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Mais Denethor ne lui permit pas d'aller loin.

Publié le 15/12/2013

Extrait du document

Mais Denethor ne lui permit pas d'aller loin. Bien que l'ennemi fût mis en échec et pour le moment repoussé, de grandes forces se déversaient de l'Est. La trompette sonna de nouveau, appelant à la retraite. La cavalerie de Gondor fit halte. Les compagnies de l'extérieur se reformèrent derrière son écran. Et bientôt elles revinrent d'un pied ferme. Elles atteignirent la Porte de la Cité et entrèrent, marchant fièrement, et fièrement les gens de la Cité les contemplèrent et crièrent leur louange, mais ils avaient le coeur troublé. Car les compagnies étaient sérieusement réduites. Faramir avait perdu le tiers de ses hommes. Et où était-il ? Il arriva le dernier. Ses hommes passèrent à l'intérieur. Les chevaliers montés revinrent, avec, en queue, l'étendard de Dol Amroth et le Prince. Et dans ses bras, devant lui sur son cheval, il portait le corps de son parent, Faramir fils de Denethor, trouvé sur-le-champ de bataille. « Faramir ! Faramir ! » crièrent les hommes, pleurant dans les rues. Mais il ne répondit point, et on l'emporta le long de la route en lacet vers la Citadelle et vers son père. Au moment même où les Nazgûl s'étaient détournés de l'assaut du Cavalier Blanc, avait volé un trait mortel, et Faramir, qui tenait aux abois un champion monté de Harad, était tombé à terre. Seule la charge de Dol Amroth l'avait sauvé des rouges épées de la terre du Sud, qui l'auraient taillé tout gisant. Le Prince Imrahil apporta Faramir à la Tour Blanche, il dit : « Votre fils est revenu, seigneur, après de grands exploits », et il raconta tout ce qu'il avait vu. Mais Denethor se leva, contempla le visage de son fils et resta silencieux. Puis il ordonna de dresser un lit dans la pièce, d'y déposer Faramir et de les laisser seuls. Mais lui-même monta à la chambre secrète sous le sommet de la Tour, et les nombreux hommes qui levèrent les yeux à ce moment virent briller une pâle lumière qui vacilla un moment derrière les étroites fenêtres avant de flamboyer et de s'éteindre. Et quand Denethor redescendit, il alla auprès de Faramir et s'assit sans parler à son chevet, mais le visage du Seigneur était gris, plus cadavérique que celui de son fils. La Cité était donc enfin assiégée, encerclée par l'Ennemi. Le Rammas était rompu et tout le Pelennor abandonné à l'Ennemi. La dernière nouvelle à venir de l'extérieur des murs fut apportée par des hommes qui arrivèrent en fuite par la route du nord avant la fermeture de la Porte. C'était ce qui restait de la Garde établie au point où la route d'Anôrien et de Rohan pénétrait dans la région urbaine. Ils étaient conduits par Ingold, celui qui avait laissé passer Gandalf et Pippin moins de cinq jours auparavant, alors que le soleil se levait encore et qu'il y avait de l'espoir dans le matin. « Il n'y a aucune nouvelle des Rohirrim, dit-il. Rohan ne viendra plus. Ou s'ils viennent, cela ne nous servira plus de rien. La nouvelle armée dont nous avions entendu parler est arrivée avant eux d'au-delà du Fleuve par Andros, dit-on. Ils sont forts, des bataillons d'Orques de l'OEil et d'innombrables compagnies d'Hommes d'une nouvelle sorte que nous n'avons encore jamais rencontrée. Ils ne sont pas grands, mais larges et sinistres, barbus comme des Nains, et ils manient de grandes haches. Ils viennent, croyons-nous, de quelque terre sauvage de l'Est lointain. Ils tiennent la route du nord, et un grand nombre a passé en Anôrien. Les Rohirrim ne peuvent venir. » La Porte fut fermée. Toute la nuit, les guetteurs sur les murs entendirent la rumeur de l'ennemi qui rôdait alentour, brûlant champs et arbres, et taillant tout homme qu'ils trouvaient au-dehors, vivant ou mort. On ne pouvait évaluer dans les ténèbres le nombre de ceux qui avaient déjà passé le Fleuve, mais quand le matin, ou son terne reflet, se glissa sur la plaine, on vit que même la peur nocturne ne l'avait guère exagéré. La plaine était noire de leurs compagnies en marche, et aussi loin que portait le regard tendu dans l'assombrissement poussaient, telle une immonde excroissance fongueuse tout autour de la cité investie, de grands camps de tentes, noires ou rouge sombre. Affairés comme des fourmis, des Orques creusaient, creusaient des lignes de profondes tranchées en un énorme cercle, juste hors de la portée des arcs des murs, et au fur et à mesure de leur achèvement, les tranchées étaient emplies de feu, sans que nul ne pût voir par quel artifice ou quelle