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L'humanité se fait dans la conscience d'un tout en évolution

Publié le 21/02/2012

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conscience

Humanité. Telle est la première figure sous laquelle, à l’instant même où il s’éveillait à l’idée de Progrès, l’Homme moderne dut chercher à concilier, avec les perspectives de sa mort individuelle inévitable, les espérances d'avenir illimité dont il ne pouvait plus se passer. Humanité : entité d’abord vague, éprouvée plus que raisonnée, où un sens obscur de permanente croissance s’alliait avec un besoin d’universelle fraternité. Humanité : objet d’une foi souvent naïve, mais dont la magie, plus forte que toutes vicissitudes et toutes cri­tiques, continue à ag r avec la même force de séduction aussi bien sur l’âme des masses actuelles que sur les cerveaux de l’« inlelligenzia «. Qu’on participe à son culte, ou qu’on le ridiculise, qui peut, encore aujourd'hui, échapper à la hantise, ou même à l’emprise de l’idée d'Humanité?

Au regard des prophètes du XVIIIe siècle, le monde ne pré­sentait en réalité qu’un ensemble de liaisons confuses et lâches. Et il fallait vraiment la divination d’un croyant pour sentir battre le cœur de cette sorte d’embryon. Or, après moins de deux cents ans, nous voici, presque sans nous en rendre compte, engagés dans la réa­lité, au moins matérielle, de ce que nos pères attendaient.

« Autour de nous, en l’espace de quelques générations, toutes sortes de liens, économiques et culturels se sont noués, qui vont se multipliant en progression géométrique. Maintenant, en plus du pain qui symbolisait, dans sa simplicité, la nourriture d’un Néolithique, tout homme exige, chaque jour, sa ration de fer, de cuivre et de coton,

— sa ration d’électricité, de pétrole et de radium, — sa ration de découvertes« de cinéma et de nouvelles internationales. Ce n’est plus un simple champ, si grand soit-il, — c’est la Terre entière qui est requise pour alimenter chacun d’entre nous. Si les mots ont un sens, n’est-ce pas comme un grand corps qui est en train de naître, — avec ses membres, son système nerveux, ses centres percepteurs, sa mémoire — le corps même de la grande Chose qui devait venir pour combler les aspirations suscitées en l'être réfléchi par la conscience« fraîche acquise, qu’il était solidaire et responsable d’un Tout en évolution? «

(Pierre Teilhard de Chardin. Le Phénomène humain. Editions du Seuil).

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