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Les sept femmes de la Barbe-Bleue et autres contes merveilleux n'y pense jamais et vous en parlez toujours.

Publié le 11/04/2014

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Les sept femmes de la Barbe-Bleue et autres contes merveilleux n'y pense jamais et vous en parlez toujours. M. de Boulingrin aimait tendrement madame la duchesse de Cicogne, femme de l'ambassadeur à Vienne, première dame de la reine, qui appartenait a la plus haute aristocratie du royaume, femme d'esprit, un peu sèche, un peu regardante et qui perdait au pharaon ses revenus, ses terres et sa chemise. Elle avait des bontés pour M. de Boulingrin et ne se refusait pas à un commerce auquel elle n'était point portée par tempérament, mais qu'elle estimait convenable à son rang et utile a ses intérêts. Leur liaison était formée avec un art qui révélait leur bon goût et l'élégance des moeurs régnantes ; cette liaison s'avouait, dépouillant par son aveu toute basse hypocrisie, et se montrait en même temps si réservée, que les plus sévères n'y voyaient rien à redire. Pendant le temps que la duchesse passait chaque année sur ses terres, M. de Boulingrin logeait dans un vieux pigeonnier séparé du château de son amie par un chemin creux qui longeait une mare où les grenouilles jetaient, la nuit, dans les joncs, leurs cris assidus. Or, un soir, tandis que les derniers reflets du soleil teignaient d'une couleur de sang les eaux croupies, le secrétaire d'État aux Finances vit, au carrefour du chemin, trois jeunes fées qui dansaient en rond et chantaient: Trois filles dedans un pré... Mon coeur vole. Mon coeur vole, Mon coeur vole à votre gré. Elles l'enfermèrent dans leur ronde et agitèrent vivement autour de lui leurs formes minces et légères. Leurs visages, dans le crépuscule, étaient obscurs et limpides ; leurs chevelures brillaient comme des feux follets. Elles répétèrent: Trois filles dedans un pré... tant que, étourdi, prêt a tomber, il demanda grâce. Alors la plus belle, ouvrant la ronde ; Mes soeurs, donnez congé a monsieur de Boulingrin qui va-t-au château baiser sa belle. Il passa sans avoir reconnu les fées, maîtresses des destinées, et, quelques pas plus loin, il rencontra trois vieilles besacières qui marchaient toutes courbées sur leurs bâtons et ressemblaient de visage à trois pommes cuites dans les cendres. A travers leurs haillons passaient des os plus recouverts de crasse que de chair. Leurs pieds nus allongeaient démesurément des doigts décharnés, semblables aux osselets d'une queue de boeuf. Du plus loin qu'elles l'aperçurent, elles lui firent des sourires et lui envoyèrent des baisers ; elles l'arrêtèrent au passage j l'appelèrent leur mignon, leur amour, leur coeur, le couvrirent de caresses auxquelles il ne pouvait échapper, car, au premier mouvement qu'il faisait pour fuir, elles lui enfonçaient dans la chair les crochets aigus qui terminaient leurs mains. Qu'il est beau ! qu'il est joli ! soupiraient elles. Avec une longue frénésie elles le sollicitent à les aimer. Puis, voyant qu'elles ne parviennent point à ranimer ses sens glacés d'horreur, elles l'accablent d'invectives, le frappent à coups redoublés de leurs béquilles, le renversent à terre, le foulent aux pieds et, quand il est accablé, brisé, moulu, perclus de tous ses membres, la plus jeune, qui a bien quatre-vingts ans, s'accroupit sur lui, se trousse et l'arrose d'un liquide infect. Il en est aux trois quarts suffoqué ; et tout aussitôt les deux autres, remplaçant la première, inondent le mal heureux - III - 29 Les sept femmes de la Barbe-Bleue et autres contes merveilleux gentilhomme d'une eau tout aussi puante. Enfin toutes trois s'éloignent en le saluant d'un « Bonsoir, mon Endymion ! Au revoir, mon Adonis ! Adieu, beau Narcisse ! » et le laissent évanoui, Quand il reprit ses sens, un crapaud, près de lui, filait délicieusement des sons de flûte et une nuée de moustiques dansait devant la lune. Il se releva à très grand'peine et acheva en boitant sa course. Cette fois encore, M. da Boulingrin avait méconnu les fées, maîtresses des destinées. La duchesse de Cicogne l'attendait avec impatience. Vous venez bien tard, mon ami. Il lui répondit, en lui baisant les doigts, qu'elle était bien aimable de le lui reprocher. Et il s'excusa sur ce qu'il avait été un peu souffrant. Boulingrin, lui dit elle, asseyez-vous là. Et elle lui confia qu'elle consentirait volontiers à recevoir de la cassette royale Un don de deux mille écus, propre à corriger les injures du sort à son égard, le pharaon lui ayant été depuis six mois terriblement contraire. Sur l'avis que la chose pressait, Boulingrin écrivit aussitôt à M. de la Rochecoupée pour lui demander la Homme d'argent nécessaire. La Rochecoupée se fera une joie de vous l'obtenir, dit-il. Il est obligeant et se plaît à servir ses amis. J'ajouterai qu'on lui reconnaît plus de talents qu'on n'en voit d'ordinaire aux favoris des princes. Il a le goût et l'intelligence des affaires ; mais il manque de philosophie. Il croit aux fées, sur le témoignage de ses sens. Boulingrin, dit la duchesse, vous puez le pissat de chat. -IV- Dix-sept ans, jour pour jour, s'étaient écoulés depuis l'arrêt des fées. La dauphine était belle comme un astre. Le roi et la reine habitaient avec la Cour la résidence agreste des Eaux Perdues. Qu'ai-je le besoin de conter ce qu'il advint alors? On sait comment la princesse Aurore, courant un jour dans le château, alla jusqu'au faîte d'un donjon où, dans un galetas, une bonne vieille, seulette, filait sa quenouille. Elle n'avait pas entendu parler des défenses que le roi avait faites de filer au fuseau. Que faites-vous là, ma bonne femme? demanda la princesse. Je file, ma belle enfant, lui répondit la vieille, qui ne la connaissait pas. Ah ! que cela est joli ! reprit la dauphine. Comment faites-vous? Donnez-moi, que je voie si j'en ferais bien autant. Elle n'eut pas plutôt pris le fuseau qu'elle s'en perça la main et tomba évanouie. (Contes de Perrault, édition André Lefèvre, p. 86.) Le roi Cloche, averti que l'arrêt des fées était accompli, fit mettre la princesse endormie dans la chambre bleue, sur un lit d'azur brodé d'argent. -IV- 30

