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Le pays des chimères

Publié le 20/06/2012

Extrait du document

 

Plus qu'aucune autre de ses oeuvres, les Confessions, en dépit ou à

cause même des inexactitudes qu'elles renferment, permettent de

connaître Rousseau. Il s'y dépeint, s'y analyse avec sincérité et

pénétration, dans «toute la vérité de la nature « (Confessions, I).

Le livre IX raconte le séjour de Rousseau à l'Ermitage (1756-

1757), petite maison située dans le parc du château de Mme d'Épinay,

près de Montmorency. Ce «lieu solitaire et très agréable« qui

lui rappelle le bonheur goûté dans sa jeunesse aux Charmettes, le

plonge d'abord dans un « délire champêtre « et stimule son activité

créatrice : il travaille au Contrat social, à l'Émile. Mais au cours

de ses promenades solitaires, du vide de son coeur une autre oeuvre

va naître et s'imposer à lui : ce sera La Nouvelle Héloïse.

« 40 jusqu'alors un ami tout à moi.

un véritable ami, moi qui me sentais si bien fait pour l'être? Comment se pouvait-il qu'avec des sens si combustibles, avec un cœur tout pétri d'amour, je n'eusse pas du moins une fois brûlé de sa flamme pour un objet déter­ miné? Dévoré du besoin d'aimer, sans jamais l'avoir pu satis­ faire, je me voyais atteindre aux portes de la vieillesse, et mourir sans avoir vécu.

Ces réflexions tristes.

mais attendrissantes, me faisaient replier sur moi-même avec un regret qui n'était pas sans douceur.

Il me semblait que la destinée me devait quelque chose qu'elle ne m'avait pas donné.

A quoi bon m'avoir fait naître avec des facultés exquises, pour les laisser jusqu'à la fin sans emploi? Le sentiment de mon prix interne, en me donnant celui de cette injustice, m'en dédommageait en quelque sorte, et me faisait verser des larmes que j'aimais à laisser couler.

Je faisais ces méditations dans la plus belle saison de l'année, au mois de juin, sous des bocages frais, au chant du rossignol.

au gazouillement des ruisseaux.

Tout concourut à me replonger dans cette mollesse si séduisante, pour laquelle j'étais né, mais dont le ton dur et sévère, où venait de me monter une longue effervescence, m'aurait dû délivrer pour toujours.

[.

..

J Que fis-je en cette occasion? Déjà mon lecteur l'a deviné pour peu qu'il m'ait suivi jusqu'ici.

L'impossibilité d'atteindre aux êtres réels me jeta dans le pays des chimères, et ne voyant rien d'existant qui fût digne de mon délire, je le nourris dans un monde idéal.

que mon imagination créatrice eut bientôt peu­ plé d'êtres selon mon cœur.

Jamais cette ressource ne vint plus à propos, et ne se trouva si féconde.

Dans mes continuelles extases, je m'enivrais à torr'ents des plus délicieux sentiments qui jamais soient entrés dans un cœur d'homme.

Oubliant tout à fait la race humaine, je me fis des sociétés de créatures par­ faites, aussi célestes par leurs vertus que par leurs beautés, d'amis sûrs, tendres, fidèles.

tels que je n'en trouvai jamais ici­ bas.

Je pris un tel goût à planer ainsi dans l'empyrée, au milieu des objets charmants dont je m'étais entouré, que j'y passais les heures, les jours sans compter; et perdant le souvenir de toute autre chose, à peine avais-je mangé un morceau à la hâte, que je brûlais de m'échapper pour courir retrouver mes bos­ quets.

Quand, prêt à partir pour le monde enchanté, je voyais. »

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