sorcellerie il était allumé. Le travail avança toute la journée, sous les yeux des hommes de Minas Tirith, incapables de l'empêcher. Et comme chaque longueur de tranchée était achevée, on pouvait voir approcher de grandes charrettes, et bientôt encore d'autres compagnies de l'Ennemi montèrent, chacune à l'abri d'une tranchée, de grands engins pour le jet de projectiles. Il n'y en avait aucun sur les murs de la Cité de taille à porter aussi loin ou à arrêter le travail. Au début, les hommes rirent, ne redoutant pas trop pareils stratagèmes. Car le mur principal de la Cité était d'une grande hauteur et d'une merveilleuse épaisseur, la construction datant d'avant le déclin dans l'exil de la puissance et de l'art de Númenor, et sa face extérieure était semblable à celle de la Tour d'Orthanc, dure, sombre et lisse, imprenable par le fer ou par le feu, indestructible sinon par quelque convulsion qui déchirerait la terre même sur laquelle elle s'élevait. « Non, disaient-ils, le Sans Nom viendrait-il en personne, qu'il ne pourrait, même lui, entrer ici tant que nous vivrons. » Mais certains répondaient : « Tant que nous vivrons ? Combien de temps ? Il possède une arme qui a réduit maintes places fortes depuis l'origine du monde. La faim. Les routes sont coupées. Le Rohan ne viendra pas. » Mais les engins ne gaspillèrent aucun coup contre le mur indomptable. Ce ne fut aucun brigand ni chef orque qui ordonna l'assaut contre le plus grand ennemi du Seigneur de Mordor. Un pouvoir et un esprit malfaisant le guidèrent. Dès que les grandes catapultes furent installées, elles commencèrent, avec un grand accompagnement de hurlements et force craquements de cordes et de treuils, à lancer des projectiles à une auteur surprenante, de sorte qu'ils passaient bien au-dessus des remparts pour tomber avec un bruit sourd à 'intérieur du premier cercle de la Cité, et bon nombre d'entre eux, par quelque artifice secret, éclataient en lammes dans leur chute. Il y eut bientôt grand danger d'incendie derrière le mur, et tous ceux qui étaient disponibles s'affairèrent à touffer les flammes qui jaillissaient en maints endroits. Puis, parmi les plus grands jets tomba une autre grêle, oins destructrice, mais plus horrible. Elle s'abattit partout dans les rues et les passages derrière la Porte, petits rojectiles ronds qui ne brûlaient pas. Mais quand les hommes accoururent pour voir ce que ce pouvait bien tre, ils poussèrent de grands cris et pleurèrent. Car l'Ennemi projetait dans la Cité toutes les têtes de ceux qui taient tombés au combat à Osgiliath, sur le Rammas ou dans les champs. Elles étaient sinistres à regarder, car, ien que certaines fussent écrasées et informes et que d'autres eussent été cruellement tailladées, beaucoup vaient des traits reconnaissables, et il semblait que les hommes fussent morts dans la souffrance, et toutes taient marquées de l'immonde emblème de l'OEil Vigilant. Mais toutes défigurées et déshonorées qu'elles taient, il arrivait souvent qu'ainsi un homme revoyait le visage de quelqu'un qu'il avait connu, qui avait un jour ièrement marché en armes, labouré les champs ou qui était monté des vallées dans les collines, en quelque jour e fête. En vain, les hommes brandissaient le poing à l'adresse des ennemis impitoyables qui se pressaient devant la orte. Ils se moquaient des malédictions et ils ne comprenaient pas les langues des hommes de l'Ouest, qui riaient avec des voix rauques comme des bêtes ou des oiseaux de proie. Mais il ne resta bientôt plus beaucoup 'hommes qui eussent le coeur de se dresser pour défier les armées du Mordor. Car le Seigneur de la Tour ombre disposait d'une autre arme encore, plus rapide que la faim : la peur et le désespoir. Les Nazgûl revinrent et, comme leur Seigneur Ténébreux grandissait alors et déployait sa force, leurs voix, ui n'exprimaient que sa volonté et sa malice, étaient emplies de méchanceté et d'horreur. Ils tournaient sans esse au-dessus de la Cité, comme des vautours qui comptent sur leur suffisance de chair d'hommes condamnés. ls volaient hors de vue et de portée, mais ils étaient toujours présents, et leurs voix sinistres déchiraient l'air. lles devenaient de plus en plus intolérables, et non pas moins, à chaque nouveau cri. À la fin, les plus intrépides e jetaient sur le sol au moment où la menace cachée les survolait ou bien ils restaient debout, mais laissaient omber leurs armes de leurs mains défaillantes, tandis que des ténèbres envahissaient leur esprit et qu'ils ne ensaient plus à la guerre, mais seulement à se cacher, à