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Le Rouge et Le Noir Le salon était de la plus haute magnificence, doré comme la galerie de Diane aux Tuileries, avec des tableaux à l'huile au lambris.

Publié le 12/04/2014

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Le Rouge et Le Noir Le salon était de la plus haute magnificence, doré comme la galerie de Diane aux Tuileries, avec des tableaux à l'huile au lambris. Il y avait des taches claires dans ces tableaux. Julien apprit plus tard que les sujets avaient semblé peu décents à la maîtresse du logis, qui avait fait corriger les tableaux. "Siècle moral!" pensa-t-il. Dans ce salon, il remarqua trois des personnages qui avaient assisté à la rédaction de la note secrète. L'un d'eux, Mgr l'évoque de ***, oncle de la maréchale, avait la feuille des bénéfices et, disait-on, ne savait rien refuser à sa nièce. "Quel pas immense j'ai fait se dit Julien en souriant avec mélancolie, et combien ii m'est indifférent! Me voici dînant avec le fameux évêque de ***." Le dîner fut médiocre et la conversation impatientante. "C'est la table d'un mauvais livre, pensait Julien. Tous les plus grands sujets des pensées des hommes y sont fièrement abordés. Écoute-t-on trois minutes, on se demande ce qui l'emporte, de l'emphase du parleur ou de son abominable ignorance." Le lecteur a sans doute oublié ce petit homme de lettres, nommé Tanbeau, neveu de l'académicien et futur professeur, qui, par ses basses calomnies, semblait chargé d'empoisonner le salon de l'hôtel de La Mole. Ce fut par ce petit homme que Julien eut la première idée qu'il se pourrait bien que Mme de Fervaques, tout en ne répondant pas à ses lettres, vit avec indulgence le sentiment qui les dictait. L'âme noire de M. Tanbeau était déchirée en pensant aux succès de Julien, mais comme d'un autre côté, un homme de mérite, pas plus qu'un sot ne peut être en deux endroits à la fois,"si Sorel devient l'amant de la sublime maréchale se disait le futur professeur, elle le placera dans l'Église de quelque manière avantageuse, et j'en serai délivré à l'hôtel de La Mole." M. l'abbé Pirard adressa aussi à Julien de longs sermons sur ses succès à l'hôtel de Fervaques. Il y avait jalousie de secte entre l'austère janséniste et le salon jésuitique, régénérateur et monarchique de la vertueuse maréchale. CHAPITRE XXVTII. MANON LESCAUT Or, une fois qu'il fut bien convaincu de la sottise et ânerie du prieur, il réussissait assez ordinairement en appelant noir ce qui était blanc, et blanc ce qui était noir. LICHTENBERG. Les instructions russes prescrivaient impérieusement de ne jamais contredire de vive voix la personne à qui on écrivait. On ne devait s'écarter sous aucun prétexte, du rôle de l'admiration la plus extatique; les lettres partaient toujours de cette supposition. Un soir, à l'Opéra, dans la loge de Mme de Fervaques Julien portait aux nues le ballet de Manon Lescaut. Sa seule raison pour parler ainsi, c'est qu'il le trouvait insignifiant. La maréchale dit que ce ballet était bien inférieur au roman de l'abbé Prévost. "Comment! pensa Julien étonné et amusé, une personne d'une si haute vertu vanter un roman!" Mme de Fervaques faisait profession, deux ou trois fois la semaine, du mépris le plus complet pour les écrivains qui, au moyen de ces plats ouvrages, cherchent à corrompre une jeunesse qui n'est, hélas! que trop disposée aux erreurs des sens. "Dans ce genre immoral et dangereux, Manon Lescaut continua la maréchale, occupe, dit-on, un des premiers rangs. Les faiblesses et les angoisses méritées d'un coeur bien criminel y sont, dit-on, dépeintes avec une vérité qui a de la profondeur, ce qui n'empêche pas votre Bonaparte de prononcer à Sainte-Hélène que c'est CHAPITRE XXVTII. MANON LESCAUT 236 Le Rouge et Le Noir un roman écrit pour des laquais." Ce mot rendit toute son activité à l'âme de Julien. "On a voulu