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- Mais, dit le lieutenant en arrêtant la main que Maurevel posait sur le marteau de la porte, mais, capitaine, cet appartement est celui du roi de Navarre.

Publié le 04/11/2013

Extrait du document

- Mais, dit le lieutenant en arrêtant la main que Maurevel posait sur le marteau de la porte, mais, capitaine, cet appartement est celui du roi de Navarre. - Qui vous dit le contraire ? répondit Maurevel. Les sbires se regardèrent tout surpris, et le lieutenant fit un pas en arrière. - Heu ! fit le lieutenant, arrêter quelqu'un à cette heure, au Louvre, et dans l'appartement du roi de Navarre ? - Que répondriez-vous donc, dit Maurevel, si je vous disais que celui que vous allez arrêter est le roi de Navarre lui-même ? - Je vous dirais, capitaine, que la chose est grave, et que, sans un ordre signé de la main de Charles IX... - Lisez, dit Maurevel. Et, tirant de son pourpoint l'ordre que lui avait remis Catherine, il le donna au lieutenant. - C'est bien, répondit celui-ci après avoir lu ; je n'ai plus rien à vous dire. - Et vous êtes prêt ? - Je le suis. - Et vous ? continua Maurevel en s'adressant aux cinq autres sbires. Ceux-ci saluèrent avec respect. - Écoutez-moi donc, messieurs, dit Maurevel, voilà le plan : deux de vous resteront à cette porte, deux à la porte de la chambre à coucher, et deux entreront avec moi. - Ensuite ? dit le lieutenant. - Écoutez bien ceci : il nous est ordonné d'empêcher le prisonnier d'appeler, de crier, de résister ; toute infraction à cet ordre doit être punie de mort. - Allons, allons, il a carte blanche, dit le lieutenant à l'homme désigné avec lui pour suivre Maurevel chez le roi. - Tout à fait, dit Maurevel. - Pauvre diable de roi de Navarre ! dit un des hommes, il était écrit là-haut qu'il ne devait point en réchapper. - Et ici-bas, dit Maurevel en reprenant des mains du lieutenant l'ordre de Catherine, qu'il rentra dans sa poitrine. Maurevel introduisit dans la serrure la clef que lui avait remise Catherine, et, laissant deux hommes à la porte extérieure, comme il en était convenu, entra avec les quatre autres dans l'antichambre. - Ah ! ah ! dit Maurevel en entendant la bruyante respiration du dormeur, dont le bruit arrivait jusqu'à lui, il paraît que nous trouverons ici ce que nous cherchons. Aussitôt Orthon, pensant que c'était son maître qui rentrait, alla au-devant de lui, et se trouva en face de cinq hommes armés qui occupaient la première chambre. À la vue de ce visage sinistre, de ce Maurevel qu'on appelait le Tueur de roi, le fidèle serviteur recula, et se plaçant devant la seconde porte : - Qui êtes-vous ? dit Orthon ; que voulez-vous ? - Au nom du roi, répondit Maurevel, où est ton maître ? - Mon maître ? - Oui, le roi de Navarre ? - Le roi de Navarre n'est pas au logis, dit Orthon en défendant plus que jamais la porte ; ainsi vous ne pouvez pas entrer. - Prétexte, mensonge, dit Maurevel. Allons, arrière ! Les Béarnais sont entêtés ; celui-ci gronda comme un chien de ses montagnes, et sans se laisser intimider : - Vous n'entrerez pas, dit-il ; le roi est absent. Et il se cramponna à la porte. Maurevel fit un geste ; les quatre hommes s'emparèrent du récalcitrant, l'arrachant au chambranle auquel il se tenait cramponné, et, comme il ouvrait la bouche pour crier, Maurevel lui appliqua la main sur les lèvres. Orthon mordit furieusement l'assassin, qui retira sa main avec un cri sourd, et frappa du pommeau de son épée le serviteur sur la tête. Orthon chancela et tomba en criant : - Alarme ! alarme ! alarme ! Sa voix expira, il était évanoui. Les assassins passèrent sur son corps, puis deux restèrent à cette seconde porte, et les deux autres entrèrent dans la chambre à coucher, conduits par Maurevel. À la lueur de la lampe brûlant sur la table de nuit, ils virent le lit. Les rideaux étaient fermés. - Oh ! oh ! dit le lieutenant, il ne ronfle plus, ce me semble. - Allons, sus ! dit Maurevel. À cette voix, un cri rauque qui ressemblait plutôt au rugissement du lion qu'à des accents humains partit de dessous les rideaux, qui s'ouvrirent violemment, et un homme, armé d'une cuirasse et le front couvert d'une de ces salades qui ensevelissaient la tête jusqu'aux yeux, apparut assis, deux pistolets à la main et son épée sur les genoux. Maurevel n'eut pas plus tôt aperçu cette figure et reconnu de Mouy, qu'il sentit ses cheveux se dresser sur sa tête ; il devint d'une pâleur affreuse ; sa bouche se remplit d'écume ; et, comme s'il se fût trouvé en face d'un spectre, il fit un pas en arrière. Soudain la figure armée se leva et fit en avant un pas égal à celui que Maurevel avait fait en arrière, de sorte que c'était celui qui était menacé qui semblait poursuivre, et celui qui menaçait qui semblait fuir. - Ah ! scélérat, dit de Mouy d'une voix sourde, tu viens pour me tuer comme tu as tué mon père ! Deux des sbires, c'est-à-dire ceux qui étaient entrés avec Maurevel dans la chambre du roi, entendirent seuls ces paroles terribles ; mais en même temps qu'elles avaient été dites, le pistolet s'était abaissé à la hauteur du front de