ramper, et à mourir. Durant toute cette sombre journée, Faramir resta étendu sur son lit dans la chambre de la Tour Blanche, erdu dans le délire d'une fièvre désespérée, mourant, disaient certains, et bientôt tout le monde répéta sur les urs et dans les rues : « Mourant ». Et son père restait à son chevet, sans rien dire, il veillait, sans plus accorder ucune attention à la défense. Pippin n'avait jamais connu d'heure aussi noire, même dans les griffes de l'Ourouk-haï. Son devoir était de ervir le Seigneur, et il le faisait, oublié, semblait-il, debout près de la porte de la chambre sans lumière, aîtrisant du mieux qu'il le pouvait ses propres craintes. Et comme il regardait, il lui parut que Denethor ieillissait sous ses yeux comme si quelque chose eût craqué dans son orgueilleuse volonté et que son esprit igide eût été défait. Peut-être était-il rongé par le chagrin et le remords. Pippin voyait des larmes sur ce visage utrefois sec, et elles étaient plus insupportables que la colère. « Ne pleurez pas, seigneur, balbutia-t-il. Peut-être se rétablira-t-il ? Avez-vous demandé à Gandalf ? » « Qu'on ne me réconforte pas avec des magiciens ! dit Denethor. L'espoir de ce fou a échoué. L'Ennemi l'a écouvert, et maintenant son pouvoir grandit, il voit nos pensées mêmes et tout ce que nous faisons sert à notre uine. J'ai envoyé mon fils, sans remerciement, sans bénédiction, à un péril inutile, et le voici qui gît avec du oison dans ses veines. Non, non, quoi qu'il puisse maintenant arriver à la guerre, ma lignée aussi se termine, même la Maison des Intendants a failli. Des gens méprisables vont gouverner ce qui reste encore des Rois des ommes, tapis dans les montagnes jusqu'à ce qu'ils soient définitivement chassés. » Des gens vinrent à la porte pour appeler le Seigneur de la Cité. « Non, je ne descendrai pas, dit-il. Je dois ester auprès de mon fils. Il pourrait encore parler avant la fin. Mais elle est proche. Suivez qui vous voulez, ême le Fou Gris, bien que son espoir ait échoué. Moi, je reste ici. » Ce fut donc Gandalf qui prit en main la dernière défense de la Cité de Gondor. Où qu'il allât, les hommes eprenaient courage et les ombres ailées sortaient du souvenir. Il allait inlassablement de la Citadelle à la Porte, u nord au sud sur le mur et avec lui allait le Prince de Dol Amroth, vêtu de ses mailles brillantes. Car lui et ses hevaliers se considéraient encore comme des seigneurs dans lesquels coulait le vrai sang de la race de úmenor. À leur vue, les hommes murmuraient : « Sans doute les vieux contes disent-ils vrai, il y a du sang lfique dans les veines de ceux-là, car les gens de Nimrodel demeurèrent dans ce pays il y a très, très ongtemps. » Et quelqu'un se mettait à chanter dans l'obscurité des strophes du Lai de Nimrodel ou d'autres hants de la Vallée de l'Anduin datant des années évanouies. Et pourtant quand ils étaient partis, les ombres se refermaient sur les hommes, leur coeur se glaçait, et la aillance du Gondor tombait en cendres. Et ainsi passa-t-on lentement d'une terne journée de craintes dans les énèbres d'une nuit désespérée. Les incendies faisaient rage, sans aucun frein à présent, dans le premier cercle de la Cité, et en bien des points, toute retraite était, déjà coupée pour la garnison du mur extérieur. Mais les fidèles qui demeuraient là à leur poste étaient rares, la plupart avaient fui derrière la seconde porte. Loin derrière la bataille, un pont avait été rapidement lancé sur le Fleuve, et toute la journée des forces et de 'attirail de guerre supplémentaires s'étaient déversés sur l'autre rive. Enfin, en ce milieu de la nuit, l'assaut se elâcha. L'avant-garde franchit les tranchées de feu par de nombreux sentiers tortueux que l'on avait ménagés ntre elles. Les hommes venaient, insoucieux des pertes, encore groupés en troupeau à portée des archers sur les urs. Mais, en fait, il restait trop peu de ceux-ci pour leur causer grand dommage, bien que la lumière des feux évélât maintes cibles pour des archers de l'habileté dont Gondor se flattait autrefois. Alors, voyant la vaillance e la Cité déjà abattue, le Capitaine caché mit sa force en action. Lentement, les grandes tours de siège onstruites à Osgiliath se mirent en mouvement dans l'obscurité. Des messagers vinrent de nouveau à la chambre de la Tour Blanche, et Pippin les laissa entrer, car ils étaient ressants. Denethor détourna lentement la tête du visage de Faramir, et il les regarda sans mot dire. « Le premier cercle de la Cité est en flammes, seigneur, dirent-ils. Quels sont vos ordres ? Vous