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LE PARFAIT HISTORIEN. FÉNELON.

Publié le 08/07/2011

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Fénelon répond au secrétaire perpétuel de L'Académie Française, M. Dacier, qui lui a soumis un projet de travaux à faire par l'Académie. Au chapitre VIII de sa lettre, il examine le projet d'un traité sur l'histoire. Cette lettre est de 1715. On doit se rappeler qu'à cette époque la France possédait de nombreux et éminents mémorialistes, mais aucun historien de valeur. L'auteur dégage successivement : a) l'objet de l'histoire; ; b) les conditions de la vérité historique. Ce sont les points qu'il faut étudier. Il y a très peu d'historiens qui soient exempts de grands défauts. L'histoire est néanmoins très importante : c'est elle qui nous montre les grands exemples, qui fait servir les vices mêmes des méchants à l'instruction des bons, qui débrouille les origines et qui explique par quel chemin les peuples ont passé d'une forme de gouvernement à une autre. Le bon historien n'est d'aucun temps ni d'aucun pays. Quoiqu'il aime sa patrie, il ne la flatte jamais en rien. L'historien français doit se rendre neutre entre la France et l'Angleterre ; il doit louer aussi volontiers Talbot que Du Guesclin ; il rend autant de justice aux talents militaires du prince de Galles qu'à la sagesse de Charles V. Il évite également le panégyrique et les satires ; il ne mérite d'être cru qu'autant qu'il se borne à dire sans flatterie et sans malignité le bien et le mal. Il n'omet aucun fait qui puisse servir à peindre les hommes principaux et à découvrir les causes des événements, mais il retranche toute dissertation où l'érudition d'un savant veut être étalée. Toute sa critique se borne à donner comme douteux ce qui l'est et à en laisser la décision au lecteur après lui avoir donné ce que l'histoire lui fournit. L'homme qui est plus savant qu'il n'est historien et qui a plus de critique que de vrai génie, n'épargne à son lecteur aucune date, aucune circonstance superflue, aucun fait sec ; il suit son goût sans consulter celui du public ; il veut que tout le monde soit aussi curieux que lui des minuties vers lesquelles il tourne son insatiable curiosité. Au contraire, lin historien sobre et discret laisse tomber les menus faits qui ne mènent le lecteur à aucun but important. Retranchez ces faits, vous n'ôtez rien à l'histoire ; ils ne font qu'interrompre, qu'allonger, que faire une histoire, pour ainsi dire, hachée en petits morceaux et sans aucun fil de vive narration. Il faut laisser cette superstitieuse exactitude aux compilateurs . Le grand point est de mettre d'abord le lecteur dans le fond des choses, de lui découvrir les liaisons et de se hâter de le faire arriver au dénouement.

FÉNELON.

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