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Le Corricolo On se mit a courir apres Vardarelli; mais comme il savait parfaitement dans quel but philanthropique on le cherchait, il n'eut garde de se laisser rejoindre.

Publié le 11/04/2014

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Le Corricolo On se mit a courir apres Vardarelli; mais comme il savait parfaitement dans quel but philanthropique on le cherchait, il n'eut garde de se laisser rejoindre. Il y a plus: comme il avait fait son education sous le general Manhes, c'etait un gaillard qui connaissait a fond son jeu de cache-cache. Il en donna donc tant et plus a garder aux troupes napolitaines, ne se trouvant jamais ou on s'attendait a le rencontrer, se montrant partout ou ne l'attendait pas, s'echappant comme une vapeur et revenant comme un orage. Rien ne reussit comme le succes. Le succes est l'aimant moral qui attire tout a lui. La troupe de Vardarelli, qui ne montait d'abord qu'a vingt-cinq ou trente personnes, fut bientot doublee: Vardarelli devint une puissance. Ce fut une raison de plus pour l'aneantir; on fit des plans de campagne contre lui, on doubla les troupes envoyees a sa poursuite, on mit sa tete a prix, tout fut inutile. Autant eut valu mettre au ban du royaume l'aigle et le chamois, ses compagnons d'independance et de liberte. Et cependant chaque jour on entendait raconter quelque prouesse nouvelle qui indiquait dans le fugitif un redoublement d'adresse ou un surcroit d'audace. Il venait jusqu'a deux ou trois lieues de Naples, comme pour narguer le gouvernement. Une fois, il organisa une chasse dans la foret de Persiano, comme aurait pu faire le roi lui-meme, et, comme il etait excellent tireur, il demanda ensuite aux gardes qu'il avait forces de le suivre et de le seconder s'ils avaient jamais vu leur auguste maitre faire de plus beaux coups que lui. Une autre fois, c'etaient le prince de Lesorano, le colonel Calcedonio, Casella, et le major Delponte, qui chassaient eux-memes avec une dizaine d'officiers et une vingtaine de piqueurs dans une foret a quelques lieues de Bari, quand tout a coup le cri: Vardarelli! Vardarelli! se fit entendre. Chacun alors de fuir le plus vite possible, et dans la direction ou il se trouvait. Bien en prit aux chasseurs de fuir ainsi, car tous eussent ete pris, tandis que, grace a la vitesse de leurs chevaux habitues a courre le cerf, un seul tomba entre les mains des bandits. C'etait le major Delponte: les bandits jouaient de malheur, ils avaient fait prisonnier un des plus braves, mais aussi un des plus pauvres officiers de l'armee napolitaine. Lorsque Vardarelli demanda au major Delponte mille ducats de rancon pour l'indemniser de ses frais d'expedition, le major Delponte lui fit des cornes en lui disant qu'il le defiait bien de lui faire payer une seule obole. Vardarelli menaca Delponte de le faire fusiller si la somme n'etait pas versee a une epoque qu'il fixa. Mais Delponte lui repondit que c'etait du temps de perdu que d'attendre, et que s'il avait un conseil a lui donner, c'etait de le faire fusiller tout de suite. Vardarelli en eut un instant la velleite; mais il songea que, plus Delponte faisait bon marche de sa vie, plus Ferdinand devait y tenir. En effet, a peine le roi eut-il appris que le brave major etait entre les mains des bandits, qu'il ordonna de payer sa rancon sur ses propres deniers. En consequence, un matin, Vardarelli annonca au major Delponte que, sa rancon ayant ete exactement et integralement payee, il etait parfaitement libre de quitter la troupe et de diriger ses pas vers le point de la terre qui lui agreait le plus. Le major Delponte ne comprenait pas quelle etait la main genereuse qui le delivrait; mais comme, quelle qu'elle fut, il etait fort dispose a profiter de sa liberalite, il demanda son cheval et son sabre, qu'on lui rendit, se mit en selle avec un flegme parfait, et s'eloigna au petit pas et en sifflotant un air de chasse, ne permettant pas que sa monture fit un pas plus vite que l'autre, tant il tenait a ce qu'on ne put pas meme supposer qu'il avait peur. Mais le roi, pour s'etre montre magnifique a l'endroit du major, n'en avait pas moins jure l'extermination des bandits qui l'avaient force de traiter de puissance a puissance avec eux. Un colonel, je ne sais plus lequel, qui l'avait entendu jurer ainsi, fit a son tour le serment, si on voulait lui confier un bataillon, de ramener Vardarelli, ses deux freres et le soixante hommes qui composaient sa troupe, pieds et poings lies, dans les cachots de la Vicaria. L'offre etait trop seduisante pour qu'on ne l'acceptat point; le ministre de la guerre mit cinq cents hommes a la disposition du colonel, et le colonel et sa petite troupe se mirent en quete de Vardarelli et de ses compagnons. XV. Les Vardarelli. 