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Le saint se prit à rire de Zarathoustra et parla ainsi : « Tâche alors de leur faire accepter les trésors.

Publié le 30/10/2013

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Le saint se prit à rire de Zarathoustra et parla ainsi : « Tâche alors de leur faire accepter les trésors. Ils se méfient des solitaires et ne croient pas que nous venions pour donner. À leurs oreilles les pas du solitaire retentissent trop étrangement à travers les rues. Défiants comme si la nuit, couchés dans leurs lits, ils entendaient marcher un homme, longtemps avant de lever du soleil, ils se demandent peut-être : Où se glisse ce voleur ? Ne vas pas auprès des hommes, reste dans la forêt ! Retourne plutôt auprès des bêtes ! Pourquoi ne veux-tu pas être comme moi, - ours parmi les ours, oiseau parmi les oiseaux ? « « Et que fait le saint dans les bois ? « demanda Zarathoustra. Le saint répondit : « Je compose des chants et je les chante, et quand je fais des chants, je ris, je pleure et je murmure : c'est ainsi que je loue Dieu. Avec des chants, des pleurs, des rires et des murmures, je rends grâce à Dieu qui est mon Dieu. Cependant quel présent nous apportes-tu ? « Lorsque Zarathoustra eut entendu ces paroles, il salua le saint et lui dit : « Qu'aurais-je à vous donner ? Mais laissez-moi partir en hâte, afin que je ne vous prenne rien ! « - Et c'est ainsi qu'ils se séparèrent l'un de l'autre, le vieillard et l'homme, riant comme rient deux petits garçons. Mais quand Zarathoustra fut seul, il parla ainsi à son coeur : « Serait-ce possible ! Ce vieux saint dans sa forêt n'a pas encore entendu dire que Dieu est mort ! «   3. Lorsque Zarathoustra arriva dans la ville voisine qui se trouvait le plus près des bois, il y vit une grande foule rassemblée sur la place publique : car on avait annoncé qu'un danseur de corde allait se montrer. Et Zarathoustra parla au peuple et lui dit : Je vous enseigne le Surhomme.[1] L'homme est quelque chose qui doit être surmonté. Qu'avezvous fait pour le surmonter ? Tous les êtres jusqu'à présent ont créé quelque chose au-dessus d'eux, et vous voulez être le reflux de ce grand flot et plutôt retourner à la bête que de surmonter l'homme ? Qu'est le singe pour l'homme ? Une dérision ou une honte douloureuse. Et c'est ce que doit être l'homme pour le surhomme : une dérision ou une honte douloureuse. Vous avez tracé le chemin qui va du ver jusqu'à l'homme et il vous est resté beaucoup du ver de terre. Autrefois vous étiez singe et maintenant encore l'homme est plus singe qu'un singe. Mais le plus sage d'entre vous n'est lui-même qu'une chose disparate, hybride fait d'une plante et d'un fantôme. Cependant vous ai-je dit de devenir fantôme ou plante ? Voici, je vous enseigne le Surhomme ! Le Surhomme est le sens de la terre. Que votre volonté dise : que le Surhomme soit le sens de la terre. Je vous en conjure, mes frères, restez fidèles à la terre et ne croyez pas ceux qui vous parlent d'espoirs supraterrestres ! Ce sont des empoisonneurs, qu'ils le sachent ou non. Ce sont des contempteurs de la vie, des moribonds et des empoisonnés eux-mêmes, de ceux dont la terre est fatiguée : qu'ils s'en aillent donc ! Autrefois le blasphème envers Dieu était le plus grand blasphème, mais Dieu est mort et avec lui sont morts ses blasphémateurs. Ce qu'il y a de plus terrible maintenant, c'est de blasphémer la terre et d'estimer les entrailles de l'impénétrable plus que le sens de la terre ! Jadis l'âme regardait le corps avec dédain, et rien alors n'était plus haut que ce dédain : elle le voulait maigre, hideux, affamé ! C'est ainsi