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Le Misanthrope. « Il faut parmi le monde une vertu traitable » (Le Misanthrope, acte I, sc. 1.)

Publié le 22/06/2011

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Analyse. — Au 1er acte du Misanthrope, Alceste cause avec Philinte ; le premier est très sympathique par sa droiture et par sa vertu, mais il pèche par orgueil, et il en veut à toute l'humanité. Philinte, très indulgent, l'est peut-être trop. Molière ne nous présente jamais des raisonneurs abstraits. Philinte est homme, comme Alceste. Et, à son tour, il exagère ; il pousse cette modération jusqu'à l'indifférence et jusqu'au mépris. Après une transition (du vers 9 au vers 54), il trahit sa personnalité un peu égoïste, il oppose son flegme à labile d'Alceste ; et il finit par prononcer sur la méchanceté native et incurable des hommes des paroles bien plus sévères, bien plus décourageantes, que les boutades furieuses du misanthrope. — Il nous apparaît donc, dans ce passage, que Molière ne prend parti ni pour les uns, ni pour les autres. Il ne charge pas un de ses personnages (sauf dans des cas particuliers, comme dans Tartuffe) de formuler sa pensée. Il met sous nos yeux des êtres vivants, différents, « ni tout à fait bons, ni tout à fait méchants«, et qui, obéissant à leur nature propre, ont, chacun à leur tour, tort et raison. Dans la suite de la pièce, on voit Alceste faisant la cour à Célimène, jeune veuve de vingt ans, qu'il aime avec sincérité; celle-ci, fort coquette, et qui préfère la liberté au mariage, diffère sans cesse la réponse que sollicite Alceste. Enfin, prise à son propre jeu, Célimène est abandonnée par ses nombreux prétendants, et consent à épouser Alceste ; mais comme elle hésite à le suivre dans son château et il s'éloigner du monde, Alceste à son tour déclare qu'il la refuse, et qu'il ira s'ensevelir dans la solitude.

PHILINTE Vous voulez un grand mal à la nature humaine? ALCESTE Oui, j'ai conçu pour elle une effroyable haine. PHILINTE Tous les pauvres mortels, sans nulle exception, Seront enveloppés dans cette aversion? Encore en est-il bien dans le siècle où nous sommes... ALCESTE Non, elle est générale, et je hais tous les hommes : Les uns, parce qu'ils sont méchants et malfaisants, Et les autres, pour être aux méchants complaisants, Et n'avoir pas pour eux ces haines vigoureuse Que doit donner le vice aux âmes vertueuses. De cette complaisance on voit l'injuste excès Pour le franc scélérat avec qui j'ai procès. Au travers de son masque on voit à plein le traître : Partout il est connu pour tout ce qu'il peut être; Et ses roulements d'yeux et son ton radouci N'imposent qu'à des gens qui ne sont point d'ici. On sait que ce pied-plat, digne qu'on le confonde, Par de sales emplois s'est poussé dans le monde, Et que par eux son sort, de splendeur revêtu, Fait gronder le mérite et rougir la vertu. Quelques titres honteux qu'en tous lieux on lui donne, Son misérable honneur ne voit pour lui personne : Nommez-le fourbe, infâme et scélérat maudit, Tout le monde en convient, et nul n'y contredit. Cependant sa grimace est partout bienvenue; On l'accueille, on lui rit, partout il s'insinue; Et, s'il est, par la brigue, un rang à disputer, Sur le plus honnête homme on le voit l'emporter : Têtebleu! ce me sont de mortelles blessures, De voir qu'avec le vice on garde des mesures, Et parfois il me prend des mouvements soudains De fuir dans un désert l'approche des humains. PHILINTE Mon Dieu! des moeurs du temps mettons-nous moins en peine Et faisons un peu grâce à la nature humaine : Ne l'examinons point dans la grande rigueur, Et voyons ses défauts avec quelque douceur. Il faut, parmi le monde, une vertu traitable; A force de sagesse on peut être blâmable : La parfaite raison fuit toute extrémité, Et veut que l'on soit sage avec sobriété. Cette grande roideur des vertus des vieux âges Heurte trop notre siècle et les communs usages : Elle veut aux mortels trop de perfection. Il faut fléchir au temps, sans obstination; Et c'est une folie, à nulle autre seconde, De vouloir se mêler de corriger le monde. J'observe, comme vous, cent choses, tous les jours, Qui pourraient mieux aller, prenant un autre cours; Mais, quoi qu'à chaque pas je puisse voir paraître, En courroux, comme vous, on ne me voit point être. Je prends tout doucement les hommes comme ils sont : J'accoutume mon âme à souffrir ce qu'ils font; Et je crois qu'à la cour, de même qu'à la ville, Mon flegme est philosophe autant que votre bile. ALCESTE Mais ce flegme, monsieur, qui raisonne si bien, Ce flegme pourra-t-il ne s'échauffer de rien? Et s'il faut par hasard qu'un ami vous trahisse, Que pour avoir vos biens on dresse un artifice, Ou qu'on tâche à semer de méchants bruits de vous, Verrez-vous tout cela sans vous mettre en courroux? PHILINTE Oui : je vois ces défauts, dont votre âme murmure, Comme vices unis à l'humaine nature : Et mon esprit enfin n'est pas plus offensé De voir un homme fourbe, injuste, intéressé, Que de voir des vautours affamés de carnage, 65 Des singes malfaisants et des loups pleins de rage.

