Le carrosse. Mme de Sévigné

Dans cette lettre, Mme de Sévigné donne surtout une impression de mouvement; elle excelle à noter les gestes successifs, dans l'ordre même de la réalité. De plus, elle sait trouver le mot qui peint et qui crée l'illusion de la vie.

A MADAME DE GRIGNAN.

Paris, lundi 5 février 1674.

L'archevêque de Reims revenait hier fort vite de Saint- Germain, c'était comme un tourbillon : il croit bien être grand seigneur; mais ses gens le croient encore plus que lui. Ils passaient au travers de Nanterre, tra, tra, tra; ils rencontrent un homme à cheval, gare, gare : ce pauvre homme veut se ranger ; son cheval ne veut pas; et enfin le carrosse et les six chevaux renversent le pauvre homme et le cheval, et passent par-dessus, et si bien par-dessus que le carrosse en fut versé et renversé : en même temps l'homme et le cheval, au lieu de s'amuser à être roués et estropiés, se relèvent miraculeusement, remontent l'un sur l'autre, et s'enfuient, et courent encore, pendant que les laquais de l'archevêque et le cocher, et l'archevêque même se mettent à crier : « Arrête, arrête ce coquin, qu'on lui donne cent coups. « L'archevêque, en racontant ceci, disait : « Si j'avais tenu ce maraud-là, je lui aurais rompu les bras et coupé les oreilles. «

QUESTIONS D'EXAMEN

I. — L'ensemble. — Nature du morceau : une lettre, qui se présente sous la forme d'une narration. — 1° Est-ce un événement important que raconte Mme de Sévigné? (il ne s'agit que d'un simple fait divers, comme nous dirions aujourd'hui...); 2° D'où provient l'intérêt de cette lettre? (Est-ce du sujet lui-même? — ou de la manière dont il est développé?) 3° Le récit ne présente-t-il pas cependant un certain intérêt historique? (allures et langage d'un archevêque grand seigneur, au XVIIe siècle); 4° L'archevêque avait-il l'humilité et la douceur qui eussent convenu à son caractère?

II. — L'analyse du morceau. — 1° En quoi consiste l'action dans cette narration? 2° Distinguez les différents moments de l'action : a) Le carrosse de l'archevêque de Reims revient de Saint-Germain, FORT VITE; b) II traverse le village de Nanterre, renverse un homme de son cheval, et est renversé à son tour; c) La colère de l'archevêque et de ses gens)] 3° Quelle réflexion Mme de Sévigné mêle-t-elle à la première partie? 4° Pourquoi l'homme ne se range-t-il pas assez vite? 5° Justifiez la répétition de l'expression : par-dessus] 6° Quelle différence y a-t-il entre les deux mots versé et renversé? 7° L'homme et le cheval n'auraient-ils pas pu être écrasés? 8° Pourquoi, après s'être relevés miraculeusement, s'enfuient-ils? 9° Quelles réflexions vous suggèrent les paroles de l'archevêque?

III. — Le style; — les expressions. — 1° Cette lettre nous donne une impression de mouvement : dites quelles doivent être, d'après cela, les qualités essentielles du style (la rapidité : faire ressortir cette qualité par l'étude même du texte...; le pittoresque : relever un certain nombre d'expressions qui peignent : Le carrosse revient fort vite..., c'était comme un tourbillon...-, il traverse Nanterre : tra, tra...; les laquais crient : gare, gare...; — la scène est vivante et produit une forte impression de mouvement. — Puis, le carrosse est renversé; le cheval et l'homme remontent l'un sur Vautre et s'enfuient : toujours l'impression de mouvement, — mais cette fois, ce n'est plus le carrosse qui traverse la campagne à une vive allure, c'est l'homme et le cheval qui courent...); 2° Expliquez l'expression : ils remontent l'un sur Vautre ; — qu'a voulu ainsi marquer Mme de Sévigné? 3° Que signifie l'expression : pauvre homme?

IV. — La grammaire. — i° Indiquez les dérivé« du mot maraud; 2° Quels sont les adverbes employés dans la première phrase? (fonction de chacun d'eux); 3° Distinguez les propositions contenues dans la dernière phrase (l'archevêque, en racontant...), nature de chacune d'elles.

Rédaction. — Une magnifique auto file, sur la route, à une très grande vitesse. Elle accroche et renverse une voiture de maraîcher. Décrivez la scène qui en résulte.