qu'elle pensait lui échapper, à lui et à la terre ! Oh ! Cette âme était elle-même encore maigre, hideuse et affamée : et pour elle la cruauté était une volupté ! Mais, vous aussi, mes frères, dites-moi : votre corps, qu'annonce-t-il de votre âme ? Votre âme n'est-elle pas pauvreté, ordure et pitoyable contentement de soi-même ? En vérité, l'homme est un fleuve impur. Il faut être devenu océan pour pouvoir, sans se salir, recevoir un fleuve impur. Voici, je vous enseigne le Surhomme : il est cet océan ; en lui peut s'abîmer votre grand mépris. Que peut-il vous arriver de plus sublime ? C'est l'heure du grand mépris. L'heure où votre bonheur même se tourne en dégoût, tout comme votre raison et votre vertu. L'heure où vous dites : « Qu'importe mon bonheur ! Il est pauvreté, ordure et pitoyable contentement de soi-même. Mais mon bonheur devrait légitimer l'existence elle-même ! « L'heure où vous dites : « Qu'importe ma raison ? Est-elle avide de science, comme le lion de nourriture ? Elle est pauvreté, ordure et pitoyable contentement de soi-même ! « L'heure où vous dites : « Qu'importe ma vertu ! Elle ne m'a pas encore fait délirer. Que je suis fatigué de mon bien et de mon mal ! Tout cela est pauvreté, ordure et pitoyable contentement de soi-même. « L'heure où vous dites : « Qu'importe ma justice ! Je ne vois pas que je sois charbon ardent. Mais le juste est charbon ardent ! « L'heure où vous dites : « Qu'importe ma pitié ! La pitié n'est-elle pas la croix où l'on cloue celui qui aime les hommes ? Mais ma pitié n'est pas une crucifixion. « Avez-vous déjà parlé ainsi ? Avez-vous déjà crié ainsi ? Hélas, que ne vous ai-je déjà entendus crier ainsi ! Ce ne sont pas vos péchés - c'est votre contentement qui crie contre le ciel, c'est votre avarice, même dans vos péchés, qui crie contre le ciel ! Où donc est l'éclair qui vous léchera de sa langue ? Où est la folie qu'il faudrait vous inoculer ? Voici, je vous enseigne le Surhomme : il est cet éclair, il est cette folie ! Quand Zarathoustra eut parlé ainsi, quelqu'un de la foule s'écria : « Nous avons assez entendu parler du danseur de corde ; faites-nous-le voir maintenant ! « Et tout le peuple rit de Zarathoustra. Mais le danseur de corde qui croyait que l'on avait parlé de lui se mit à l'ouvrage.   4. Zarathoustra, cependant, regardait le peuple et s'étonnait. Puis il dit : L'homme est une corde tendue entre la bête et le Surhomme, - une corde sur l'abîme. Il est dangereux de passer de l'autre côté, dangereux de rester en route, dangereux de regarder en arrière - frisson et arrêt dangereux. Ce qu'il y a de grand dans l'homme, c'est qu'il est un pont et non un but : ce que l'on peut aimer en l'homme, c'est qu'il est un passage et un déclin. J'aime ceux qui ne savent vivre autrement que pour disparaître, car ils passent au delà. J'aime les grands contempteurs, parce qu'ils sont les grands adorateurs, les flèches du désir vers l'autre rive. J'aime ceux qui ne cherchent pas, derrière les étoiles, une raison pour périr ou pour s'offrir en sacrifice ; mais ceux qui se sacrifient à la terre, pour qu'un jour la terre appartienne au Surhomme. J'aime celui qui vit pour connaître et qui veut connaître afin qu'un jour vive le Surhomme. Car c'est ainsi qu'il veut son propre déclin. J'aime celui qui travaille et invente, pour bâtir une demeure au Surhomme, pour préparer à sa venue la terre, les bêtes et les plantes : car c'est ainsi qu'il veut son propre déclin. J'aime celui qui aime sa vertu : car la vertu est une volonté de déclin, et une flèche de désir. J'aime celui qui ne réserve pour lui-même aucune parcelle de son esprit, mais qui veut être tout