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La voiture passa cependant.

Publié le 04/11/2013

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voiture
La voiture passa cependant. Plus loin, une grande terreur le prit encore, ce fut en côtoyant le cimetière Saint-Jean où on enterrait les criminels d'État. Une seule chose le rassura un peu, c'est qu'avant de les enterrer on leur coupait généralement la tête, et que sa tête à lui était encore sur ses épaules. Mais lorsqu'il vit que la voiture prenait la route de la rève, qu'il aperçut les toits aigus de l'hôtel de ville, que la voiture s'engagea sous l'arcade, il crut que tout était fini pour lui, voulut se confesser à l'exempt, et, sur son refus, poussa des cris si pitoyables que l'exempt annonça que, s'il continuait à l'assourdir ainsi, il lui mettrait un bâillon. Cette menace rassura quelque peu Bonacieux : si l'on eût dû l'exécuter en Grève, ce n'était pas la peine de le bâillonner, puisqu'on était presque arrivé au lieu de l'exécution. En effet, la voiture traversa la place fatale sans s'arrêter. Il ne restait plus à craindre que la Croix-du-Trahoir : la voiture en prit justement le chemin. Cette fois, il n'y avait plus de doute, c'était à la Croix-du-Trahoir qu'on exécutait les criminels subalternes. Bonacieux s'était flatté en se croyant digne de Saint-Paul ou de la place de Grève : c'était à la Croix-du-Trahoir qu'allaient finir son voyage et sa destinée ! Il ne pouvait voir encore cette malheureuse croix, mais il la sentait en quelque sorte venir au-devant de lui. Lorsqu'il n'en fut plus qu'à une vingtaine de pas, il entendit une rumeur, et la voiture s'arrêta. C'était plus que n'en pouvait supporter le pauvre Bonacieux, déjà écrasé par les émotions successives qu'il avait éprouvées ; il poussa un faible gémissement, qu'on eût pu prendre pour le dernier soupir d'un moribond, et il s'évanouit. CHAPITRE XIV L'HOMME DE MEUNG Ce rassemblement était produit non point par l'attente d'un homme qu'on devait pendre, mais par la contemplation d'un pendu. La voiture, arrêtée un instant, reprit donc sa marche, traversa la foule, continua son chemin, enfila la rue Saint-Honoré, tourna la rue des Bons-Enfants et s'arrêta devant une porte basse. La porte s'ouvrit, deux gardes reçurent dans leurs bras Bonacieux, soutenu par l'exempt ; on le poussa dans ne allée, on lui fit monter un escalier, et on le déposa dans une antichambre. Tous ces mouvements s'étaient opérés pour lui d'une façon machinale. Il avait marché comme on marche en rêve ; il avait entrevu les objets à travers un brouillard ; ses oreilles avaient perçu des sons sans les comprendre ; on eût pu l'exécuter dans ce moment qu'il n'eût pas fait un geste pour entreprendre sa défense, qu'il n'eût pas poussé un cri pour implorer la pitié. Il resta donc ainsi sur la banquette, le dos appuyé au mur et les bras pendants, à l'endroit même où les gardes l'avaient déposé. Cependant, comme, en regardant autour de lui, il ne voyait aucun objet menaçant, comme rien n'indiquait qu'il courût un danger réel, comme la banquette était convenablement rembourrée, comme la muraille était recouverte d'un beau cuir de Cordoue, comme de grands rideaux de damas rouge flottaient devant la fenêtre, retenus par des embrasses d'or, il comprit peu à peu que sa frayeur était exagérée, et il commença de remuer la tête à droite et à gauche et de bas en haut. À ce mouvement, auquel personne ne s'opposa, il reprit un peu de courage et se risqua à ramener une jambe, puis l'autre ; enfin, en s'aidant de ses deux mains, il se souleva sur sa banquette et se trouva sur ses pieds. En ce moment, un officier de bonne mine ouvrit une portière, continua d'échanger encore quelques paroles avec une personne qui se trouvait dans la pièce voisine, et se retournant vers le prisonnier : « C'est vous qui vous nommez Bonacieux ? dit-il. - Oui, monsieur l'officier, balbutia le mercier, plus mort que vif, pour vous servir. - Entrez «, dit l'officier. Et il s'effaça pour que le mercier pût passer. Celui-ci obéit sans réplique, et entra dans la chambre où il paraissait être attendu. C'était un grand cabinet, aux murailles garnies d'armes offensives et défensives, clos et étouffé, et dans lequel il y avait déjà du feu, quoique l'on fût à peine à la fin du mois de septembre. Une table carrée, couverte de livres et de papiers sur lesquels était déroulé un plan immense de la ville de La Rochelle, tenait le milieu de l'appartement. Debout devant la cheminée était un homme de moyenne taille, à la mine haute et fière, aux yeux perçants, au front large, à la figure amaigrie qu'allongeait encore une royale surmontée d'une paire de moustaches. Quoique cet homme eût trente-six à trente-sept ans à peine, cheveux, moustache et royale s'en allaient grisonnant. Cet homme, moins l'épée, avait toute la mine d'un homme de guerre, et ses bottes de buffle encore légèrement couvertes de poussière indiquaient qu'il avait monté à cheval dans la journée. Cet homme, c'était Armand-Jean Duplessis, cardinal de Richelieu, non point tel qu'on nous le représente, cassé comme un vieillard, souffrant comme un martyr, le corps brisé, la voix éteinte, enterré dans un grand fauteuil comme dans une tombe anticipée, ne vivant plus que par la force de son génie, et ne soutenant plus la lutte avec l'Europe que par l'éternelle application de sa pensée, mais tel qu'il était réellement à cette époque, c'est-à-dire adroit et galant cavalier, faible de corps déjà, mais soutenu par cette puissance morale qui a fait de lui un des hommes les plus extraordinaires qui aient existé ; se préparant enfin, après avoir soutenu le duc de Nevers dans son duché de Mantoue, après avoir pris Nîmes, Castres et Uzès, à chasser les Anglais de l'île de Ré et à faire le siège de La Rochelle. À la première vue, rien ne dénotait donc le cardinal, et il était impossible à ceux-là qui ne connaissaient point son visage de deviner devant qui ils se trouvaient. Le pauvre mercier demeura debout à la porte, tandis que les yeux du personnage que nous venons de décrire se fixaient sur lui, et semblaient vouloir pénétrer jusqu'au fond du passé. « C'est là ce Bonacieux ? demanda-t-il après un moment de silence.
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« CHAPITRE XIV L’HOMME DEMEUNGCe rassemblement étaitproduit nonpoint parl’attente d’unhomme qu’ondevait pendre, maisparla contemplation d’unpendu. La voiture, arrêtéeuninstant, repritdoncsamarche, traversa lafoule, continua sonchemin, enfilalarue Saint-Honoré, tournalarue des Bons-Enfants ets’arrêta devantuneporte basse. La porte s’ouvrit, deuxgardes reçurent dansleurs brasBonacieux, soutenuparl’exempt ; onlepoussa dans une allée, onlui fitmonter unescalier, eton ledéposa dansuneantichambre. Tous cesmouvements s’étaientopéréspourluid’une façonmachinale. Il avait marché commeonmarche enrêve ; ilavait entrevu lesobjets àtravers unbrouillard ; sesoreilles avaient perçudessons sanslescomprendre ; oneût pul’exécuter danscemoment qu’iln’eût pasfaitungeste pour entreprendre sadéfense, qu’iln’eût paspoussé uncripour implorer lapitié. Il resta doncainsisurlabanquette, ledos appuyé aumur etles bras pendants, àl’endroit mêmeoùles gardes l’avaient déposé. Cependant, comme,enregardant autourdelui, ilne voyait aucun objetmenaçant, commerienn’indiquait qu’il courût undanger réel,comme labanquette étaitconvenablement rembourrée,commelamuraille était recouverte d’unbeau cuirdeCordoue, commede grands rideauxdedamas rougeflottaient devantlafenêtre, retenus pardes embrasses d’or,ilcomprit peuàpeu quesafrayeur étaitexagérée, etilcommença deremuer la tête àdroite etàgauche etde bas enhaut. À ce mouvement, auquelpersonne nes’opposa, ilreprit unpeu decourage etse risqua àramener unejambe, puis l’autre ; enfin,ens’aidant deses deux mains, ilse souleva sursabanquette etse trouva sursespieds. En cemoment, unofficier debonne mineouvrit uneportière, continua d’échanger encorequelques paroles avec unepersonne quisetrouvait danslapièce voisine, etse retournant versleprisonnier : « C’est vousquivous nommez Bonacieux ? dit-il. – Oui, monsieur l’officier,balbutialemercier, plusmort quevif,pour vousservir. – Entrez », ditl’officier. Et ils’effaça pourquelemercier pûtpasser.