êtes toujours e Seigneur et l'Intendant. Tous ne veulent pas suivre Mithrandir. Des hommes désertent les murs et les laissent égarnis. » « Pourquoi ? Pourquoi ces imbéciles fuient-ils ? dit Denethor. Mieux vaut brûler plus tôt que plus tard, car rûler il le faudra bien. Retournez à votre feu de joie ! Et moi ? Je vais aller maintenant à mon bûcher. À mon bûcher ! Nulle tombe pour Denethor ni pour Faramir. Nulle tombe ! Nul long sommeil de la mort, embaumé. Nous brûlerons comme les rois païens avant qu'aucun navire ne vînt ici de l'Ouest. L'Ouest a failli. Retournez rûler ! » Les messagers firent demi-tour sans saluer ni répondre et s'enfuirent. Denethor se leva alors et lâcha la main fiévreuse de Faramir qu'il tenait. « Il brûle, il brûle déjà, dit-il ristement. La demeure de son esprit s'écroule ! » Puis il s'avança doucement vers Pippin et abaissa sur lui son egard. « Adieu ! dit-il. Adieu, Peregrïn fils de Paladin ! Votre service fut bref et il touche maintenant à sa fin. Je vous libère du peu qu'il reste. Allez maintenant et mourez de la façon qui vous paraîtra la meilleure. Et avec qui vous voudrez, fût-ce cet ami dont la folie vous a conduit à cette mort. Faites mander mes serviteurs et partez. Adieu ! » « Je ne vous dirai pas adieu, mon seigneur », dit Pippin, mettant genou en terre. Et, reprenant soudain sa manière hobbite, il se leva et regarda le vieillard dans les yeux. « Je vais prendre congé de vous, sire, dit-il, car je désire beaucoup, certes, voir Gandalf. Mais ce n'est pas un fou, et je ne penserai pas à mourir tant qu'il ne désespérera pas de la vie. Mais de ma parole et de votre service je ne désire pas être libéré tant que vous serez en vie. Et s'ils finissent par atteindre la Citadelle, j'espère être ici pour me tenir à vos côtés et mériter peut-être les armes que vous m'avez données. » « Faites comme vous l'entendez, Maître Semi-Homme, dit Denethor. Mais ma vie est brisée. Envoyez chercher mes serviteurs ! » Il retourna auprès de Faramir. Pippin le quitta et appela les serviteurs, qui vinrent : six hommes de la Maison, forts et beaux, ils tremblaient pourtant de cette convocation. Mais Denethor leur ordonna d'une voix douce d'étendre des couvrelits chauds sur la couche de Faramir et de le soulever. Ils s'exécutèrent et, soulevant le lit, ils le portèrent hors de la chambre. Ils allèrent lentement pour incommoder aussi peu que possible le fiévreux, et Denethor les suivit, courbé à présent sur un bâton, et enfin venait Pippin. Ils sortirent de la Tour Blanche, comme pour se rendre à des funérailles, dans l'obscurité, où le nuage surplombant était éclairé par en dessous de lueurs rouges ternes et tremblotantes. Ils traversèrent doucement la grande cour et, sur un mot de Denethor, ils s'arrêtèrent près de l'Arbre desséché. Tout était silencieux, sauf pour la rumeur de la guerre dans la Cité en contrebas, et ils entendaient l'eau dégoutter tristement des branches mortes dans le bassin sombre. Puis ils franchirent la porte de la Citadelle, où le factionnaire les regarda passer avec effarement. Tournant à l'ouest, ils arrivèrent enfin à une porte dans le mur de derrière du sixième cercle. On la nommait Fen Hollen, car elle restait toujours fermée sauf à l'occasion de funérailles, et n'avaient droit à ce passage que le Seigneur de la Cité ou ceux qui portaient la marque des tombes et qui entretenaient les maisons des morts. Au-delà, une route sinueuse descendait en nombreux lacets vers l'étroit terrain sous l'ombre du précipice du Mindolluin, où s'élevaient les demeures des Rois morts et de leurs Intendants. Un portier était assis dans une petite maison au bord du chemin, et il vint, une lanterne à la main, les yeux emplis de crainte. Sur l'ordre du Seigneur, il fit jouer la serrure, la porte se rabattit silencieusement, et ils la franchirent après avoir pris la lanterne de sa main. Il faisait noir sur la route qui descendait entre d'anciens murs et des parapets à nombreux balustres que révélait indistinctement la lumière oscillante de la lanterne. L'écho de leurs pas lents se répercutait tandis qu'ils descendaient toujours, ils finirent par arriver à la Rue du Silence, Rath Dinen, entre des dômes pâles, des salles vides et des statues d'hommes depuis longtemps morts, et ils pénétrèrent dans la Maison des Intendants, où ils déposèrent leur fardeau. Là, Pippin, regardant avec inquiétude autour de lui, vit qu'il se trouvait dans une grande salle voûtée, drapée pour ainsi dire des grandes ombres jetées par la petite lanterne sur les murs obscurs. Et on voyait