entier l'esprit de sa vertu : car c'est ainsi qu'en esprit il traverse le pont. J'aime celui qui fait de sa vertu son penchant et sa destinée : car c'est ainsi qu'à cause de sa vertu il voudra vivre encore et ne plus vivre. J'aime celui qui ne veut pas avoir trop de vertus. Il y a plus de vertus en une vertu qu'en deux vertus, c'est un noeud où s'accroche la destinée. J'aime celui dont l'âme se dépense, celui qui ne veut pas qu'on lui dise merci et qui ne restitue point : car il donne toujours et ne veut point se conserver. J'aime celui qui a honte de voir le dé tomber en sa faveur et qui demande alors : suis-je donc un faux joueur ? - car il veut périr. J'aime celui qui jette des paroles d'or au-devant de ses oeuvres et qui tient toujours plus qu'il ne promet : car il veut son déclin. J'aime celui qui justifie ceux de l'avenir et qui délivre ceux du passé, car il veut que ceux d'aujourd'hui le fassent périr. J'aime celui qui châtie son Dieu, parce qu'il aime son Dieu : car il faut que la colère de son Dieu le fasse périr. J'aime celui dont l'âme est profonde, même dans la blessure, celui qu'une petite aventure peut faire périr : car ainsi, sans hésitation, il passera le pont. J'aime celui dont l'âme déborde au point qu'il s'oublie lui-même, et que toutes choses soient en lui : ainsi toutes choses deviendront son déclin. J'aime celui qui est libre de coeur et d'esprit : ainsi sa tête ne sert que d'entrailles à son coeur, mais son coeur l'entraîne au déclin. J'aime tous ceux qui sont comme de lourdes gouttes qui tombent une à une du sombre nuage suspendu sur les hommes : elles annoncent l'éclair qui vient, et disparaissent en visionnaires. Voici, je suis un visionnaire de la foudre, une lourde goutte qui tombe de la nue : mais cette foudre s'appelle le Surhomme.   5. Quand Zarathoustra eut dit ces mots, il considéra de nouveau le peuple et se tut, puis il dit à son coeur : « Les voilà qui se mettent à rire ; ils ne me comprennent point, je ne suis pas la bouche qu'il faut à ces oreilles. Faut-il d'abord leur briser les oreilles, afin qu'ils apprennent à entendre avec les yeux ? Faut-il faire du tapage comme les cymbales et les prédicateurs de carême ? Ou n'ont-ils foi que dans les bègues ? Ils ont quelque chose dont ils sont fiers. Comment nomment-ils donc ce dont ils sont fiers ? Ils le nomment civilisation, c'est ce qui les distingue des chevriers. C'est pourquoi ils n'aiment pas, quand on parle d'eux, entendre le mot de « mépris «. Je parlerai donc à leur fierté. Je vais donc leur parler de ce qu'il y a de plus méprisable : je veux dire le dernier homme. « Et ainsi Zarathoustra se mit à parler au peuple : Il est temps que l'homme se fixe à lui-même son but. Il est temps que l'homme plante le germe de sa plus haute espérance. Maintenant son sol est encore assez riche. Mais ce sol un jour sera pauvre et stérile et aucun grand arbre ne pourra plus y croître. Malheur ! Les temps sont proches où l'homme ne jettera plus par-dessus les hommes la flèche de son désir, où les cordes de son arc ne sauront plus vibrer ! Je vous le dis : il faut porter encore en soi un chaos, pour pouvoir mettre au monde une étoile dansante. Je vous le dis : vous portez en vous un chaos. Malheur ! Les temps son proches où l'homme ne mettra plus d'étoile au monde. Malheur ! Les temps sont proches du plus méprisable des hommes, qui ne sait plus se mépriser lui-même. Voici ! Je vous montre le dernier homme. « Amour ? Création ? Désir ? Étoile ? Qu'est cela ? « - Ainsi demande le dernier homme et il cligne de l'oeil. La terre sera alors devenue plus petite, et sur elle sautillera le dernier homme, qui rapetisse