me perdre auprès de la maréchale; on lui a dit mon enthousiasme pour Napoléon. Ce fait l'a assez piquée pour qu'elle cède à la tentation de me le faire sentir. Cette découverte l'amusa toute la soirée, et le rendit amusant. Comme il prenait congé de la maréchale sous le vestibule de l'Opéra: Souvenez-vous, monsieur, lui dit-elle, qu'il ne faut pas aimer Bonaparte quand on m'aime; on peut tout au plus l'accepter comme une nécessité imposée par la Providence. Du reste, cet homme n'avait pas l'âme assez flexible pour sentir les chefs-d'oeuvre des arts. "Quand on m'aime! se répétait Julien, cela ne veut rien dire, ou veut tout dire. Voilà des secrets de langage qui manquent à nos pauvres provinciaux. "Et il songea beaucoup à Mme de Rênal, en copiant une lettre immense destinée à la maréchale. Comment se fait-il, lui dit-elle le lendemain d'un air d'indifférence qu'il trouva mal joué, que vous me parliez de Londres et de Richemond dans une lettre que vous avez écrite hier soir, à ce qu'il semble, au sortir de l'Opéra? Julien fut très embarrassé, il avait copié ligne par ligne, sans songer à ce qu'il écrivait, et apparemment avait oublié de substituer aux mots Londres et Richemond, qui se trouvaient dans l'original, ceux de Paris et Saint-Cloud II commença deux ou trois phrases, mais sans possibilité de les achever il se sentait sur le point de céder au rire fou. Enfin en cherchant ses mots il parvint à cette idée: "Exalté par la discussion des plus sublimes, des plus grands intérêts de l'âme humaine, la mienne, en vous écrivant, a pu avoir une distraction. "Je produis une impression se dit-il donc je puis m'épargner l'ennui du reste dé la soirée. "Il sortit en courant de l'hôtel de Fervaques. Le soir, en revoyant l'original de la lettre par lui copiée la veille, il arriva bien vite à l'endroit fatal où le jeune Russe parlait de Londres et de Richemond. Julien fut bien étonné de trouver cette lettre presque tendre. C'était le contraste de l'apparente légèreté de ses propos, avec la profondeur sublime et presque apocalyptique de ses lettres qui l'avait fait distinguer. La longueur des phrases plaisait surtout à la maréchale; ce n'est pas là ce style sautillant mis à la mode par Voltaire, cet homme immoral! Quoique notre héros fît tout au monde pour bannir toute espèce de bon sens de sa conversation, elle avait encore une couleur antimonarchique et impie qui n'échappait pas à Mme de Fervaques. Environnée de personnages éminemment moraux, mais qui souvent n'avaient pas une idée par soirée cette dame était profondément frappée de tout ce qui ressemblait à une nouveauté, mais en même temps, elle croyait se devoir à elle-même d'en être offensée. Elle appelait ce défaut, garder l'empreinte de la légèreté du siècle... Mais de tels salons ne sont bons à voir que quand on sollicite. Tout l'ennui de cette vie sans intérêt que menait Julien est sans doute partagé par le lecteur. Ce sont là les landes de notre voyage. Pendant tout le temps usurpé dans la vie de Julien par l'épisode Fervaques, Mlle de La Mole avait besoin de prendre sur elle pour ne pas songer à lui. Son âme était en proie à de violents combats: quelquefois elle se flattait de mépriser ce jeune homme si triste; mais, malgré elle, sa conversation la captivait. Ce qui l'étonnait surtout, c'était sa fausseté parfaite, il ne disait pas un mot à la maréchale qui ne fût un mensonge, ou du moins un déguisement abominable de sa façon de penser, que Mathilde connaissait si parfaitement sur presque tous!es sujets. Ce machiavélisme la frappait. "Quelle profondeur! se disait-elle; quelle différence avec les nigauds emphatiques ou les fripons communs, tels que M. Tanbeau, qui tiennent le même langage!" CHAPITRE XXVTII. MANON LESCAUT 237
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« un roman écrit pour des laquais." Ce mot rendit toute son activité à l'âme de Julien.

