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l'approchent.

Publié le 04/11/2013

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l'approchent. Il n'y a d'amour généreux que celui qui se sait en même temps passager et singulier. Ce sont toutes ces morts et toutes ces renaissances qui font pour Don Juan la gerbe de sa vie. C'est la façon qu'il a de donner et de faire vivre. Je laisse à juger si l'on peut parler d'égoïsme. * Je pense ici à tous ceux qui veulent absolument que Don Juan soit puni. Non seulement dans une autre vie, mais encore dans celle-ci. Je pense à tous ces contes, ces légendes et ces rires sur Don Juan vieilli. ais Don Juan s'y tient déjà prêt. Pour un homme conscient, la vieillesse et ce qu'elle présage ne sont pas ne surprise. Il n'est justement conscient que dans la mesure où il ne s'en cache pas l'horreur. Il y avait à thènes un temple consacré à la vieillesse. On y conduisait les enfants. Pour Don Juan, plus on rit de lui et lus sa figure s'accuse. Il refuse par là celle que les romantiques lui prêtèrent. Ce Don Juan torturé et itoyable, personne ne veut en rire. On le plaint, le ciel lui-même le rachètera ? Mais ce n'est pas cela. ans l'univers que Don Juan entrevoit, le ridicule aussi est compris. Il trouverait normal d'être châtié. 'est la règle du jeu. Et c'est justement sa générosité que d'avoir accepté toute la règle du jeu. Mais il ait qu'il a raison et qu'il ne peut s'agir de châtiment. Un destin n'est pas une punition. C'est cela son crime et comme l'on comprend que les hommes de l'éternel appellent sur lui le hâtiment. Il atteint une science sans illusions qui nie tout ce qu'ils professent. Aimer et posséder, onquérir et épuiser, voilà sa façon de connaître. (Il y a du sens dans ce mot favori de l'Ecriture qui ppelle « connaître « l'acte d'amour.) Il est leur pire ennemi dans la mesure où il les ignore. Un hroniqueur rapporte que le vrai « Burlador « mourut assassiné par des franciscains qui voulurent  mettre un terme aux excès et aux impiétés de Don Juan à qui sa naissance assurait l'impunité «. Ils roclamèrent ensuite que le ciel l'avait foudroyé. Personne n'a fait la preuve de cette étrange fin. ersonne non plus n'a démontré le contraire. Mais sans me demander si cela est vraisemblable, je puis dire ue cela est logique. Je veux seulement retenir ici le terme « naissance « et jouer sur les mots : c'est de vivre qui assurait son innocence. C'est de la mort seule qu'il a tiré une culpabilité maintenant légendaire. Que signifie d'autre ce commandeur de pierre, cette froide statue mise en branle pour punir le sang et le courage qui ont osé penser ? Tous les pouvoirs de la Raison éternelle, de l'ordre, de la morale niverselle, toute la grandeur étrangère d'un Dieu accessible à la colère, se résument en lui. Cette pierre igantesque et sans âme symbolise seulement les puissances que pour toujours Don Juan a niées. Mais la ission du commandeur s'arrête là. La foudre et le tonnerre peuvent regagner le ciel factice d'où on les ppela. La vraie tragédie se joue en dehors d'eux. Non, ce n'est pas sous une main de pierre que Don Juan st mort. Je crois volontiers à la bravade légendaire, à ce rire insensé de l'homme sain provoquant un dieu ui n'existe pas. Mais je crois surtout que ce soir où Don Juan attendait chez Anna, le commandeur ne vint as et que l'impie dut sentir, passé minuit, la terrible amertume de ceux qui ont eu raison. J'accepte plus olontiers encore le récit de sa vie qui le fait s'ensevelir, pour terminer, dans un couvent. Ce n'est pas que e côté édifiant de l'histoire puisse être tenu pour vraisemblable. Quel refuge aller demander à Dieu ? ais cela figure plutôt le logique aboutissement d'une vie tout entière pénétrée d'absurde, le farouche énouement d'une existence tournée vers des joies sans lendemain. La jouissance s'achève ici en ascèse. l faut comprendre qu'elles peuvent être comme les deux visages d'un même dénuement. Quelle image plus ffrayante souhaiter : celle d'un homme que son corps trahit et qui, faute d'être mort à temps, consomme a comédie en attendant la fin, face à face avec ce dieu qu'il n'adore pas, le servant comme il a servi la vie, genouillé devant le vide et les bras tendus vers un ciel sans éloquence qu'il sait aussi sans profondeur. Je vois Don Juan dans une cellule de ces monastères espagnols perdus sur une colline. Et s'il regarde uelque chose, ce ne sont pas les fantômes des amours enfuies, mais, peut-être, par une meurtrière rûlante, quelque plaine silencieuse d'Espagne, terre magnifique et sans âme où il se reconnaît. Oui, c'est ur cette image mélancolique et rayonnante qu'il faut s'arrêter. La fin dernière, attendue mais jamais ouhaitée, la fin dernière est méprisable.       Le mythe de Sisyphe. Essai sur l'absurde. (1942)   L'homme absurde   LA COMÉDIE         Retour à la table des matières « Le spectacle, dit Hamlet, voilà le piège où j'attraperai la conscience du roi. « Attraper est bien dit. Car la conscience va vite ou se replie. Il faut la saisir au vol, à ce moment inappréciable où elle jette sur elle-même un regard fugitif. L'homme quotidien n'aime guère à s'attarder. Tout le presse au contraire. Mais en même temps, rien plus que lui-même ne l'intéresse, surtout dans ce qu'il pourrait être. De là son goût pour le théâtre, pour le spectacle, où tant de destins lui sont proposés dont il reçoit la poésie sans en souffrir l'amertume. Là du moins, on reconnaît l'homme inconscient et il continue à se presser vers on ne sait quel espoir. L'homme absurde commence où celui-ci finit, où, cessant d'admirer le jeu, l'esprit veut y ntrer. Pénétrer dans toutes ces vies, les éprouver dans leur diversité, c'est proprement les jouer. Je ne dis pas que les acteurs en général obéissent à cet appel, qu'ils sont des hommes absurdes, mais que leur destin est un destin absurde qui pourrait séduire et attirer un coeur clairvoyant. Ceci est nécessaire à poser pour entendre sans contresens ce qui va suivre. L'acteur règne dans le périssable. De toutes les gloires, on le sait, la sienne est la plus éphémère. Cela se dit du moins dans la conversation. Mais toutes les gloires sont éphémères. Du point de vue de Sirius, les oeuvres de Goethe dans dix mille ans seront en poussière et son nom oublié. Quelques archéologues peutêtre chercheront des « témoignages « de notre époque. Cette idée a toujours été enseignante. Bien méditée, elle réduit nos agitations à la noblesse profonde qu'on trouve dans l'indifférence. Elle dirige surtout nos préoccupations vers le plus sûr, c'est-à-dire vers l'immédiat. De toutes les gloires, la moins trompeuse est celle qui se vit. L'acteur a donc choisi la gloire innombrable, celle qui se consacre et qui s'éprouve. De ce que tout doive un jour mourir, c'est lui qui tire la meilleure conclusion. Un acteur réussit ou ne réussit pas. Un écrivain garde un espoir même s'il est méconnu. Il suppose que ses oeuvres témoigneront de ce qu'il fut. L'acteur nous laissera au mieux une photographie et rien de ce qui était lui, ses gestes et ses silences, son souffle court ou sa respiration d'amour, ne viendra jusqu'à nous. Ne pas être connu pour lui, c'est ne pas jouer et e pas jouer, c'est mourir cent fois avec tous les êtres qu'il aurait animés ou ressuscités.   * Quoi d'étonnant à trouver une gloire périssable bâtie sur les plus éphémères des créations ? L'acteur a trois heures pour être Iago ou Alceste, Phèdre ou Glocester. Dans ce court passage, il les fait naître et mourir sur cinquante mètres carrés de planches. Jamais l'absurde n'a été si bien ni si longtemps illustré. es vies merveilleuses, ces destins uniques et complets qui croissent et s'achèvent entre des murs et pour

