Le Rouge et Le Noir jamais dépassé Dole, sur la route de la Bourgogne; ainsi dites ce que vous voudrez, ne craignez rien.
Publié le 12/04/2014
Extrait du document
«
\24Ah! bon Dieu! répondit la bonne hôtesse alarmée, ne parlez pas si haut; il y a bien des mauvais sujets dans
Besançon.
On vous volera cela en moins de rien.
Surtout n'entrez jamais dans les cafés, ils sont remplis de
mauvais sujets.
\24Vraiment! dit Julien, à qui ce mot donnait à penser.
\24Ne venez jamais que chez moi, je vous ferai faire du café.
Rappelez-vous que vous trouverez toujours ici
une amie et un bon dîner à vingt sols, c'est parler ça, j'espère.
Allez vous mettre à table, je vais vous servir
moi-même.
\24Je ne saurais manger, lui dit Julien, je suis trop ému, je vais entrer au séminaire, en sortant de chez vous.
La bonne femme ne le laissa partir qu'après avoir empli ses poches de provisions.
Enfin Julien s'achemina vers
le lieu terrible; l'hôtesse, de dessus sa porte, lui en indiquait la route.
CHAPITRE XXV.
LE SÉMINAIRE
Trois cent trente-six dîners à 83 centimes trois cent trente-six soupers à 38 centimes; du chocolat à qui; de
droit; combien y a-t-il à gagner sur la soumission?
LE VALENOD de BESANÇON.
Il vit de loin la croix de fer doré sur la porte; il approcha lentement, ses jambes semblaient se dérober sous lui.
"Voilà donc cet enfer sur la terre, dont je ne pourrai sortir!" Enfin il se décida à sonner.
Le bruit de la cloche
retentit, comme dans un lieu solitaire.
Au bout de dix minutes un homme pâle, vêtu de noir, vint lui ouvrir.
Julien lé regarda et aussitôt baissa les yeux.
Il trouva à ce portier une physionomie singulière.
La pupille
saillante et verte de ses yeux s'arrondissait comme celle d'un chat; les contours immobiles de ses paupières
annonçaient l'impossibilité de toute sympathie, ses lèvres minces se développaient en demi-cercle sur des
dents qui avançaient.
Cependant cette physionomie ne montrait pas le crime mais plutôt cette insensibilité
parfaite qui inspire bien plus de terreur à la jeunesse.
Le seul sentiment que le regard rapide de Julien put
deviner sur cette longue figure dévote fut un mépris profond pour tout ce dont on voudrait lui parler, et qui ne
serait pas l'intérêt du ciel.
Julien releva les yeux avec effort, et d'une voix que le battement de coeur rendait tremblante, il expliqua qu'il
désirait parler à M.
Pirard, le directeur' du séminaire.
Sans dire une parole, l'homme noir lui fit signe de le
suivre.
Ils montèrent deux étages par un large escalier à rampe de bois, dont les marches déjetées penchaient
tout à fait du côté opposé au mur, et semblaient prêtes à tomber.
Une petite porte, surmontée d'une grande
croix de cimetière en bois blanc peint en noir, fut ouverte avec difficulté et le portier le fit entrer dans une
chambre sombre et basse, dont les murs blanchis à la chaux étaient garnis de deux grands tableaux noircis par
le temps.
Là, Julien fut laissé seul il était atterré, son coeur battait violemment, il eût été heureux d'oser
pleurer.
Un silence de mort régnait dans toute la maison.
Au bout d'un quart d'heure, qui lui parut une journée, le portier à figure sinistre reparut sur le pas d'une porte à
l'autre extrémité de la chambre, et, sans daigner parler lui fit signe d'avancer.
Il entra dans une pièce encore
plus grande que la première et fort mal éclairée.
Les murs aussi étaient blanchis, mais il n'y avait pas de
meubles.
Seulement dans un coin près de la porte, Julien vit en passant un lit de bois blanc, deux chaises de
paille, et un petit fauteuil en planches de sapin sans coussin.
A l'autre extrémité de la chambre, près d'une
petite fenêtre à vitres jaunies garnie de vases de fleurs tenus salement, il aperçut un homme assis devant une
table, et couvert d'une soutane délabrée, il avait l'air en colère, et prenait l'un après l'autre une foule de petits
carrés de papier qu'il rangeait sur sa table, après y avoir écrit quelques mots.
Il ne s'apercevait pas de la
présence de Julien.
Celui-ci était immobile debout vers le milieu de la chambre, là où l'avait laissé le portier, Le Rouge et Le Noir
CHAPITRE XXV.
LE SÉMINAIRE 95.
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