"On a voulu me perdre auprès de la maréchale; on lui a dit mon enthousiasme pour Napoléon.

Ce fait l'a assez piquée pour qu'elle cède à la tentation de me le faire sentir. Cette découverte l'amusa toute la soirée, et le rendit amusant.

Comme il prenait congé de la maréchale sous le vestibule de l'Opéra: \24Souvenez-vous, monsieur, lui dit-elle, qu'il ne faut pas aimer Bonaparte quand on m'aime; on peut tout au plus l'accepter comme une nécessité imposée par la Providence.

Du reste, cet homme n'avait pas l'âme assez flexible pour sentir les chefs-d'oeuvre des arts. "Quand on m'aime! se répétait Julien, cela ne veut rien dire, ou veut tout dire.

Voilà des secrets de langage qui manquent à nos pauvres provinciaux.

"Et il songea beaucoup à Mme de Rênal, en copiant une lettre immense destinée à la maréchale. \24Comment se fait-il, lui dit-elle le lendemain d'un air d'indifférence qu'il trouva mal joué, que vous me parliez de Londres et de Richemond dans une lettre que vous avez écrite hier soir, à ce qu'il semble, au sortir de l'Opéra? Julien fut très embarrassé, il avait copié ligne par ligne, sans songer à ce qu'il écrivait, et apparemment avait oublié de substituer aux mots Londres et Richemond, qui se trouvaient dans l'original, ceux de Paris et Saint-Cloud II commença deux ou trois phrases, mais sans possibilité de les achever il se sentait sur le point de céder au rire fou.

Enfin en cherchant ses mots il parvint à cette idée: "Exalté par la discussion des plus sublimes, des plus grands intérêts de l'âme humaine, la mienne, en vous écrivant, a pu avoir une distraction. "Je produis une impression se dit-il donc je puis m'épargner l'ennui du reste dé la soirée.

"Il sortit en courant de l'hôtel de Fervaques.

Le soir, en revoyant l'original de la lettre par lui copiée la veille, il arriva bien vite à l'endroit fatal où le jeune Russe parlait de Londres et de Richemond.

Julien fut bien étonné de trouver cette lettre presque tendre. C'était le contraste de l'apparente légèreté de ses propos, avec la profondeur sublime et presque apocalyptique de ses lettres qui l'avait fait distinguer.

La longueur des phrases plaisait surtout à la maréchale; ce n'est pas là ce style sautillant mis à la mode par Voltaire, cet homme immoral! Quoique notre héros fît tout au monde pour bannir toute espèce de bon sens de sa conversation, elle avait encore une couleur antimonarchique et impie qui n'échappait pas à Mme de Fervaques.

Environnée de personnages éminemment moraux, mais qui souvent n'avaient pas une idée par soirée cette dame était profondément frappée de tout ce qui ressemblait à une nouveauté, mais en même temps, elle croyait se devoir à elle-même d'en être offensée.

Elle appelait ce défaut, garder l'empreinte de la légèreté du siècle... Mais de tels salons ne sont bons à voir que quand on sollicite.

Tout l'ennui de cette vie sans intérêt que menait Julien est sans doute partagé par le lecteur.

Ce sont là les landes de notre voyage. Pendant tout le temps usurpé dans la vie de Julien par l'épisode Fervaques, Mlle de La Mole avait besoin de prendre sur elle pour ne pas songer à lui.

Son âme était en proie à de violents combats: quelquefois elle se flattait de mépriser ce jeune homme si triste; mais, malgré elle, sa conversation la captivait.

Ce qui l'étonnait surtout, c'était sa fausseté parfaite, il ne disait pas un mot à la maréchale qui ne fût un mensonge, ou du moins un déguisement abominable de sa façon de penser, que Mathilde connaissait si parfaitement sur presque tous!es sujets.

Ce machiavélisme la frappait.

"Quelle profondeur! se disait-elle; quelle différence avec les nigauds emphatiques ou les fripons communs, tels que M.

Tanbeau, qui tiennent le même langage!" Le Rouge et Le Noir CHAPITRE XXVTII.

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