« gentilhomme d'une eau tout aussi puante.

Enfin toutes trois s'éloignent en le saluant d'un « Bonsoir, mon Endymion ! Au revoir, mon Adonis ! Adieu, beau Narcisse ! » et le laissent évanoui, Quand il reprit ses sens, un crapaud, près de lui, filait délicieusement des sons de flûte et une nuée de moustiques dansait devant la lune.

Il se releva à très grand'peine et acheva en boitant sa course. Cette fois encore, M.

da Boulingrin avait méconnu les fées, maîtresses des destinées. La duchesse de Cicogne l'attendait avec impatience. \24 Vous venez bien tard, mon ami. Il lui répondit, en lui baisant les doigts, qu'elle était bien aimable de le lui reprocher.

Et il s'excusa sur ce qu'il avait été un peu souffrant. \24 Boulingrin, lui dit elle, asseyez-vous là. Et elle lui confia qu'elle consentirait volontiers à recevoir de la cassette royale Un don de deux mille écus, propre à corriger les injures du sort à son égard, le pharaon lui ayant été depuis six mois terriblement contraire. Sur l'avis que la chose pressait, Boulingrin écrivit aussitôt à M.

de la Rochecoupée pour lui demander la Homme d'argent nécessaire. La Rochecoupée se fera une joie de vous l'obtenir, dit-il.

Il est obligeant et se plaît à servir ses amis. J'ajouterai qu'on lui reconnaît plus de talents qu'on n'en voit d'ordinaire aux favoris des princes.

Il a le goût et l'intelligence des affaires ; mais il manque de philosophie.

Il croit aux fées, sur le témoignage de ses sens. \24 Boulingrin, dit la duchesse, vous puez le pissat de chat. \24-IV\24- Dix-sept ans, jour pour jour, s'étaient écoulés depuis l'arrêt des fées.

La dauphine était belle comme un astre. Le roi et la reine habitaient avec la Cour la résidence agreste des Eaux Perdues.

Qu'ai-je le besoin de conter ce qu'il advint alors? On sait comment la princesse Aurore, courant un jour dans le château, alla jusqu'au faîte d'un donjon où, dans un galetas, une bonne vieille, seulette, filait sa quenouille.

Elle n'avait pas entendu parler des défenses que le roi avait faites de filer au fuseau. \24 Que faites-vous là, ma bonne femme? demanda la princesse. \24 Je file, ma belle enfant, lui répondit la vieille, qui ne la connaissait pas. \24 Ah ! que cela est joli ! reprit la dauphine.

Comment faites-vous? Donnez-moi, que je voie si j'en ferais bien autant. Elle n'eut pas plutôt pris le fuseau qu'elle s'en perça la main et tomba évanouie.

(Contes de Perrault, édition André Lefèvre, p.

86.) Le roi Cloche, averti que l'arrêt des fées était accompli, fit mettre la princesse endormie dans la chambre bleue, sur un lit d'azur brodé d'argent.

Les sept femmes de la Barbe-Bleue et autres contes merveilleux \24-IV\24- 30. »

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