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L'étrange Lewis Carroll

Publié le 30/11/2011

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On a beau faire, ce pasteur anglican qui s'appelait, à l'état-civil, Charles Dodgson et qui avait ses entrées au Christ Church College d'Oxford, ne cessa pas d'étonner, surtout quand, pour les besoins de la cause, il change de nom et se fait appeler sur la couverture des livres qu'il publlie, Lewis Carroll. Le derni.er ouvrage de lui traduit en français, et très bien traduit par Henri Parisot, chez Flammarion, est un recueil de Lettres adressées à des petites filles... Il y a évidemment quelque chose d'ingénu et, à la fois, de douteux dans cette littérature épistolaire dont on ne sait trop si l'auteur s'amusait à ses dépens ou aux dépens des demoiselles fort jeunes à qui il écrivait. Car il écrivait beaucoup. Il invitait aussi beaucoup chez lui ces jeunes personnes, qui n 'avaient pas dix ans, pour jouer, prendre le thé, et les photographiait. Dans le plus simple appareil eu général. Tout cela laisse rêveur.

« LITTERATURE RUSSE Un veau appelé Soljenitsyne Le dernier livre de Soljenitsyne paru en France porte un titre emprunté à un prover­ be russe, Le chêne et le veau (traduit du russe par René Marichal , aux éditions du Seuil).

« Le veau voulait déraciner le chêne », dit le proverbe.

Autrement dit , la volonté de l'ani­ mal se heurtait à une force autrement plus grande qu.e la sienne.

C'est ce qui arrive à l'écri ,vain qui a osé, pendant une dizaine d'an­ nées, se dresser contre un système qu'i'i n'a -p­ prouvait pas tout en étant pourtant profon­ dément communiste.

C'est le drame de cet homme qui aurait voulu que son pays fût au­ trement qu'il n'est et qui n'a pas -hésité, pour le dire, à provoquer les autorités et à se faire chasser, après être devenu la bête noire des autres écrivains.

On dira que c'est de la litté­ rature politique, ct cela énerve beaucoup de gens p our qui l'écrivain, avec tout son talent, est d'abord un polémiste.

Après tout, il fait de l' « anti-soviétis-me » autant que de la littérature, et, à cause de cela, toute une par­ tie de l'opinion se trouv .c en o ,pposition avec lui.

Tout est dénonciation dans ses textes, et, dans le monde qui est le nôtre, cette dénonciation provoque une séparation très nette des lecteurs.

Il y a ceux qui trouvent des arguments dans les pages de l'auteur du Goulag comme ils vont en trouver dans celle du Chêne et du veau; il y a aussi ceux qui n'admettent pas qu'on remet­ te en cause ce qui existe en URSS.

Le débat est faussé au départ.

Et Soljenitsyne le sait bien, lui qui écrit à propos du personnage qui est au centre de son livre, Tvardovsky, poète déchiré : « Présider aux destinées de la littéra­ ture russe, lui apporter son appui, il n'aurait pu le faire sans la carte du parti, sans êtr e loyal.

Comme de l'air que l'on respire, il avait besoin que ces deux vérités, loin de diverger , se confondissent...

» Le drame de l'écrivain exi­ lé, c'.est qu'i.J ne peut plus être aujourd'hui un écrivain comme un autre.

Il est So>ljenitsyne et, quoi qu'il tente, il y aura toujours dans ce qu'il écrira, une part qui bloquera l'opinion et une part qui donnera des arguments aux adversaires du régime soviétique.

Soljenitsyne ne peut plus espérer être un écrivain normal.

Il est condamné à vivre, jusqu'au bout, son personnage.

C'est dommage, au fond, quand on pense à ses premiers livres, à Ivan Denis­ sovitch, au Premier Cercle, au Pavillon des cancéreux, à Août 1914, où il échappait encore à sa légende.

Soljenitsyne est désormais la victime -de son succès.

L'exilé va devoir vivre son exil.

C'est d'autant plus pénible pour lui qu'il n'a p11.s choisi de partir.

C'est ce qui fait le tragique humain de son dernier livre.

Mais le public risque de se lasser de ce qui est de­ venu, chez lui, un.e « image de marque ».

Ce n'est pas Soljenitsyne d'ailleurs qui est responsa-ble de ceUe-ci , mais son ,pays et le monde actuel.

LITTERATURE JAPONAISE Le monde de l'estampe Si l'estampe japonaise a eu une célébrili malsaine dans nos société s occidentales, c'est qu'on en saisissait mal la signification.

La collection « Connaissance de l'Orient », publiée par Gallimard devrait aider à en cOOllpren-dre la troublante réalité avec la traduction d'un des romans qui -éclairent peut-être le mieux l'âme japonaise du xv11• siècle, et qui est justement celui où fleurit l'imagerie galante.

C'est la Vie d'un e· amie de la volupté, œuvre d'un des grands auteurs nippons de !'·époque de Saikaku .

C'est l'histoire de la déchéance d'une femme, victime de son temps et du temps, victime du milieu oit elle vit, victime d'elle-même.

C'est sa volupté, naturellement, qui la tue.

Concubine d'un seigneur qui est décapité, elle doit conti­ nuer à vivre en se prostituant et atteint ainsi à la pire misère mora ,Je en quémandant sa clientèle dans les bas-quartiers d'Osaka.

Le sujet est fréquent alors dans les romans comme au théâtre où le contemporain de Saikaku , Chikamatsu, le met en scène avec une emphase lyrique qui subsiste, même dans les traduc­ tions.

Ici , l'emphase est a-bsente.

Le roman se développe comme une .~orte de réquisitoire, dans un style linéaire et presque froid.

Et c'est bien d'un réquisitoire qu'i •l s'agit, d'une défense et d'une illustration de la condition féminine dans l'ancien Japon où les femmes , d'abord soumises à la volonté paternelle passaient ensuite sous la tutelle de lem· époux sans jamais disposer d'elJes-mêmes.

Ob­ jets voués à_ l'h omme, eJ.les n'avaient pas •le droit à la passio n, ou bien alors , c'était pour elles le couvent ou la mort.

D'où l'aura quasi­ mystique de la passion dans cette littérature, puisque la passion est liberté.

Par elle, la femme peut se conduire en hom ·me, vivre pour elle­ même.

Le drame, c'est que cela n'est pos sible que dans la prostitution, c'est -à-dire dans un autr .

e esclavage .

L'estampe raconte la vie quo ­ tidienne de ces femmes et -de ceux qui les fréquentent; la crudité des détails importe peu en comparaison de leur contenu socia l et moral.

EJ>l.e sont, comme le beau roman de Saikaku un a-dmirable hymne à la femme , à sa beauté, ·à sa douceur.

On entre dan s le domaine du rêve et, pourrait-on dire, de la pureté.

Pureté im­ possible! Il y a dans le livre des scènes hallu­ cinantes où l'on voit de vieilles prostituées ap­ peler les pas sants en faisant chanter auprès d'eJ.Ies des jeunes gens à la p.eau douce .

L'am­ biguïté de ces jeux, qu'on trouve aùssi au thé­ âtre, pourrait choquer.

Mais Saikaku en fait l'expression d'une révolte toujours étouffée, et son héroïne, vieille et repoussante, qui fait le récit de sa propre histoire , s'exprime dans un langage si savoureux, un réali sme si dru, - en homme, si on veut, que cette autobiograp -hie romanesque devient un récit picaresque, fort en couleurs, traversé d'une foule pittoresque et où on sent la >pulsation de la vie.

Ce chef­ d'œuvre méritait la traduction.. »

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