« En vérité, l’homme estunfleuve impur.

Ilfaut être devenu océanpourpouvoir, sanssesalir, recevoir unfleuve impur. Voici, jevous enseigne leSurhomme : ilest cet océan ; enluipeut s’abîmer votregrand mépris. Que peut-il vousarriver deplus sublime ? C’estl’heure dugrand mépris.

L’heure oùvotre bonheur mêmesetourne endégoût, toutcomme votreraison etvotre vertu. L’heure oùvous dites : « Qu’importe monbonheur ! Ilest pauvreté, ordureetpitoyable contentement desoi-même.

Maismonbonheur devraitlégitimer l’existence elle-même ! » L’heure oùvous dites : « Qu’importe maraison ? Est-elleavidedescience, commelelion de nourriture ? Elleestpauvreté, ordureetpitoyable contentement desoi-même ! » L’heure oùvous dites : « Qu’importe mavertu ! Ellenem’a pasencore faitdélirer.

Quejesuis fatigué demon bienetde mon mal ! Toutcelaestpauvreté, ordureetpitoyable contentement de soi-même. » L’heure oùvous dites : « Qu’importe majustice ! Jene vois pasque jesois charbon ardent.Mais le juste estcharbon ardent ! » L’heure oùvous dites : « Qu’importe mapitié ! Lapitié n’est-elle paslacroix oùl’on cloue celui qui aime leshommes ? Maismapitié n’est pasune crucifixion. » Avez-vous déjàparlé ainsi ? Avez-vous déjàcriéainsi ? Hélas,quenevous ai-jedéjàentendus crier ainsi ! Ce nesont pasvospéchés –c’est votre contentement quicrie contre leciel, c’est votre avarice, même dansvospéchés, quicrie contre leciel ! Où donc estl’éclair quivous léchera desalangue ? Oùest lafolie qu’ilfaudrait vousinoculer ? Voici, jevous enseigne leSurhomme : ilest cet éclair, ilest cette folie ! Quand Zarathoustra eutparlé ainsi, quelqu’un delafoule s’écria : « Nousavonsassezentendu parler dudanseur decorde ; faites-nous-le voirmaintenant ! » Ettout lepeuple ritde Zarathoustra.

Maisledanseur decorde quicroyait quel’onavait parlé deluisemit àl’ouvrage.   4. Zarathoustra, cependant,regardaitlepeuple ets’étonnait.

Puisildit : L’homme estune corde tendue entrelabête etleSurhomme, –une corde surl’abîme. Il est dangereux depasser del’autre côté,dangereux derester enroute, dangereux deregarder en arrière –frisson etarrêt dangereux. Ce qu’il ya de grand dansl’homme, c’estqu’ilestunpont etnon unbut : ceque l’onpeut aimer enl’homme, c’estqu’ilestun passage et un déclin . J’aime ceuxquinesavent vivreautrement quepour disparaître, carilspassent audelà. J’aime lesgrands contempteurs, parcequ’ilssontlesgrands adorateurs, lesflèches dudésir vers l’autre rive. J’aime ceuxquinecherchent pas,derrière lesétoiles, uneraison pourpérir oupour s’offrir en sacrifice ; maisceuxquisesacrifient àla terre, pourqu’un jourlaterre appartienne au Surhomme.

J’aime celuiquivitpour connaître etqui veut connaître afinqu’un jourviveleSurhomme.

Car c’est ainsiqu’ilveut sonpropre déclin. J’aime celuiquitravaille etinvente, pourbâtirunedemeure auSurhomme, pourpréparer àsa venue laterre, lesbêtes etles plantes : carc’est ainsiqu’ilveut sonpropre déclin. J’aime celuiquiaime savertu : carlavertu estune volonté dedéclin, etune flèche dedésir. J’aime celuiquineréserve pourlui-même aucuneparcelle deson esprit, maisquiveut êtretout entier l’esprit desavertu : carc’est ainsiqu’en esprit iltraverse lepont. J’aime celuiquifait desavertu sonpenchant etsa destinée : carc’est ainsiqu’àcause desa vertu ilvoudra vivreencore etne plus vivre. J’aime celuiquineveut pasavoir tropdevertus.

Ilya plus devertus enune vertu qu’en deux. »

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