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Le Rouge et Le Noir Lascia fare a me.

Publié le 12/04/2014

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Le Rouge et Le Noir Lascia fare a me. Laissez faire à moi! s'écria l'aîné des enfants. Justement, mon jeune seigneur. Le signor Giovannone il me dit: Caro, d'abord un petit bout d'engagement. Je signe: il me donne trois ducats. Jamais je n'avais vu tant d'argent. Ensuite il me dit ce que je dois faire. "Le lendemain, je demande une audience au terrible signor Zingarelli'. Son vieux valet de chambre me fait entrer. Que me veux-tu, mauvais sujet? dit Zingarelli. Maestro, lui fis-je, je me repens de mes fautes; jamais je ne sortirai du conservatoire en passant pardessus la grille de fer. Je vais redoubler d'application. Si je ne craignais pas de gâter la plus belle voix de basse que j'aie jamais entendue, je te mettrais en prison au pain et à l'eau pour quinze jours, polisson. Maestro, repris-je, je vais être le modèle de toute l'école, credete a me. Mais je vous demande une grâce; si quelqu'un vient me demander pour chanter dehors, refusez-moi. De grâce, dites que vous ne pouvez pas. Et qui diable veux-tu qui demande un mauvais garnement tel que toi? Est-ce que je permettrai Jamais que tu quittes le conservatoire? Est-ce que tu veux te moquer de moi? Décampe, décampe, dit-il, en cherchant à me donner un coup de pied au c..., ou gare le pain sec et la prison. Une heure après, le signor Giovannone arrive chez le directeur: Je viens vous demander de faire ma fortune, lui dit-il, accordez-moi Geronimo. Qu'il chante à mon théâtre, et cet hiver je marie ma fille. Que veux-tu faire de ce mauvais sujet? lui dit Zingarelli. Je ne veux pas; tu ne l'auras pas; et d'ailleurs, quand j'y consentirais, jamais il ne voudra quitter le conservatoire, il vient de me le jurer. Si ce n'est que de sa volonté qu'il s'agit, dit gravement Giovannone, en tirant de sa poche mon engagement, carta canta! voici sa signature. Aussitôt Zingarelli, furieux, se pend à sa sonnette: Qu'on chasse Geronimo du conservatoire, cria-t-il bouillant de colère. On me chassa donc, moi riant aux éclats. Le même soir, je chantai l'air del Moltiplico. Polichinelle veut se marier et compte, sur ses doigts, les objets dont il aura besoin dans son ménage, et il s'embrouille à chaque instant dans ce calcul. Ah! veuillez, Monsieur, nous chanter cet air, dit Mme de Rênal. Geronimo chanta, et tout le monde pleurait à force de rire. Il signor Geronimo n'alla se coucher qu'à deux heures du matin, laissant cette famille enchantée de ses bonnes manières, de sa complaisance et de sa gaieté. Le lendemain, M. et Mme de Rênal lui remirent les lettres dont il avait besoin à la cour de France. CHAPITRE XXIII. CHAGRINS D'UN FONCTIONNAIRE 86 Le Rouge et Le Noir "Ainsi, partout de la fausseté, dit Julien. Voilà il signor Geronimo qui va à Londres avec soixante mille francs d'appointements. Sans le savoir-faire du directeur de San Carlino, sa voix divine n'eût peut-être été connue et admirée que dix ans plus tard... Ma foi, j'aimerais mieux être un Geronimo qu'un Rênal. Il n'est pas si honoré dans la société, mais il n'a pas le chagrin de faire des adjudications comme celle d'aujourd'hui, et sa vie est gaie." Une chose étonnait Julien: les semaines solitaires passées à Verrières, dans la maison de M. de Rênal avaient été pour lui une époque de bonheur. Il n'avait