Fondée en 1143, Lübeck est une ville neuve dont l’essor rapide  s’accélère avec les multiples privilèges qui lui sont concédés. En 1226,  l’empereur Frédéric II étend ses nombreux privilèges en lui reconnaissant la  dignité impériale. Le statut de ville d’Empire donne à Lübeck une prééminence  morale qui, jointe à sa puissance matérielle, la voue à un rôle directeur dans  cette active Europe du Nord. Ville populeuse, dont les marchands sillonnent la  Baltique et la mer du Nord en commerçant, Lübeck devient au milieu du  XIIIe siècle l’initiatrice de la Ligue hanséatique.
Frédéric II octroie le statut de ville d’Empire à Lübeck,  juin 1226
 
« Au nom de la sainte et indivisible Trinité,  Frédéric II, par la faveur et la clémence divines empereur des Romains, toujours  auguste, roi de Jérusalem et de Sicile. Chaque fois que l’excellence de la  majesté impériale tend sa main généreuse vers ses sujets et fidèles et  récompense par des dons convenables ceux qui l’ont si bien mérité, chaque fois  elle les conforte dans la constance de leur fidélité et renforce leur volonté  d’obéissance ainsi que celle des autres fidèles. Nous voulons que soit connu de  tous les fidèles de l’Empire, tant présents qu’à venir, que, en regard de  l’authentique fidélité et de la sincère dévotion dont tous nos bourgeois de  Lübeck ont remarquablement témoigné envers notre altesse, et considérant  également avec attention les excellents services qu’ils nous ont rendus, ayant  toujours eu le souci de faire preuve de leur fidélité envers nous et l’Empire,  fidélité qu’ils pourront désormais exprimer de mieux en mieux, désirant par  conséquent les gratifier généreusement puisqu’ils l’ont si bien mérité, nous  avons concédé et fermement prescrit que la dite cité de Lübeck soit libre à  perpétuité, c’est-à-dire soit cité immédiate et lieu impérial, dépendant  immédiatement de la souveraineté impériale et ne pouvant jamais être séparée de  cette souveraineté immédiate ; nous décidons également que si jamais l’Empire  décide de donner un recteur pour diriger la cité, ne soit désignée pour cet  office qu’une personne originaire du voisinage et des environs mêmes de la ville  et aussi que le château, que l’on appelle Travemünde, soit de la même manière  gouverné par ce recteur. Voulant en outre que le territoire de la ville, sous  notre heureux gouvernement, soit élargi et agrandi, nous concédons et ajoutons  ceci à son territoire : que dorénavant cette cité ait de la rivière Padelügge  jusqu’à la Trave et, en remontant la rivière Padelügge, le long des limites  territoriales que l’on y distingue, jusqu’à la rivière de Krempelsdorf et de  cette rivière de Krempelsdorf jusqu’au Sec-Alleu et de là jusqu’à la Trave. Et  nous concédons aux susdits bourgeois qu’on ne lève et n’exige d’aucun d’entre  eux le tonlieu à Oldesloe. Nous leur concédons en outre le droit de faire et de  frapper dans leur ville une monnaie à notre nom, ceci durant notre vie et celle  de Henri, roi des Romains, notre illustre et très cher fils, et, de ce fait,  chaque année ils paieront à notre cour 60 Marcs d’argent. Lorsqu’à l’avenir  arrivera un nouveau successeur, cette monnaie sera de nouveau frappée sous le  même droit et avec la même taxe tout au long de son règne et nous décidons à  propos de cette monnaie que tous nos successeurs, les uns après les autres,  observeront ce que nous avons établi. Nous décidons et concédons en outre que ni  nous ni l’un quelconque de nos successeurs sur le trône impérial n’exigera  d’otages des bourgeois de Lübeck, mais se contentera uniquement de leur serment  comme garantie de leur fidélité à l’Empire. En outre tous les marchands fidèles,  qui viennent en cette même cité par terre ou par eau pour leurs affaires doivent  jouir d’une perpétuelle sécurité à l’aller comme au retour, pourvu qu’ils payent  le droit auquel ils sont tenus. De plus quand les susdits bourgeois de Lübeck  iront en Angleterre, ils seront entièrement délivrés par nous des abus et des  exactions dont les gens de Cologne, de Tiel et leurs associés veulent, dit-on,  les charger indûment. Nous annulons totalement ces abus : qu’ils jouissent du  droit et des conditions dont jouissent les gens de Cologne, de Tiel