Le Corricolo On se mit a courir apres Vardarelli; mais comme il savait parfaitement dans quel but philanthropique on le cherchait, il n'eut garde de se laisser rejoindre.
Publié le 11/04/2014
Extrait du document
«
Vardarelli avait des espions trop devoues pour ne pas etre prevenu a temps de l'expedition qui s'organisait.
Il y
a plus: en apprenant cette nouvelle, lui aussi, il avait fait un serment: c'etait de guerir a tout jamais le colonel
qui s'etait si aventureusement voue a sa poursuite, d'un second elan patriotique dans le genre du premier.
Il commenca donc par faire courir le pauvre colonel par monts et par vaux, jusqu'a ce que lui et sa troupe
fussent sur les dents; puis, lorsqu'il les vit tels qu'il les desirait, il leur fit, a deux heures du matin, donner une
fausse indication; le colonel prit le renseignement pour or en barre, et partit a l'instant meme, afin de
surprendre Vardarelli, qu'on lui avait assure etre, lui et sa troupe, dans un petit village situe a l'extremite d'une
gorge si etroite qu'a peine y pouvait-on passer quatre hommes de front.
Quelques ames charitables qui
connaissaient les localites firent bien au brave colonel quelques observations, mais il etait tellement exaspere
qu'il ne voulut entendre a rien, et partit dix minutes apres avoir recu l'avis.
Le colonel fit une telle diligence qu'il devora pres de quatre lieues en deux heures, de sorte qu'au point du jour
il se trouva sur le point d'entrer dans la gorge de l'autre cote de laquelle il devait surprendre les bandits.
Quand
il fut arrive la, l'endroit lui parut si effroyablement propice a une embuscade qu'il envoya vingt hommes
explorer le chemin, tandis qu'il faisait halte avec le reste de son bataillon; mais au bout d'un quart d'heure les
vingt hommes revinrent, en annoncant qu'ils n'avaient rencontre ame qui vive.
Le colonel n'hesita donc plus et s'engagea dans la gorge lui et ses cinq cents hommes: mais au moment ou
cette gorge s'elargissait, pareille a une espece d'entonnoir, entre deux defiles, le cri: Vardarelli! Vardarelli! se
fit entendre comme s'il tombait des nuages, et le pauvre colonel, levant la tete, vit toutes les cretes de rochers
garnies de brigands qui le tenaient en joue lui et sa troupe.
Cependant il ordonna de se former en peloton; mais
Vardarelli cria d'une voix terrible: A bas les armes, ou vous etes morts! A l'instant meme les bandits
repeterent le cri de leur chef, puis l'echo repeta le cri des bandits; de sorte que les soldats, qui n'avaient pas fait
le meme serment que leur colonel et qui se croyaient entoures d'une troupe trois fois plus nombreuse que la
leur, crierent a qui mieux mieux qu'ils se rendaient, malgre les exhortations, les prieres et les menaces de leur
malheureux chef.
Aussitot Vardarelli, sans abandonner sa position, ordonna aux soldats de mettre les fusils en faisceaux, ordre
qu'ils executerent a l'instant meme; puis il leur signifia de se separer en deux bandes, et de se rendre chacun a
un endroit indique, nouvel ordre auquel ils obeirent avec la meme ponctualite qu'ils avaient fait pour la
premiere manoeuvre.
Enfin, laissant une vingtaine de bandits en embuscade, il descendit avec le reste de ses
hommes, et, leur ordonnant de se ranger en cercle autour des faisceaux, il les invita a mettre les armes de leurs
ennemis hors d'etat de leur nuire momentanement par le meme moyen qu'avait employe Gulliver pour eteindre
l'incendie du palais de Lilliput.
C'est le recit de cet evenement qui avait mis le roi de si mauvaise humeur, qu'il ne fallait rien moins que
l'anecdote nouvelle dont monsignor Perelli etait le heros pour le lui faire oublier.
On comprend que cette nouvelle frasque ne remit pas don Gaetano dans les bonnes graces du gouvernement.
Les ordres les plus severes furent donnes a son egard; seulement, des le lendemain, le roi, qui etait homme de
trop joyeux esprit pour garder rancune a Vardarelli d'un si bon tour, racontait en riant a gorge deployee
l'aventure a qui voulait l'entendre, de sorte que, comme il y a toujours foule pour entendre les aventures que
veulent bien raconter les rois, le pauvre colonel n'osa de trois ans remettre le pied dans la capitale.
Mais le general qui commandait en Calabre prit la chose d'une facon bien autrement serieuse que ne l'avait fait
le roi.
Il jura que, quel que fut le moyen qu'il dut employer, il exterminerait les Vardarelli depuis le premier
jusqu'au dernier.
Il commenca par les poursuivre a outrance; mais, comme on s'en doute bien, cette poursuite
ne fut qu'un jeu de barres pour les bandits.
Ce que voyant, le general commandant proposa a leur chef un traite
par lequel lui et les siens entreraient au service du gouvernement.
Soit que les conditions fussent trop
avantageuses pour etre refusees, soit que Gaetano se lassat de cette vie de dangers sans fin et d'eternel Le Corricolo
XV.
Les Vardarelli.
105.
»
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