rencontré le dégoût et les tristes pensées qu'aux dîners qu'on lui avait donnés dans cette maison solitaire, ne pouvait-il pas lire, écrire, réfléchir, sans être troublé? A chaque instant, il n'était pas tiré de ses rêveries brillantes par la cruelle nécessité d'étudier les mouvements d'une âme basse, et encore afin de la tromper par des démarches ou des mots hypocrites. "Le bonheur serait-il si près de moi?... La dépense d'une telle vie est peu de chose, je puis à mon choix épouser Mlle Élisa, ou me faire l'associé de Fouqué... Mais le voyageur qui vient de gravir une montagne rapide s'assied au sommet. et trouve un plaisir parfait à se reposer. Serait-il heureux, si on le forçait à se reposer toujours?" L'esprit de Mme de Rênal était arrivé à des pensées fatales. Malgré ses résolutions, elle avait avoué à Julien toute l'affaire de l'adjudication. "Il me fera donc oublier tous mes serments, pensait-elle!" Elle eût sacrifié sa vie sans hésiter pour sauver celle de son mari, si elle l'eût vu en péril. C'était une de ces âmes nobles et romanesques, pour qui apercevoir la possibilité d'une action généreuse, et ne pas la faire, est la source d'un remords presque égal à celui du crime commis. Toutefois il y avait des jours funestes où elle ne pouvait chasser l'image de l'excès de bonheur qu'elle goûterait, si, devenant veuve tout à coup, elle pouvait épouser Julien. Il aimait ses fils beaucoup plus que leur père; malgré sa justice sévère, il en était adoré. Elle sentait bien qu'épousant Julien, il fallait quitter ce Vergy dont les ombrages lui étaient si chers. Elle se voyait vivant à Paris, continuant à donner à ses fils cette éducation qui faisait l'admiration de tout le monde. Ses enfants, elle, Julien, tous étaient parfaitement heureux. Étrange effet du mariage, tel que l'a fait le XIXe siècle! L'ennui de la vie matrimoniale fait périr l'amour sûrement, quand l'amour a précédé le mariage. Et cependant, dirait un philosophe, il amène bientôt chez les gens assez riches pour ne pas travailler, l'ennui profond de toutes les jouissances tranquilles. Et ce n'est que les âmes sèches, parmi les femmes, qu'il ne prédispose pas à l'amour. La réflexion du philosophe me fait excuser Mme de Rênal mais on ne l'excusait pas à Verrières, et toute la ville, sans qu'elle s'en doutât, n'était occupée que du scandale de ses amours. A cause de cette grande affaire, cet automne-là on s'y ennuya moins que de coutume. L'automne, une partie de l'hiver passèrent bien vite. Il fallut quitter les bois de Vergy. La bonne compagnie de Verrières commençait à s'indigner de ce que ses anathèmes faisaient si peu d'impression sur M. de Rênal. En moins de huit jours, des personnes graves qui se dédommagent de leur sérieux habituel par le plaisir de remplir ces sortes de missions, lui donnèrent les soupçons les plus cruels, mais en se servant des termes les plus mesurés. M. Valenod qui jouait serré avait placé Élisa dans une famille noble et fort considérée où il y avait cinq femmes. Élisa craignant, disait-elle de ne pas trouver de place pendant l'hiver, n'avait demandé à cette famille que les deux tiers à peu près de ce qu'elle recevait chez M. le maire. D'elle-même, cette fille avait eu l'excellente idée d'aller se confesser à l'ancien curé Chélan et en même temps au nouveau, afin de leur raconter à tous les deux le détail des amours de Julien. CHAPITRE XXIII. CHAGRINS D'UN FONCTIONNAIRE 87