« accompagnement dehurlements etforce craquements decordes etde treuils, àlancer desprojectiles àune hauteur surprenante, desorte qu’ils passaient bienau-dessus desremparts pourtomber avecunbruit sourd à l’intérieur dupremier cercledelaCité, etbon nombre d’entreeux,parquelque artificesecret,éclataient en flammes dansleurchute. Il yeut bientôt granddanger d’incendie derrièrelemur, ettous ceux quiétaient disponibles s’affairèrent à étouffer lesflammes quijaillissaient enmaints endroits.

Puis,parmi lesplus grands jetstomba uneautre grêle, moins destructrice, maisplushorrible.

Elles’abattit partoutdanslesrues etles passages derrièrelaPorte, petits projectiles rondsquinebrûlaient pas.Mais quand leshommes accoururent pourvoirceque cepouvait bien être, ilspoussèrent degrands crisetpleurèrent.

Carl’Ennemi projetaitdanslaCité toutes lestêtes deceux qui étaient tombés aucombat àOsgiliath, surleRammas oudans leschamps.

Ellesétaient sinistres àregarder, car, bien quecertaines fussentécrasées etinformes etque d’autres eussentétécruellement tailladées,beaucoup avaient destraits reconnaissables, etilsemblait queleshommes fussentmortsdanslasouffrance, ettoutes étaient marquées del’immonde emblèmedel’Œil Vigilant.

Maistoutes défigurées etdéshonorées qu’elles étaient, ilarrivait souvent qu’ainsi unhomme revoyait levisage dequelqu’un qu’ilavait connu, quiavait unjour fièrement marchéenarmes, labouré leschamps ouqui était monté desvallées danslescollines, enquelque jour de fête. En vain, leshommes brandissaient lepoing àl’adresse desennemis impitoyables quisepressaient devantla Porte.

Ilssemoquaient desmalédictions etils ne comprenaient pasleslangues deshommes del’Ouest, qui criaient avecdesvoix rauques commedesbêtes oudes oiseaux deproie.

Maisilne resta bientôt plusbeaucoup d’hommes quieussent lecœur desedresser pourdéfier lesarmées duMordor.

CarleSeigneur delaTour Sombre disposait d’uneautrearmeencore, plusrapide quelafaim : lapeur etledésespoir. Les Nazgûl revinrent et,comme leurSeigneur Ténébreux grandissait alorsetdéployait saforce, leursvoix, qui n’exprimaient quesavolonté etsa malice, étaientemplies deméchanceté etd’horreur.

