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LES LIVRES. Augustin Thierry.

Publié le 08/07/2011

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augustin

Augustin Thierry (1795-1856) écrit ceci en 1834, en Préface à son livre Dix ans d'Etudes historiques ; depuis 1826, il est malade et presque aveugle.

 

Le catalogue des livres que je devais lire et extraire était énorme ; et, comme je n'en pouvais avoir à ma disposition qu'un très petit nombre, il me fallait aller chercher le reste dans les bibliothèques publiques. Au plus fort de l'hiver, je faisais de longues séances dans les galeries glaciales de la rue de Richelieu , et plus tard, sous le soleil d'été, je courais dans un même jour, de Sainte-Geneviève  à l'Arsenal, et de l'Arsenal à l'Institut dont la bibliothèque, par une faveur exceptionnelle, restait ouverte jusqu'à près de cinq heures. Les semaines et les mois s'écoulaient rapidement pour moi, au milieu de ces recherches préparatoires, où ne se rencontrent ni les épines, ni les découragements de la rédaction ; où l'esprit planant en liberté au-dessus des matériaux qu'il rassemble, compose et recompose à sa guise, et construit d'un souffle le modèle idéal de l'édifice que, plus tard, il faudra bâtir pièce par pièce, lentement et laborieusement. En promenant ma pensée à travers ces milliers de faits épars dans des centaines de volumes, et qui me présentaient pour ainsi dire à nu les temps et les hommes que je voulais peindre, je ressentais quelque chose de l'émotion qu'éprouve un voyageur passionné à l'aspect du pays qu'il a longtemps souhaité de voir et que souvent lui ont montré ses rêves. A force de dévorer les longues pages in-folio, pour en extraire une phrase et quelquefois un mot entre mille, mes yeux acquirent une faculté qui m'étonna et dont il m'est impossible de me rendre compte, celle de lire, en quelque sorte, par intuition et de rencontrer presque immédiatement le passage qui devait m'intéresser. La force vitale semblait se porter tout entière vers un seul point. Dans l'espèce d'extase qui m'absorbait intérieurement, pendant que ma main feuilletait le volume ou prenait des notes, je n'avais aucune conscience de ce qui se passait autour de moi. La table où j'étais assis se garnissait et se dégarnissait de travailleurs ; les employés de la bibliothèque ou les curieux allaient et venaient par la salle ; je n'entendais rien, je ne voyais rien, je ne voyais que les apparitions évoquées en moi par ma lecture. 

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