faudrait voir ca.

Un fameux magot, alors! Ce jour-la, un jour doux et humide de novembre, lorsque le pere Fouan rentra, Buteau voulut le devaliser des trente-sept francs cinquante, qu'il touchait tous les trois mois, depuis la vente de sa maison.

Il etait convenu, d'ailleurs, que le vieux les lui abandonnait, ainsi que les deux cents francs annuels des Delhomme.

Mais, cette fois, une piece de cent sous s'etait egaree parmi celles qu'il avait nouees dans son mouchoir; et, quand il eut retourne ses poches et qu'il n'en tira que trente-deux francs cinquante, son fils s'emporta, le traita de filou, l'accusa d'avoir fricasse les cinq francs, a de la boisson et a des horreurs.

Saisi, la main sur son mouchoir, avec la peur sourde qu'on ne le visitat, le pere begayait des explications, jurait ses grands dieux qu'il devait les avoir perdus, en se mouchant.

Une fois de plus, la maison fut en l'air jusqu'au soir. Ce qui rendait Buteau d'une humeur feroce, c'etait qu'en ramenant sa herse, il avait apercu Jean et Francoise, fuyant derriere un mur.

Celle-ci, sortie sous le pretexte de faire de l'herbe pour ses vaches, ne reparaissait La Terre II 168. »

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