«       Lemythe deSisyphe. Essai surl’absurde.

(1942)   L’homme absurde  LACOMÉDIE         Retour àla table desmatières« Le spectacle, ditHamlet, voilàlepiège oùj'attraperai laconscience duroi. » Attraper estbien dit. Car laconscience vavite ousereplie.

Ilfaut lasaisir auvol, àce moment inappréciable oùelle jette sur elle-même unregard fugitif.

L'homme quotidien n'aimeguèreàs'attarder.

Toutlepresse aucontraire. Mais enmême temps, rienplusquelui-même nel'intéresse, surtoutdanscequ'il pourrait être.Delàson goût pour lethéâtre, pourlespectacle, oùtant dedestins luisont proposés dontilreçoit lapoésie sansen souffrir l'amertume.

Làdu moins, onreconnaît l'hommeinconscient etilcontinue àse presser versonne sait quel espoir.

L'homme absurdecommence oùcelui-ci finit,où,cessant d'admirer lejeu, l'esprit veuty entrer.

Pénétrer danstoutes cesvies, leséprouver dansleurdiversité, c'estproprement lesjouer.

Jene dis pas que lesacteurs engénéral obéissent àcet appel, qu'ilssontdeshommes absurdes, maisqueleur destin estundestin absurde quipourrait séduireetattirer uncœur clairvoyant.

Ceciestnécessaire à poser pourentendre sanscontresens cequi vasuivre. L'acteur règnedanslepérissable.

Detoutes lesgloires, onlesait, lasienne estlaplus éphémère.

Cela se dit dumoins danslaconversation.

Maistoutes lesgloires sontéphémères.

Dupoint devue deSirius, les œuvres deGoethe dansdixmille ansseront enpoussière etson nom oublié.

Quelques archéologues peut- être chercheront des« témoignages » denotre époque.

Cetteidéeatoujours étéenseignante.

Bien méditée, elleréduit nosagitations àla noblesse profonde qu'ontrouve dansl'indifférence.

Elledirige surtout nospréoccupations versleplus sûr,c'est-à-dire versl'immédiat.

Detoutes lesgloires, lamoins trompeuse estcelle quisevit. L'acteur adonc choisi lagloire innombrable, cellequiseconsacre etqui s'éprouve.

Deceque tout doive un jour mourir, c'estluiqui tire lameilleure conclusion.

Unacteur réussit oune réussit pas.Unécrivain garde unespoir mêmes'ilest méconnu.

Ilsuppose quesesœuvres témoigneront decequ'il fut.L'acteur nous laissera aumieux unephotographie etrien decequi était lui,ses gestes etses silences, sonsouffle court ousarespiration d'amour,neviendra jusqu'ànous.Nepas être connu pourlui,c'est nepas jouer et ne pas jouer, c'estmourir centfoisavec touslesêtres qu'ilaurait animés ouressuscités.   * Quoi d'étonnant àtrouver unegloire périssable bâtiesurlesplus éphémères descréations ? L'acteura trois heures pourêtreIago ouAlceste, PhèdreouGlocester.

Danscecourt passage, illes fait naître et mourir surcinquante mètrescarrésdeplanches.

Jamaisl'absurde n'aété sibien nisilongtemps illustré. Ces vies merveilleuses, cesdestins uniques etcomplets quicroissent ets'achèvent entredesmurs etpour. »

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