l'odeur des truffes.
Publié le 15/12/2013
Extrait du document
«
cheveux-là.
Et,dans lesgrandes tournées, lorsquetoustrois, Claude, CadineetMarjolin, rôdaientautourdesHalles, ils
apercevaient, parchaque boutderue, uncoin dugéant defonte.
C’étaient deséchappées brusques,desarchitectures
imprévues, lemême horizon s’offrant sanscesse sousdesaspects divers.Claude seretournait, surtoutrueMontmartre,
après avoirpassé l’église.
Auloin, lesHalles, vuesdebiais, l’enthousiasmaient : unegrande arcade, uneporte haute,
béante, s’ouvrait ; puislespavillons s’entassaient, avecleurs deuxétages detoits, leurspersiennes continues,leursstores
immenses ; oneût ditdes profils demaisons etde palais superposés, unebabylone demétal, d’unelégèreté hindoue,
traversée pardes terrasses suspendues, descouloirs aériens, desponts volants jetéssurlevide.
Ilsrevenaient toujourslà,
à cette villeautour delaquelle ilsflânaient, sanspouvoir laquitter deplus decent pas.Ilsrentraient danslesaprès-midi
tièdes desHalles.
Enhaut, lespersiennes sontfermées, lesstores baissés.
Souslesrues couvertes, l’airs’endort, d’ungris
de cendre coupédebarres jaunes parlestaches desoleil quitombent deslongs vitrails.
Desmurmures adoucissortent
des marchés ; lespas des rares passants affairéssonnent surlestrottoirs ; tandisquedesporteurs, avecleurmédaille,
sont assis àla file sur lesrebords depierre, auxcoins despavillons, ôtantleursgrossouliers, soignant leurspieds
endoloris.
C’estunepaix decolosse aurepos, danslaquelle monteparfois unchant decoq, dufond delacave aux
volailles.
Souventilsallaient alorsvoircharger lespaniers videssurlescamions, qui,chaque après-midi, viennentles
reprendre, pourlesretourner auxexpéditeurs.
Lespaniers étiquetés delettres etde chiffres noirsfaisaient des
montagnes, devantlesmagasins decommission delarue Berger.
Pileparpile, symétriquement, deshommes les
rangeaient.
Maisquand letas, surlecamion, atteignait lahauteur d’unpremier étage,ilfallait quel’homme, restéenbas,
balançant lapile depaniers, prîtunélan pour lajeter àson camarade, perchéenhaut, lesbras enavant.
Claude, qui
aimait laforce etl’adresse, restaitdesheures àsuivre levol deces masses d’osier, riantlorsqu’un élantrop vigoureux les
enlevait, leslançait par-dessus letas, aumilieu delachaussée.
Iladorait aussiletrottoir delarue Rambuteau etcelui de
la rue duPont-Neuf, aucoin dupavillon desfruits, àl’endroit oùsetiennent lesmarchandes aupetit tas.Leslégumes en
plein airleravissaient, surlestables recouvertes dechiffons noirsmouillés.
Àquatre heures, lesoleil allumait toutcecoin
de verdure.
Ilsuivait lesallées, curieux destêtes colorées desmarchandes ; lesjeunes, lescheveux retenusdansunfilet,
déjà brûlées parleur vierude ; lesvieilles, cassées, ratatinées, laface rouge, souslefoulard jaunedeleur marmotte.
Cadine etMarjolin refusaient delesuivre, enreconnaissant deloin lamère Chantemesse quileur montrait lepoing,
furieuse deles voir polissonner ensemble.Illes rejoignait surl’autre trottoir.
Là,àtravers larue, iltrouvait unsuperbe
sujet detableau : lesmarchandes aupetit tassous leurs grands parasols déteints, lesrouges, lesbleus, lesviolets,
attachés àdes bâtons, bossuant lemarché, mettantleursrondeurs vigoureuses dansl’incendie ducouchant quise
mourait surlescarottes etles navets.
Unemarchande, unevieille guenipe
[38] de
cent ans,abritait troissalades maigres sousuneombrelle desoie rose, crevée etlamentable.
Cependant, CadineetMarjolin avaientfaitconnaissance deLéon, l’apprenti charcutier desQuenu-Gradelle, unjour
qu’il portait unetourte danslevoisinage.
Ilslevirent quisoulevait lecouvercle delacasserole, aufond d’unangle obscur
de larue deMondétour, etqui prenait ungodiveau aveclesdoigts, délicatement.
Ilsse sourirent, celaleurdonna une
grande idéedugamin.
Cadine conçutleprojet decontenter enfinunedeses envies lesplus chaudes ; lorsqu’elle
rencontra denouveau lepetit, avecsacasserole, ellefuttrès aimable, ellesefitoffrir ungodiveau, riant,seléchant les
doigts.
Maiselleeutquelque désillusion, ellecroyait quec’était meilleur queça.Lepetit, pourtant, luiparut drôle, touten
blanc comme unefillequivacommunier, lemuseau ruséetgourmand.
Ellel’invita àun déjeuner monstre, qu’elledonna
dans lespaniers delacriée auxbeurres.
Ilss’enfermèrent toustrois, elle,Marjolin etLéon, entrelesquatre mursd’osier,
loin dumonde.
Latable futmise surunlarge panier plat.Ilyavait despoires, desnoix, dufromage blanc,descrevettes,
des pommes deterre frites etdes radis.
Lefromage blancvenait d’unefruitière delarue delaCossonnerie ; c’étaitun
cadeau.
Unfriteur delarue delaGrande-Truanderie avaitvendu àcrédit lesdeux sousdepommes deterre frites.
Le
reste, lespoires, lesnoix, lescrevettes, lesradis, étaitvoléauxquatre coinsdesHalles.
Cefut unrégal exquis.
Léonne
voulut pasrester àcourt d’amabilité, ilrendit ledéjeuner parunsouper, àune heure dumatin, danssachambre.
Ilservit
du boudin froid,desronds desaucisson, unmorceau depetit salé,descornichons etde lagraisse d’oie.Lacharcuterie
des Quenu-Gradelle avaittoutfourni.
Etcela nefinit plus, lessoupers finssuccédèrent auxdéjeuners délicats,les
invitations suivirentlesinvitations.
Troisfoisparsemaine, ilyeut des fêtes intimes dansletrou auxpaniers etdans cette
mansarde, oùFlorent, lesnuits d’insomnie, entendaitdesbruits étouffés demâchoires etdes rires deflageolet jusqu’au
petit jour..
»
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