et leurs  associés. Et nous leur concédons l’île située en face du château de Travemünde,  que l’on appelle Priwalc, à laquelle nous accordons également le droit de la  ville appelé Wicbelede. Nous voulons en outre et ordonnons fermement que nul, de  rang élevé ou humble, clerc ou laïc, n’entreprenne à aucun moment que ce soit  d’édifier une enceinte ou un castrum le long de la Trave tant en amont de la  cité jusqu’à la source du fleuve, qu’en aval jusqu’à la mer, ni à moins de deux  milles de chaque rive. Nous interdisons strictement qu’un avoué étranger ose  exercer son avouerie ou rendre justice sur le territoire de la cité. Et puisque  nous voulons de surcroît garantir les bourgeois de la dite cité de toute  exaction indue ou irrégulière, nous interdisons formellement que l’on exige  d’eux, sur tout le territoire du duché de Saxe, cette taxe que l’on appelle  « Ungeld «. De plus qu’aucun prince, seigneur ou noble des provinces bordières  n’ose empêcher d’arriver à la dite cité de Lübeck tout ce qui lui est nécessaire  qui vient de partout, de Hambourg, Ratzebourg, Wittenbourg, Schwerin et de tout  le territoire de Buruwin et de son fils : sur ces terres, que tout bourgeois de  Lübeck, riche ou pauvre, puisse acheter et vendre sans aucun obstacle. En outre,  nous interdisons fermement que toute personne, de rang élevé ou humble, clerc ou  laïc, ne fournisse un sauf-conduit pour la dite cité à quelque personne que ce  soit qui la soustrairait à l’obligation de répondre devant la justice à  quiconque l’attaquerait. Nous voulons en outre et ordonnons fermement que  partout dans l’Empire, chaque fois que les susdits bourgeois auront subi un  naufrage, leur soient totalement laissés ceux de leurs biens qu’ils auront pu  arracher au danger, tout obstacle et toute contrainte cessant alors. Nous leur  concédons en outre la terre hors de Travemünde, à côté du port, là où se trouve  le signal de ce port, leur donnant la possibilité d’user librement de cette  terre pour les besoins et profits de la dite cité de Lübeck. Et nous leur  confirmons à perpétuité tous les droits, les bons usages et les bonnes coutumes  dont on sait qu’ils ont jusqu’à présent joui depuis le temps de l’empereur  Frédéric ; notre aïeul d’heureuse mémoire. Nous décidons enfin et ordonnons  fermement par l’autorité de ce privilège que personne, de rang élevé ou humble,  clerc ou laïc, ne s’avise témérairement de perturber ou d’empêcher en quoi que  ce soit ce que nous venons d’accorder aux susdits bourgeois de Lübeck. Si  quelqu’un osait agir de la sorte, il encourrait notre courroux et devrait payer  une amende de 500 livres d’or fin, la moitié devant être versée à notre chambre,  l’autre moitié aux victimes de l’outrage. Afin que tout cela demeure effectif de  tout temps, nous avons ordonné de rédiger ce privilège et de l’authentifier par  une bulle d’or frappée à l’image de notre majesté. Les témoins de cet acte  sont : les archevêques Albert de Mayence, (Henri) de Milan, Lando de Reggio ;  (Rodolphe) évêque de Coire et abbé de Saint-Gall ; les évêques (Engelhard) de  Zeiss, (Henri) de Bâle, (Henri) de Worms, (Conrad) d’Hildesheim, Jacques de  Turin, Maynard d’Imola et (Albert) de Brescia ; (Hugues) abbé de Marbach,  (Henri) abbé de Reichenau, (Hermann) maître de la maison de sainte Marie des  Allemands de Jérusalem ; (Louis) Landgrave de Thuringe, Albert duc de saxe,  Rainald duc de Spolète, Siegfried comte de Vienne et beaucoup d’autres.
 
 
Sceau du seigneur Frédéric II, par la grâce de Dieu  empereur invaincu des Romains, toujours auguste, roi de Jérusalem et de Sicile.  Fait l’an de l’Incarnation du Seigneur 1226, mois de juin,  14e indiction, sous le règne de notre seigneur Frédéric II, par la  grâce de Dieu empereur invaincu des Romains, toujours auguste, roi de Jérusalem  et de Sicile, la 6e année de son règne impérial, la 1re de  son règne à Jérusalem et la 29e en tant que roi de Sicile. Amen. Fait  près de Borgo San Donnino, l’année, le mois et l’indiction susdits. «
 
 
Source : Boudet (Jean-Patrice), Gouguenheim (Sylvain) et  Vincent (Catherine), l’Europe occidentale chrétienne au  XIIIe siècle, Paris, SEDES, 1995.
 
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