(Le Misanthrope, acte I, sc. 1.)

QUESTIONS D'EXAMEN

I. — L'ensemble. - Nature du morceau : un dialogue. — D'où provient l'irritation d'Alceste? Quelles sont les qualités de ce personnage? (franchise, sincérité...) ; Il a aussi un défaut : indiquez-le; Comment vous apparaît Philinte? Il est tolérant, — ce qui est une vertu; mais ne le trouvez-vous pas trop indulgent ? Jusqu'à quel défaut pousse-t-il cette indulgence ?  Vous semble-t-il que l'un ou l'autre de ces deux personnages exprime la pensée même de Molière ? Lequel préférez-vous ?

II. — L'analyse du morceau. — Montrez que ce morceau comprend le développement de deux thèses opposées : a) Je hais tous les hommes, dit Alceste; b) Faisons un peu grâce à la nature humaine, répond Philinte; Indiquez les principaux arguments que fait valoir chacun d'eux. Quelle en est la valeur ? Alceste ne trace-t-il pas un portrait ? Quels en sont les traits les plus expressifs? Par quoi est caractérisé ce dialogue? Les deux personnages parlent-ils sur le même ton ? Pourquoi est-il des points de suspension après les paroles de Philinte, au 5e vers ?

III. — Le style; — les expressions. — Faites ressortir les qualités principales du style, dans ce morceau : a) le naturel; étudier particulièrement la réplique de Philinte : Mon Dieu! des meurs du temps... ; b) la vivacité; montrer qu'Alceste, froissé de tout ce qu'il voit autour de lui, ne peut parler que sur un ton vif et irrité; c) le pittoresque; citez quelques expressions imagées : Au travers de son masque on voit à plein le naine; — ses roulements d'yeux, son ton radouci; — ce pied-plat...; Quelle comparaison fait Philinte dans sa dernière réplique ?  Quel est le personnage du théâtre de Molière dont le souvenir est évoqué par ce vers : Et ses roulements d'yeux et son ton radouci? Quel est le sens des expressions suivantes : un franc scélérat, une vertu traitable, ce pied-plat ? Donnez la signification des mots artifice, brigue.

IV. — La grammaire. — Quelle est la composition des mots malfaisants, complaisants? Indiquez un synonyme de courroux, de artifice, de flegme; 30 Nature et fonction de chacun des mots suivants : Têtebleu ! ce me sont de mortelles injures.