Celui-ci obéitsansréplique, etentra danslachambre oùil paraissait êtreattendu. C’était ungrand cabinet, auxmurailles garniesd’armes offensives etdéfensives, closetétouffé, etdans lequel il yavait déjàdufeu, quoique l’onfûtàpeine àla fin dumois deseptembre.

Unetable carrée, couverte delivres et de papiers surlesquels étaitdéroulé unplan immense delaville deLa Rochelle, tenaitlemilieu de l’appartement. Debout devantlacheminée étaitunhomme de moyenne taille,àla mine haute etfière, auxyeux perçants, au front large, àla figure amaigrie qu’allongeait encoreuneroyale surmontée d’unepairedemoustaches.

Quoique cet homme eûttrente-six àtrente-sept ansàpeine, cheveux, moustache etroyale s’enallaient grisonnant.

Cet homme, moinsl’épée, avaittoute lamine d’unhomme de guerre, etses bottes debuffle encore légèrement couvertes depoussière indiquaient qu’ilavait monté àcheval danslajournée. Cet homme, c’étaitArmand-Jean Duplessis,cardinaldeRichelieu, nonpoint telqu’on nouslereprésente, cassé comme unvieillard, souffrant commeunmartyr, lecorps brisé, lavoix éteinte, enterrédansungrand fauteuil commedansunetombe anticipée, nevivant plusqueparlaforce deson génie, etne soutenant plusla lutte avecl’Europe queparl’éternelle application desapensée, maistelqu’il était réellement àcette époque, c’est-à-dire adroitetgalant cavalier, faibledecorps déjà,maissoutenu parcette puissance moralequiafait de lui un des hommes lesplus extraordinaires quiaient existé ; sepréparant enfin,aprèsavoirsoutenu leduc de Nevers danssonduché deMantoue, aprèsavoirprisNîmes, Castres etUzès, àchasser lesAnglais del’île deRé et àfaire lesiège deLa Rochelle. À la première vue,riennedénotait donclecardinal, etilétait impossible àceux-là quineconnaissaient point son visage dedeviner devantquiilssetrouvaient. Le pauvre mercier demeura deboutàla porte, tandis quelesyeux dupersonnage quenous venons dedécrire se fixaient surlui, etsemblaient vouloirpénétrer jusqu’aufonddupassé. « C’est làce Bonacieux ? demanda-t-il aprèsunmoment desilence.. »

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