104 Le Corricolo Vardarelli avait des espions trop devoues pour ne pas etre prevenu a temps de l'expedition qui s'organisait. Il y a plus: en apprenant cette nouvelle, lui aussi, il avait fait un serment: c'etait de guerir a tout jamais le colonel qui s'etait si aventureusement voue a sa poursuite, d'un second elan patriotique dans le genre du premier. Il commenca donc par faire courir le pauvre colonel par monts et par vaux, jusqu'a ce que lui et sa troupe fussent sur les dents; puis, lorsqu'il les vit tels qu'il les desirait, il leur fit, a deux heures du matin, donner une fausse indication; le colonel prit le renseignement pour or en barre, et partit a l'instant meme, afin de surprendre Vardarelli, qu'on lui avait assure etre, lui et sa troupe, dans un petit village situe a l'extremite d'une gorge si etroite qu'a peine y pouvait-on passer quatre hommes de front. Quelques ames charitables qui connaissaient les localites firent bien au brave colonel quelques observations, mais il etait tellement exaspere qu'il ne voulut entendre a rien, et partit dix minutes apres avoir recu l'avis. Le colonel fit une telle diligence qu'il devora pres de quatre lieues en deux heures, de sorte qu'au point du jour il se trouva sur le point d'entrer dans la gorge de l'autre cote de laquelle il devait surprendre les bandits. Quand il fut arrive la, l'endroit lui parut si effroyablement propice a une embuscade qu'il envoya vingt hommes explorer le chemin, tandis qu'il faisait halte avec le reste de son bataillon; mais au bout d'un quart d'heure les vingt hommes revinrent, en annoncant qu'ils n'avaient rencontre ame qui vive. Le colonel n'hesita donc plus et s'engagea dans la gorge lui et ses cinq cents hommes: mais au moment ou cette gorge s'elargissait, pareille a une espece d'entonnoir, entre deux defiles, le cri: Vardarelli! Vardarelli! se fit entendre comme s'il tombait des nuages, et le pauvre colonel, levant la tete, vit toutes les cretes de rochers garnies de brigands qui le tenaient en joue lui et sa troupe. Cependant il ordonna de se former en peloton; mais Vardarelli cria d'une voix terrible: "A bas les armes, ou vous etes morts!" A l'instant meme les bandits repeterent le cri de leur chef, puis l'echo repeta le cri des bandits; de sorte que les soldats, qui n'avaient pas fait le meme serment que leur colonel et qui se croyaient entoures d'une troupe trois fois plus nombreuse que la leur, crierent a qui mieux mieux qu'ils se rendaient, malgre les exhortations, les prieres et les menaces de leur malheureux chef. Aussitot Vardarelli, sans abandonner sa position, ordonna aux soldats de mettre les fusils en faisceaux, ordre qu'ils executerent a l'instant meme; puis il leur signifia de se separer en deux bandes, et de se rendre chacun a un endroit indique, nouvel ordre auquel ils obeirent avec la meme ponctualite qu'ils avaient fait pour la premiere manoeuvre. Enfin, laissant une vingtaine de bandits en embuscade, il descendit avec le reste de ses hommes, et, leur ordonnant de se ranger en cercle autour des faisceaux, il les invita a mettre les armes de leurs ennemis hors d'etat de leur nuire momentanement par le meme moyen qu'avait employe Gulliver pour eteindre l'incendie du palais de Lilliput. C'est le recit de cet evenement qui avait mis le roi de si mauvaise humeur, qu'il ne fallait rien moins que l'anecdote nouvelle dont monsignor Perelli etait le heros pour le lui faire oublier. On comprend que cette nouvelle frasque ne remit pas don Gaetano dans les bonnes graces du gouvernement. Les ordres les plus severes furent donnes a son egard; seulement, des le lendemain, le roi, qui etait homme de trop joyeux esprit pour garder rancune a Vardarelli d'un si bon tour, racontait en riant a gorge deployee l'aventure a qui voulait l'entendre, de sorte que, comme il y a toujours foule pour entendre les aventures que veulent bien raconter les rois, le pauvre colonel n'osa de trois ans remettre le pied dans la capitale. Mais le general qui commandait en Calabre prit la chose d'une facon bien autrement serieuse que ne l'avait fait le roi. Il jura que, quel que fut le moyen qu'il dut employer, il exterminerait les Vardarelli depuis le premier jusqu'au dernier. Il commenca par les poursuivre a outrance; mais, comme on s'en doute bien, cette poursuite ne fut qu'un jeu de barres pour les bandits. Ce que voyant, le general commandant proposa a leur chef un traite par lequel lui et les siens entreraient au service du gouvernement. Soit que les conditions fussent trop avantageuses pour etre refusees, soit que Gaetano se lassat de cette vie de dangers sans fin et d'eternel XV. Les Vardarelli. 105

« Vardarelli avait des espions trop devoues pour ne pas etre prevenu a temps de l'expedition qui s'organisait.

