L'AMOUR DE DIEU (Éthique, livre V) - Spinoza
Publié le 06/02/2011
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proposition xiv L'esprit peut faire que toutes les affections du corps — autrement dit les images des choses — soient rapportées à l'idée de Dieu. démonstration Il n'est aucune affection du corps dont l'esprit ne puisse former quelque concept clair et distinct (selon la proposition 4) ; et par conséquent il peut faire (selon la proposition 15, partie I) que toutes soient rapportées à l'idée de Dieu. C.Q.F.D. proposition xv Celui qui se comprend lui-même et comprend ses sentiments clairement et distinctement, aime Dieu, et d'autant plus qu'il se comprend mieux lui-même et comprend mieux ses sentiments. démonstration Qui se comprend soi-même et comprend ses sentiments, clairement et distinctement, éprouve de la joie (selon la proposition 53 partie III), et cela tout en ayant l'idée de Dieu (selon la proposition précédente) ; et par conséquent (selon le paragraphe 6 des définitions des sentiments) il aime Dieu, et (pour la même raison) d'autant plus qu'il se comprend mieux et comprend mieux ses sentiments. C.Q.F.D. proposition xvi Cet amour envers Dieu doit occuper l'esprit au plus haut degré (Maxime). démonstration En effet, cet amour est associé à toutes les affections du corps (selon la proposition 14), et est favorisé par toutes (selon la proposition 15) ; et par conséquent (selon la proposition 11) il doit occuper l'esprit au plus haut degré. C.Q.F.D. proposition xvii Dieu est exempt de passions et n'est affecté d'aucun sentiment de joie ou de tristesse. démonstration Toutes les idées, en tant qu'elles se rapportent à Dieu, sont vraies (selon la proposition 32, partie II), c'est-à-dire (selon la définition 4, partie II) adéquates ; et par conséquent (selon la définition générale des sentiments) Dieu est exempt de passions. D'autre part, Dieu ne peut passer ni à une perfection plus grande ni à une moindre (selon le corollaire 2 de la proposition 26, partie I) ; et par conséquent selon les paragraphes 2 et 3 des définitions des sentiments) il n'est affecté d'aucun sentiment de joie ni de tristesse. C.Q.F.D. corollaire Dieu n'aime — au sens propre du terme — personne et ne hait personne. Car Dieu (selon la proposition précédente) n'est affecté d'aucun sentiment de joie ni de tristesse, et par conséquent (selon les paragraphes 6 et 7 des définitions des sentiments) il n'aime non plus personne et ne hait personne. proposition xviii Personne ne peut haïr Dieu. démonstration L'idée de Dieu, qui est en nous, est adéquate et parfaite (selon les propositions 46 et 47, partie II) ; et par conséquent, dans la mesure où nous considérons Dieu, nous sommes actifs (selon la proposition 3, partie III) et par conséquent (selon la proposition 59, partie III) il ne peut y avoir aucune tristesse qui soit associée à l'idée de Dieu, c'est-à-dire (selon le paragraphe 7 des définitions des sentiments) que personne ne peut haïr Dieu. C.Q.F.D. corollaire L'amour envers Dieu ne peut se changer en haine. scolie Mais on peut objecter que, si nous entendons Dieu comme cause de toutes choses, nous considérons Dieu par là même comme cause de tristesse. Je réponds que, dans la mesure, où nous comprenons les causes de la tristesse, elle cesse (selon la proposition 3) d'être une passion, c'est-à-dire (selon la proposition 59, partie III) qu'elle cesse d'être tristesse ; et par conséquent, dans la mesure où nous comprenons que Dieu est cause de tristesse, nous éprouvons de la joie. proposition xix Qui aime Dieu ne peut faire effort (conari) pour que Dieu l'aime à son tour. démonstration Si l'homme faisait un tel effort, il désirerait donc (selon le corollaire de la proposition 1%) que Dieu, qu'il aime, ne fût pas Dieu, et par conséquent (selon la proposition 19, partie III) il désirerait être attristé, ce qui (selon la proposition 28, partie III) est absurde. Donc qui aime Dieu, etc... C.Q.F.D.
Liens utiles
- « Le Sage au contraire, considéré en cette qualité, ne connaît guère le trouble intérieur, mais ayant, par une certaine nécessité éternelle, conscience de lui-même, de Dieu et des choses, ne cesse jamais d'être et possède le vrai contentement. » Spinoza, Éthique, 1677 (posthume). Commentez.
- « La volonté de Dieu, cet asile de l'ignorance, » Baruch Spinoza, Éthique
- Nul ne peut avoir Dieu en haine. l'Ethique, Livre V Spinoza, Baruch. Commentez cette citation.
- Notre âme en tant qu'elle perçoit les choses d'une façon vraie, est une partie de l'intelligence infinie de Dieu. l'Ethique, Livre II Spinoza, Baruch. Commentez cette citation.
- Le bien suprême de l'âme est la connaissance de Dieu; et la vertu suprême de l'âme, c'est connaître Dieu. l'Ethique, Livre III Spinoza, Baruch. Commentez cette citation.