« "Ainsi, partout de la fausseté, dit Julien.

Voilà il signor Geronimo qui va à Londres avec soixante mille francs d'appointements.

Sans le savoir-faire du directeur de San Carlino, sa voix divine n'eût peut-être été connue et admirée que dix ans plus tard...

Ma foi, j'aimerais mieux être un Geronimo qu'un Rênal.

Il n'est pas si honoré dans la société, mais il n'a pas le chagrin de faire des adjudications comme celle d'aujourd'hui, et sa vie est gaie." Une chose étonnait Julien: les semaines solitaires passées à Verrières, dans la maison de M.

de Rênal avaient été pour lui une époque de bonheur.

Il n'avait rencontré le dégoût et les tristes pensées qu'aux dîners qu'on lui avait donnés dans cette maison solitaire, ne pouvait-il pas lire, écrire, réfléchir, sans être troublé? A chaque instant, il n'était pas tiré de ses rêveries brillantes par la cruelle nécessité d'étudier les mouvements d'une âme basse, et encore afin de la tromper par des démarches ou des mots hypocrites. "Le bonheur serait-il si près de moi?...

La dépense d'une telle vie est peu de chose, je puis à mon choix épouser Mlle Élisa, ou me faire l'associé de Fouqué...

Mais le voyageur qui vient de gravir une montagne rapide s'assied au sommet.

et trouve un plaisir parfait à se reposer.

Serait-il heureux, si on le forçait à se reposer toujours?" L'esprit de Mme de Rênal était arrivé à des pensées fatales.

Malgré ses résolutions, elle avait avoué à Julien toute l'affaire de l'adjudication.

"Il me fera donc oublier tous mes serments, pensait-elle!" Elle eût sacrifié sa vie sans hésiter pour sauver celle de son mari, si elle l'eût vu en péril.

C'était une de ces âmes nobles et romanesques, pour qui apercevoir la possibilité d'une action généreuse, et ne pas la faire, est la source d'un remords presque égal à celui du crime commis.

Toutefois il y avait des jours funestes où elle ne pouvait chasser l'image de l'excès de bonheur qu'elle goûterait, si, devenant veuve tout à coup, elle pouvait épouser Julien. Il aimait ses fils beaucoup plus que leur père; malgré sa justice sévère, il en était adoré.

Elle sentait bien qu'épousant Julien, il fallait quitter ce Vergy dont les ombrages lui étaient si chers.

Elle se voyait vivant à Paris, continuant à donner à ses fils cette éducation qui faisait l'admiration de tout le monde.

Ses enfants, elle, Julien, tous étaient parfaitement heureux. Étrange effet du mariage, tel que l'a fait le XIXe siècle! L'ennui de la vie matrimoniale fait périr l'amour sûrement, quand l'amour a précédé le mariage.

Et cependant, dirait un philosophe, il amène bientôt chez les gens assez riches pour ne pas travailler, l'ennui profond de toutes les jouissances tranquilles.

Et ce n'est que les âmes sèches, parmi les femmes, qu'il ne prédispose pas à l'amour. La réflexion du philosophe me fait excuser Mme de Rênal mais on ne l'excusait pas à Verrières, et toute la ville, sans qu'elle s'en doutât, n'était occupée que du scandale de ses amours.

A cause de cette grande affaire, cet automne-là on s'y ennuya moins que de coutume. L'automne, une partie de l'hiver passèrent bien vite.

Il fallut quitter les bois de Vergy.

La bonne compagnie de Verrières commençait à s'indigner de ce que ses anathèmes faisaient si peu d'impression sur M.

de Rênal.

En moins de huit jours, des personnes graves qui se dédommagent de leur sérieux habituel par le plaisir de remplir ces sortes de missions, lui donnèrent les soupçons les plus cruels, mais en se servant des termes les plus mesurés. M.

Valenod qui jouait serré avait placé Élisa dans une famille noble et fort considérée où il y avait cinq femmes.

Élisa craignant, disait-elle de ne pas trouver de place pendant l'hiver, n'avait demandé à cette famille que les deux tiers à peu près de ce qu'elle recevait chez M.

le maire.

D'elle-même, cette fille avait eu l'excellente idée d'aller se confesser à l'ancien curé Chélan et en même temps au nouveau, afin de leur raconter à tous les deux le détail des amours de Julien.

Le Rouge et Le Noir CHAPITRE XXIII.

CHAGRINS D'UN FONCTIONNAIRE 87. »

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