Il y a plus: en apprenant cette nouvelle, lui aussi, il avait fait un serment: c'etait de guerir a tout jamais le colonel qui s'etait si aventureusement voue a sa poursuite, d'un second elan patriotique dans le genre du premier. Il commenca donc par faire courir le pauvre colonel par monts et par vaux, jusqu'a ce que lui et sa troupe fussent sur les dents; puis, lorsqu'il les vit tels qu'il les desirait, il leur fit, a deux heures du matin, donner une fausse indication; le colonel prit le renseignement pour or en barre, et partit a l'instant meme, afin de surprendre Vardarelli, qu'on lui avait assure etre, lui et sa troupe, dans un petit village situe a l'extremite d'une gorge si etroite qu'a peine y pouvait-on passer quatre hommes de front.

Quelques ames charitables qui connaissaient les localites firent bien au brave colonel quelques observations, mais il etait tellement exaspere qu'il ne voulut entendre a rien, et partit dix minutes apres avoir recu l'avis. Le colonel fit une telle diligence qu'il devora pres de quatre lieues en deux heures, de sorte qu'au point du jour il se trouva sur le point d'entrer dans la gorge de l'autre cote de laquelle il devait surprendre les bandits.

Quand il fut arrive la, l'endroit lui parut si effroyablement propice a une embuscade qu'il envoya vingt hommes explorer le chemin, tandis qu'il faisait halte avec le reste de son bataillon; mais au bout d'un quart d'heure les vingt hommes revinrent, en annoncant qu'ils n'avaient rencontre ame qui vive. Le colonel n'hesita donc plus et s'engagea dans la gorge lui et ses cinq cents hommes: mais au moment ou cette gorge s'elargissait, pareille a une espece d'entonnoir, entre deux defiles, le cri: Vardarelli! Vardarelli! se fit entendre comme s'il tombait des nuages, et le pauvre colonel, levant la tete, vit toutes les cretes de rochers garnies de brigands qui le tenaient en joue lui et sa troupe.

Cependant il ordonna de se former en peloton; mais Vardarelli cria d'une voix terrible: “A bas les armes, ou vous etes morts!” A l'instant meme les bandits repeterent le cri de leur chef, puis l'echo repeta le cri des bandits; de sorte que les soldats, qui n'avaient pas fait le meme serment que leur colonel et qui se croyaient entoures d'une troupe trois fois plus nombreuse que la leur, crierent a qui mieux mieux qu'ils se rendaient, malgre les exhortations, les prieres et les menaces de leur malheureux chef. Aussitot Vardarelli, sans abandonner sa position, ordonna aux soldats de mettre les fusils en faisceaux, ordre qu'ils executerent a l'instant meme; puis il leur signifia de se separer en deux bandes, et de se rendre chacun a un endroit indique, nouvel ordre auquel ils obeirent avec la meme ponctualite qu'ils avaient fait pour la premiere manoeuvre.

Enfin, laissant une vingtaine de bandits en embuscade, il descendit avec le reste de ses hommes, et, leur ordonnant de se ranger en cercle autour des faisceaux, il les invita a mettre les armes de leurs ennemis hors d'etat de leur nuire momentanement par le meme moyen qu'avait employe Gulliver pour eteindre l'incendie du palais de Lilliput. C'est le recit de cet evenement qui avait mis le roi de si mauvaise humeur, qu'il ne fallait rien moins que l'anecdote nouvelle dont monsignor Perelli etait le heros pour le lui faire oublier. On comprend que cette nouvelle frasque ne remit pas don Gaetano dans les bonnes graces du gouvernement. Les ordres les plus severes furent donnes a son egard; seulement, des le lendemain, le roi, qui etait homme de trop joyeux esprit pour garder rancune a Vardarelli d'un si bon tour, racontait en riant a gorge deployee l'aventure a qui voulait l'entendre, de sorte que, comme il y a toujours foule pour entendre les aventures que veulent bien raconter les rois, le pauvre colonel n'osa de trois ans remettre le pied dans la capitale. Mais le general qui commandait en Calabre prit la chose d'une facon bien autrement serieuse que ne l'avait fait le roi.

Il jura que, quel que fut le moyen qu'il dut employer, il exterminerait les Vardarelli depuis le premier jusqu'au dernier.

Il commenca par les poursuivre a outrance; mais, comme on s'en doute bien, cette poursuite ne fut qu'un jeu de barres pour les bandits.

Ce que voyant, le general commandant proposa a leur chef un traite par lequel lui et les siens entreraient au service du gouvernement.

Soit que les conditions fussent trop avantageuses pour etre refusees, soit que Gaetano se lassat de cette vie de dangers sans fin et d'eternel Le Corricolo XV.

Les Vardarelli.

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