Maurevel. Maurevel se jeta à genoux au moment où de Mouy appuyait le doigt sur la détente ; le coup partit, et un des gardes qui se trouvaient derrière lui, et qu'il avait démasqué par ce mouvement, tomba frappé au coeur. Au même instant Maurevel riposta, mais la balle alla s'aplatir sur la cuirasse de De Mouy. Alors prenant son élan, mesurant la distance, de Mouy, d'un revers de sa large épée, fendit le crâne du deuxième garde, et, se retournant vers Maurevel, engagea l'épée avec lui. Le combat fut terrible, mais court. À la quatrième passe, Maurevel sentit dans sa gorge le froid de l'acier ; il poussa un cri étranglé, tomba en arrière, et en tombant renversa la lampe, qui s'éteignit. Aussitôt de Mouy, profitant de l'obscurité, vigoureux et agile comme un héros d'Homère, s'élança tête baissée vers l'antichambre, renversa un des gardes, repoussa l'autre, passa comme un éclair entre les sbires qui gardaient la porte extérieure, essuya deux coups de pistolet, dont les balles éraillèrent la muraille du corridor, et dès lors il fut sauvé, car un pistolet tout chargé lui restait encore, outre cette épée qui frappait de si terribles coups. Un instant de Mouy hésita pour savoir s'il devait fuir chez M. d'Alençon, dont il lui semblait que la porte venait de s'ouvrir, ou s'il devait essayer de sortir du Louvre. Il se décida pour ce dernier parti, reprit sa course d'abord ralentie, sauta dix degrés d'un seul coup, parvint au guichet, prononça les deux mots de passe et s'élança en criant : - Allez là-haut, on y tue pour le compte du roi. Et profitant de la stupéfaction que ses paroles jointes au bruit des coups de pistolet avaient jetée dans le poste, il gagna au pied et disparut dans la rue du Coq sans avoir reçu une égratignure. C'était en ce moment que Catherine avait arrêté son capitaine des gardes en disant : - Demeurez, j'irai voir moi-même ce qui se passe là-bas. - Mais, madame, répondit le capitaine, le danger que pourrait courir Votre Majesté m'ordonne de la suivre. - Restez, monsieur, dit Catherine d'un ton plus impérieux encore que la première fois, restez. Il y a autour des rois une protection plus puissante que l'épée humaine. Le capitaine demeura. Alors Catherine prit une lampe, passa ses pieds nus dans des mules de velours, sortit de sa chambre, gagna le corridor encore plein de fumée, s'avança impassible et froide comme une ombre, vers l'appartement du roi de Navarre. Tout était redevenu silencieux. Catherine arriva à la porte d'entrée, en franchit le seuil, et vit d'abord dans l'antichambre Orthon évanoui. - Ah ! ah ! dit-elle, voici toujours le laquais ; plus loin sans doute nous allons trouver le maître. Et elle franchit la seconde porte. Là, son pied heurta un cadavre ; elle abaissa sa lampe ; c'était celui du garde qui avait eu la tête fendue ; il était complètement mort. Trois pas plus loin était le lieutenant frappé d'une balle et râlant le dernier soupir. Enfin, devant le lit un homme qui, la tête pâle comme celle d'un mort, perdant son sang par une double blessure qui lui traversait le cou, raidissant ses mains crispées, essayait de se relever. C'était Maurevel. Un frisson passa dans les veines de Catherine ; elle vit le lit désert, elle regarda tout autour de la chambre, et chercha en vain parmi ces trois hommes couchés dans leur sang le cadavre qu'elle espérait. Maurevel reconnut Catherine ; ses yeux se dilatèrent horriblement, et il tendit vers elle un geste désespéré. - Eh bien, dit-elle à demi-voix, où est-il ? qu'est-il devenu ? Malheureux ! l'auriez-vous laissé échapper ? Maurevel essaya d'articuler quelques paroles ; mais un sifflement inintelligible sortit seul de sa blessure, une écume rougeâtre frangea ses lèvres, et il secoua la tête en signe d'impuissance et de douleur. - Mais parle donc ! s'écria Catherine, parle donc ! ne fût-ce que pour me dire un seul mot ! Maurevel montra sa blessure, et fit entendre de nouveau quelques sons inarticulés, tenta un effort qui n'aboutit qu'à un rauque râlement et s'évanouit. Catherine alors regarda autour d'elle : elle n'était entourée que de cadavres et de mourants ; le sang coulait à flots par la chambre, et un silence de mort planait sur toute cette scène. Encore une fois elle adressa la parole à Maurevel, mais sans le réveiller : cette fois, il demeura non seulement muet, mais immobile ; un papier sortait de son pourpoint, c'était l'ordre d'arrestation signé du roi. Catherine s'en saisit et le cacha dans sa poitrine. En ce moment Catherine entendit derrière elle un léger froissement de parquet ; elle se retourna et vit debout, à la porte de la chambre, le duc d'Alençon, que le bruit avait attiré malgré lui, et que le spectacle qu'il avait sous les yeux fascinait. - Vous ici ? dit-elle. - Oui, madame. Que se passe-t-il donc, mon Dieu ? demanda le duc. - Retournez chez vous, François, et vous apprendrez assez tôt la nouvelle. D'Alençon n'était pas aussi ignorant de l'aventure que Catherine le supposait. Aux premiers pas retentissant dans le corridor, il avait écouté. Voyant entrer des hommes chez le roi de Navarre, il avait, en rapprochant ce fait