Ilstournaient sans cesse au-dessus delaCité, comme desvautours quicomptent surleur suffisance dechair d’hommes condamnés. Ils volaient horsdevue etde portée, maisilsétaient toujours présents, etleurs voixsinistres déchiraient l’air. Elles devenaient deplus enplus intolérables, etnon pasmoins, àchaque nouveau cri.Àla fin, lesplus intrépides se jetaient surlesol aumoment oùlamenace cachéelessurvolait oubien ilsrestaient debout,maislaissaient tomber leursarmes deleurs mains défaillantes, tandisquedesténèbres envahissaient leuresprit etqu’ils ne pensaient plusàla guerre, maisseulement àse cacher, àramper, etàmourir. Durant toutecettesombre journée, Faramirrestaétendu surson litdans lachambre delaTour Blanche, perdu dansledélire d’unefièvre désespérée, mourant,disaientcertains, etbientôt toutlemonde répétasurles murs etdans lesrues : « Mourant ».

Etson père restait àson chevet, sansriendire, ilveillait, sansplusaccorder aucune attention àla défense. Pippin n’avait jamaisconnud’heure aussinoire, même danslesgriffes del’Ourouk-haï.

Sondevoir étaitde servir leSeigneur, etille faisait, oublié, semblait-il, deboutprèsdelaporte delachambre sanslumière, maîtrisant dumieux qu’illepouvait sespropres craintes.

Etcomme ilregardait, illui parut queDenethor vieillissait soussesyeux comme siquelque choseeûtcraqué danssonorgueilleuse volontéetque sonesprit rigide eûtétédéfait.

Peut-être était-ilrongéparlechagrin etleremords.

Pippinvoyaitdeslarmes surcevisage autrefois sec,etelles étaient plusinsupportables quelacolère. « Ne pleurez pas,seigneur, balbutia-t-il.

Peut-êtreserétablira-t-il ? Avez-vousdemandéàGandalf ? » « Qu’on neme réconforte pasavec desmagiciens ! ditDenethor.

L’espoirdecefou aéchoué.

L’Ennemi l’a découvert, etmaintenant sonpouvoir grandit, ilvoit nospensées mêmesettout ceque nous faisons sertànotre ruine.

J’ai envoyé monfils,sans remerciement, sansbénédiction, àun péril inutile, etlevoici quigîtavec du poison danssesveines.

Non,non,quoiqu’ilpuisse maintenant arriveràla guerre, malignée aussisetermine, même laMaison desIntendants afailli.

Desgens méprisables vontgouverner cequi reste encore desRois des Hommes, tapisdanslesmontagnes jusqu’àcequ’ils soient définitivement chassés. » Des gens vinrent àla porte pourappeler leSeigneur delaCité.

« Non, jene descendrai pas,dit-il.

Jedois rester auprès demon fils.Ilpourrait encoreparleravantlafin.

Mais elleestproche.

Suivezquivous voulez, même leFou Gris, bienquesonespoir aitéchoué.

Moi,jereste ici. » Ce fut donc Gandalf quiprit enmain ladernière défensedelaCité deGondor.

Oùqu’il allât, leshommes reprenaient courageetles ombres ailéessortaient dusouvenir.

Ilallait inlassablement delaCitadelle àla Porte, du nord ausud surlemur etavec luiallait lePrince deDol Amroth, vêtudeses mailles brillantes.

Carluietses chevaliers seconsidéraient encorecomme desseigneurs danslesquels coulaitlevrai sang delarace de Númenor.

Àleur vue, leshommes murmuraient : « Sansdoutelesvieux contes disent-ils vrai,ilya du sang elfique danslesveines deceux-là, carlesgens deNimrodel demeurèrent danscepays ilya très, très longtemps. » Etquelqu’un semettait àchanter dansl’obscurité desstrophes duLai deNimrodel oud’autres chants delaVallée del’Anduin datantdesannées évanouies. Et pourtant quandilsétaient partis,lesombres serefermaient surleshommes, leurcœur seglaçait, etla vaillance duGondor tombait encendres.

Etainsi passa-t-on lentementd’uneternejournée decraintes dansles ténèbres d’unenuitdésespérée.

Lesincendies faisaientrage,sansaucun freinàprésent, danslepremier cercle. »

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