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Le Corricolo Comme nous l'avons dit, le descendant des Goths n'etait pas tres fort sur le francais.

Publié le 11/04/2014

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Le Corricolo Comme nous l'avons dit, le descendant des Goths n'etait pas tres fort sur le francais. Il crut que Jadin le menacait tout bonnement de lui couper la tete. Sa colere, long-temps contenue, eclata avec fureur. Il grinca des dents comme un tigre blesse, tira de ses haillons un long poignard a lame triangulaire, et s'eloigna lentement a reculons, en fixant sur Jadin ses fauves prunelles qui lancaient des eclairs. Son intention evidente etait d'attirer son adversaire loin de la grande route, dans quelque endroit plus desert ou plus sombre, pour consommer tranquillement sa vengeance. --Attends-moi, attends-moi, petit brigand, s'ecria Jadin en riant, je vais t'apprendre a faire usage d'armes prohibees. Et il fit un pas pour s'elancer a sa poursuite. Mais au meme instant le postillon reparut suivi de cinq ou six paysans de Sainte-Agathe, les uns plus cuivres que les autres; et le petit sauvage, en voyant arriver du monde, cacha promptement son poignard et se sauva a toutes jambes. On mit la voiture sur pied, on constata les degats, et nous acquimes la triste conviction que nous ne pouvions pas nous remettre en route avant la nuit. Je fis part au postillon de notre singuliere rencontre, et lui demandai quelques renseignemens sur l'etonnant personnage qui venait de s'enfuir a leur approche. Le postillon sourit, et pour toute reponse frappa deux ou trois fois son front du bout de son index. Comme je ne comprenais rien du tout a cette pantomime, je le priai de s'expliquer plus clairement. Il me raconta alors que ce mechant gamin, que nous avions pris pour un negre, n'etait pas plus Africain que les autres habitans de Sainte-Agathe, et qu'il ne fallait pas nous etonner de ses manieres, car il etait un peu fou, ainsi que le reste de sa famille. --Mais au nom du diable! s'ecria Jadin, exaspere par toutes ces lenteurs, ou pourrais-je enfin trouver une auberge pour secher mes habits? --Tiens! en effet, reprit le postillon en l'examinant avec curiosite, son excellence a verse du cote du ruisseau. La locanda etait a deux pas. J'ai abuse si souvent de la patience de mes lecteurs en leur parlant des auberges d'Italie, que je puis me borner celte fois a les renvoyer aux descriptions precedentes. J'ajouterai seulement que l'auberge de Sainte-Agathe surpasse en salete toutes celles que j'ai decrites jusqu'ici. Cet affreux coupe-gorge s'appelle, je crois, la nobile locanda del Sole. Jadin fit allumer un grand feu, et se mit en devoir de se secher de son mieux, trempe qu'il etait jusqu'aux os. Moi, je sortis a l'aventure, fort inquiet de savoir comment j'emploierais les trois ou quatre mortelles heures pendant lesquelles on devait reparer notre voiture. De diner, il n'en etait pas question. Comme nous comptions nous arreter seulement a Mola di Gaeta, nous n'avions pas pris de provisions avec nous, et de son cote l'hote de Sainte-Agathe s'etait empresse de mettre a notre disposition sa cuisine, ses ustensiles; mais, comme on le pense bien, la se bornerent ses offres de service: des objets a mettre sous notre dent, il n'en fut aucunement question. Je pris le premier chemin de traverse qui s'offrit a mes pas, decide a tuer le temps en parcourant la campagne. J'avais fait a peine un huitieme de mille, lorsqu'au detour d'un buisson je me trouvai nez a nez avec mon sauvage. Il se chauffait tranquillement au soleil, et ne fit pas un mouvement ni pour m'eviter ni pour marcher a ma rencontre. --Eh bien! mon enfant, lui dis-je en l'abordant comme une vieille connaissance, vous vous etes singulierement mepris sur les intentions de mon camarade. Il ne voulait vous faire aucun mal. Seulement, comme il vous trouvait la tete d'un grand caractere, il eut ete charme de faire votre portrait. --Comment, c'etait un peintre! s'ecria l'enfant ebahi. --Certainement, qu'y a-t-il la d'etonnant? XIX. L'Auberge de Sainte-Agathe. 326 Le Corricolo --C'etait un peintre! repeta le petit paysan, comme en se parlant a lui-meme. --Oui, c'etait un peintre, et de quelque talent, j'ose vous en repondre. --Mais moi je suis peintre aussi, s'ecria le pauvre garcon d'un air exalte, son pittore anchio, ou plutot je le serai, car je suis trop jeune encore pour avoir un etat. --Eh bien, mon cher, vous voyez que, pour un collegue, vous ne vous etes pas montre trop aimable, et si c'eut ete en pays civilise, on eut pu croire que vous vous connaissiez. --Ah! pardonnez-moi, monsieur; si j'avais pu deviner que vous etiez des artistes, car vous etes artiste aussi, vous, n'est-ce pas, eccellenza? --Artiste... oui, oui... a peu pres... --Si j'avais pu croire cela, au lieu de vous laisser egorger dans cette vilaine auberge, je vous aurais mene chez mon grand-pere, qui est peintre aussi, lui, ou plutot qui l'a ete, car il est maintenant trop vieux pour avoir un etat. --Mais nous sommes encore a temps, mon garcon. --Vous avez raison, monsieur, dit le futur peintre en faisant quelques pas dans la direction de la locanda. Mais il parut se raviser tout a coup; et se tournant vers moi avec un certain embarras: --Je reflechis, dit-il, qu'il vaudra peut-etre mieux nous passer de votre ami. --Et pourquoi cela? --Dame! c'est qu'il aime a rire, comme j'ai pu m'en apercevoir, et qu'il pourrait avoir du desagrement avec mon grand-pere; car dans notre famille nous ne sommes pas endurans. Vous, c'est autre chose... vous ne vous etes pas trop moque de mes haillons, et je crois qu'avec un peu de bonne volonte de part et d'autre nous pourrons nous entendre. --C'est convenu, mon petit Giotto; et en attendant que vous reveniez un peu de vos preventions sur le compte de mon ami, je profiterai seul de l'hospitalite que vous voulez bien m'offrir. --Et vous n'en serez pas fache, je vous le promets. Vous allez voir d'abord mes trois freres, trois garcons les plus forts et les plus beaux de la province, le premier est vigneron, le second pecheur, le troisieme garde-chasse. --Je serai flatte de faire leur connaissance. --Puis mes trois soeurs, trois madones. --De mieux en mieux, mon cher hote. --Et puis enfin... --Comment! ce n'est pas tout? XIX. L'Auberge de Sainte-Agathe. 327