« Deux dessbires, c’est-à-dire ceuxquiétaient entrésavecMaurevel danslachambre duroi, entendirent seuls ces paroles terribles ; maisenmême tempsqu’elles avaientétédites, lepistolet s’étaitabaissé àla hauteur du front deMaurevel.

Maurevelsejeta àgenoux aumoment oùdeMouy appuyait ledoigt surladétente ; lecoup partit, etun des gardes quisetrouvaient derrièrelui,etqu’il avait démasqué parcemouvement, tombafrappé au cœur.

Aumême instant Maurevel riposta,maislaballe allas’aplatir surlacuirasse deDe Mouy. Alors prenant sonélan, mesurant ladistance, deMouy, d’unrevers desalarge épée, fendit lecrâne du deuxième garde,et,seretournant versMaurevel, engageal’épéeaveclui. Le combat futterrible, maiscourt.

Àla quatrième passe,Maurevel sentitdanssagorge lefroid del’acier ; il poussa uncriétranglé, tombaenarrière, eten tombant renversa lalampe, quis’éteignit. Aussitôt deMouy, profitant del’obscurité, vigoureuxetagile comme unhéros d’Homère, s’élançatêtebaissée vers l’antichambre, renversaundes gardes, repoussa l’autre,passacomme unéclair entrelessbires qui gardaient laporte extérieure, essuyadeuxcoups depistolet, dontlesballes éraillèrent lamuraille ducorridor, et dès lors ilfut sauvé, carunpistolet toutchargé luirestait encore, outrecetteépéequifrappait desiterribles coups.