Rédaction. — Indiquez les traits dominants du caractère de Philinte.

« Il faut fléchir au temps, sans obstination;Et c'est une folie, à nulle autre seconde,De vouloir se mêler de corriger le monde.J'observe, comme vous, cent choses, tous les jours,Qui pourraient mieux aller, prenant un autre cours;Mais, quoi qu'à chaque pas je puisse voir paraître,En courroux, comme vous, on ne me voit point être.Je prends tout doucement les hommes comme ils sont :J'accoutume mon âme à souffrir ce qu'ils font;Et je crois qu'à la cour, de même qu'à la ville,Mon flegme est philosophe autant que votre bile.ALCESTEMais ce flegme, monsieur, qui raisonne si bien,Ce flegme pourra-t-il ne s'échauffer de rien?Et s'il faut par hasard qu'un ami vous trahisse,Que pour avoir vos biens on dresse un artifice,Ou qu'on tâche à semer de méchants bruits de vous, Verrez-vous tout cela sans vous mettre en courroux?PHILINTEOui : je vois ces défauts, dont votre âme murmure,Comme vices unis à l'humaine nature :Et mon esprit enfin n'est pas plus offenséDe voir un homme fourbe, injuste, intéressé,Que de voir des vautours affamés de carnage, 65Des singes malfaisants et des loups pleins de rage. (Le Misanthrope, acte I, sc.

1.) QUESTIONS D'EXAMEN I.

— L'ensemble.

- Nature du morceau : un dialogue.

— D'où provient l'irritation d'Alceste? Quelles sont les qualitésde ce personnage? (franchise, sincérité...) ; Il a aussi un défaut : indiquez-le; Comment vous apparaît Philinte? Ilest tolérant, — ce qui est une vertu; mais ne le trouvez-vous pas trop indulgent ? Jusqu'à quel défaut pousse-t-ilcette indulgence ? Vous semble-t-il que l'un ou l'autre de ces deux personnages exprime la pensée même de Molière? Lequel préférez-vous ? II.

— L'analyse du morceau.

— Montrez que ce morceau comprend le développement de deux thèses opposées : a)Je hais tous les hommes, dit Alceste; b) Faisons un peu grâce à la nature humaine, répond Philinte; Indiquez lesprincipaux arguments que fait valoir chacun d'eux.

Quelle en est la valeur ? Alceste ne trace-t-il pas un portrait ?Quels en sont les traits les plus expressifs? Par quoi est caractérisé ce dialogue? Les deux personnages parlent-ilssur le même ton ? Pourquoi est-il des points de suspension après les paroles de Philinte, au 5e vers ? III.

— Le style; — les expressions.

— Faites ressortir les qualités principales du style, dans ce morceau : a) lenaturel; étudier particulièrement la réplique de Philinte : Mon Dieu! des meurs du temps...

; b) la vivacité; montrerqu'Alceste, froissé de tout ce qu'il voit autour de lui, ne peut parler que sur un ton vif et irrité; c) le pittoresque;citez quelques expressions imagées : Au travers de son masque on voit à plein le naine; — ses roulements d'yeux,son ton radouci; — ce pied-plat...; Quelle comparaison fait Philinte dans sa dernière réplique ? Quel est lepersonnage du théâtre de Molière dont le souvenir est évoqué par ce vers : Et ses roulements d'yeux et son tonradouci? Quel est le sens des expressions suivantes : un franc scélérat, une vertu traitable, ce pied-plat ? Donnezla signification des mots artifice, brigue. IV.

— La grammaire.

— Quelle est la composition des mots malfaisants, complaisants? Indiquez un synonyme decourroux, de artifice, de flegme; 30 Nature et fonction de chacun des mots suivants : Têtebleu ! ce me sont demortelles injures. Rédaction.

— Indiquez les traits dominants du caractère de Philinte.. »

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