« —C'etait un peintre! repeta le petit paysan, comme en se parlant a lui-meme. —Oui, c'etait un peintre, et de quelque talent, j'ose vous en repondre. —Mais moi je suis peintre aussi, s'ecria le pauvre garcon d'un air exalte, son pittore anchio, ou plutot je le serai, car je suis trop jeune encore pour avoir un etat. —Eh bien, mon cher, vous voyez que, pour un collegue, vous ne vous etes pas montre trop aimable, et si c'eut ete en pays civilise, on eut pu croire que vous vous connaissiez. —Ah! pardonnez-moi, monsieur; si j'avais pu deviner que vous etiez des artistes, car vous etes artiste aussi, vous, n'est-ce pas, eccellenza? —Artiste...

oui, oui...

a peu pres... —Si j'avais pu croire cela, au lieu de vous laisser egorger dans cette vilaine auberge, je vous aurais mene chez mon grand-pere, qui est peintre aussi, lui, ou plutot qui l'a ete, car il est maintenant trop vieux pour avoir un etat. —Mais nous sommes encore a temps, mon garcon. —Vous avez raison, monsieur, dit le futur peintre en faisant quelques pas dans la direction de la locanda. Mais il parut se raviser tout a coup; et se tournant vers moi avec un certain embarras: —Je reflechis, dit-il, qu'il vaudra peut-etre mieux nous passer de votre ami. —Et pourquoi cela? —Dame! c'est qu'il aime a rire, comme j'ai pu m'en apercevoir, et qu'il pourrait avoir du desagrement avec mon grand-pere; car dans notre famille nous ne sommes pas endurans.

Vous, c'est autre chose...

vous ne vous etes pas trop moque de mes haillons, et je crois qu'avec un peu de bonne volonte de part et d'autre nous pourrons nous entendre. —C'est convenu, mon petit Giotto; et en attendant que vous reveniez un peu de vos preventions sur le compte de mon ami, je profiterai seul de l'hospitalite que vous voulez bien m'offrir. —Et vous n'en serez pas fache, je vous le promets.

Vous allez voir d'abord mes trois freres, trois garcons les plus forts et les plus beaux de la province, le premier est vigneron, le second pecheur, le troisieme garde-chasse. —Je serai flatte de faire leur connaissance. —Puis mes trois soeurs, trois madones. —De mieux en mieux, mon cher hote. —Et puis enfin... —Comment! ce n'est pas tout? Le Corricolo XIX.

L'Auberge de Sainte-Agathe.

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