Un instant deMouy hésita poursavoir s’ildevait fuirchez M. d’Alençon, dontillui semblait quelaporte venait des’ouvrir, ous’il devait essayer desortir duLouvre.

Ilse décida pourcedernier parti,reprit sacourse d’abord ralentie, sautadixdegrés d’unseulcoup, parvint auguichet, prononça lesdeux mots depasse ets’élança en criant : – Allez là-haut, onytue pour lecompte duroi.

Etprofitant delastupéfaction quesesparoles jointesaubruit des coups depistolet avaientjetéedans leposte, ilgagna aupied etdisparut danslarue duCoq sans avoir reçu une égratignure. C’était encemoment queCatherine avaitarrêté soncapitaine desgardes endisant : – Demeurez, j’iraivoirmoi-même cequi sepasse là-bas. – Mais, madame, réponditlecapitaine, ledanger quepourrait courirVotreMajesté m’ordonne delasuivre. – Restez, monsieur, ditCatherine d’untonplus impérieux encorequelapremière fois,restez.

Ilya autour des rois uneprotection pluspuissante quel’épée humaine. Le capitaine demeura. Alors Catherine pritune lampe, passasespieds nusdans desmules develours, sortitdesachambre, gagnale corridor encorepleindefumée, s’avança impassible etfroide comme uneombre, versl’appartement duroi de Navarre.

Tout étaitredevenu silencieux. Catherine arrivaàla porte d’entrée, enfranchit leseuil, etvit d’abord dansl’antichambre Orthonévanoui. – Ah !ah !dit-elle, voicitoujours lelaquais ; plusloinsans doute nousallons trouver lemaître.

Etelle franchit laseconde porte. Là, son pied heurta uncadavre ; elleabaissa salampe ; c’étaitceluidugarde quiavait eulatête fendue ; il était complètement mort. Trois pasplus loinétait lelieutenant frappéd’uneballeetrâlant ledernier soupir. Enfin, devant lelit un homme qui,latête pâle comme celled’unmort, perdant sonsang parune double blessure quiluitraversait lecou, raidissant sesmains crispées, essayaitdeserelever. C’était Maurevel.

Unfrisson passadanslesveines deCatherine ; ellevitlelit désert, elleregarda toutautour de lachambre, etchercha envain parmi cestrois hommes couchésdansleursang lecadavre qu’elleespérait. Maurevel reconnutCatherine ; sesyeux sedilatèrent horriblement, etiltendit verselleungeste désespéré. – Eh bien, dit-elle àdemi-voix, oùest-il ? qu’est-il devenu ? Malheureux !l’auriez-vous laissééchapper ? Maurevel essayad’articuler quelquesparoles ;maisunsifflement inintelligible sortitseuldesablessure, une écume rougeâtre frangeaseslèvres, etilsecoua latête ensigne d’impuissance etde douleur. – Mais parle donc!s’écria Catherine, parledonc!ne fût-ce quepour medire unseul mot! Maurevel montrasablessure, etfit entendre denouveau quelques sonsinarticulés, tentauneffort qui n’aboutit qu’àunrauque râlement ets’évanouit. Catherine alorsregarda autourd’elle :ellen’était entourée quedecadavres etde mourants ; lesang coulait à flots parlachambre, etun silence demort planait surtoute cettescène. Encore unefoiselleadressa laparole àMaurevel, maissansleréveiller : cettefois,ildemeura nonseulement muet, maisimmobile ; unpapier sortait deson pourpoint, c’étaitl’ordre d’arrestation signéduroi.

Catherine s’en saisit etlecacha danssapoitrine. En cemoment Catherine entenditderrièreelleunléger froissement deparquet ; elleseretourna etvit debout, àla porte delachambre, leduc d’Alençon, quelebruit avaitattiré malgré lui,etque lespectacle qu’il avait souslesyeux fascinait. – Vous ici ?dit-elle. – Oui, madame.

Quesepasse-t-il donc,monDieu ? demanda leduc. – Retournez chezvous, François, etvous apprendrez asseztôtlanouvelle. D’Alençon n’étaitpasaussi ignorant del’aventure queCatherine lesupposait.

Auxpremiers pasretentissant dans lecorridor, ilavait écouté.

Voyantentrerdeshommes chezleroi deNavarre, ilavait, enrapprochant cefait. »

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