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Mais, puisque Votre Altesse m'assure que La Mole n'est pas mort et que Sa Majesté doit savoir où il est, je vais faire provision de courage et aller la trouver.

Publié le 04/11/2013

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Mais, puisque Votre Altesse m'assure que La Mole n'est pas mort et que Sa Majesté doit savoir où il est, je vais faire provision de courage et aller la trouver. - Va, mon ami, va, dit le duc François. Et quand tu auras des nouvelles, donne-m'en à moi-même ; car je suis en vérité aussi inquiet que toi. Seulement souviens-toi d'une chose, Coconnas... - Laquelle ? - Ne dis pas que tu viens de ma part, car en commettant cette imprudence tu pourrais bien ne rien apprendre. - Monseigneur, dit Coconnas, du moment où Votre Altesse me recommande le secret sur ce point, je serai muet comme une tanche ou comme la reine mère. « Bon prince, excellent prince, prince magnanime », murmura Coconnas en se rendant chez la reine de Navarre. Marguerite attendait Coconnas, car le bruit de son désespoir était arrivé jusqu'à elle, et en apprenant par quels exploits ce désespoir s'était signalé, elle avait presque pardonné à Coconnas la façon quelque peu brutale dont il traitait son amie madame la duchesse de Nevers, à laquelle le Piémontais ne s'était point adressé à cause d'une grosse brouille existant déjà depuis deux ou trois jours entre eux. Il fut donc introduit chez la reine aussitôt qu'annoncé. Coconnas entra, sans pouvoir surmonter ce certain embarras dont il avait parlé à d'Alençon qu'il éprouvait toujours en face de la reine, et qui lui était bien plus inspiré par la supériorité de l'esprit que par celle du rang ; ais Marguerite l'accueillit avec un sourire qui le rassura tout d'abord. - Eh ! madame, dit-il, rendez-moi mon ami, je vous en supplie, ou dites-moi tout au moins ce qu'il est evenu ; car sans lui je ne puis pas vivre. Supposez Euryale sans Nisus, Damon sans Pythias, ou Oreste sans ylade, et ayez pitié de mon infortune en faveur d'un des héros que je viens de vous citer, et dont le coeur, je vous e jure, ne l'emportait pas en tendresse sur le mien. Marguerite sourit, et après avoir fait promettre le secret à Coconnas, elle lui raconta la fuite par la fenêtre. uant au lieu de son séjour, si instantes que fussent les prières du Piémontais, elle garda sur ce point le plus rofond silence. Cela ne satisfaisait qu'à demi Coconnas ; aussi se laissa-t-il aller à des aperçus diplomatiques de a plus haute sphère. Il en résulta que Marguerite vit clairement que le duc d'Alençon était de moitié dans le ésir qu'avait son gentilhomme de connaître ce qu'était devenu La Mole. - Eh bien, dit la reine, si vous voulez absolument savoir quelque chose de positif sur le compte de votre ami, emandez au roi Henri de Navarre, c'est le seul qui ait le droit de parler ; quant à moi, tout ce que je puis vous dire, c'est que celui que vous cherchez est vivant : croyez-en ma parole. - J'en crois une chose plus certaine encore, madame, répondit Coconnas, ce sont vos beaux yeux qui n'ont oint pleuré. Puis, croyant qu'il n'y avait rien à ajouter à une phrase qui avait le double avantage de rendre sa pensée et d'exprimer la haute opinion qu'il avait du mérite de La Mole, Coconnas se retira en ruminant un accommodement avec madame de Nevers, non pas pour elle personnellement, mais pour savoir d'elle ce qu'il 'avait pu savoir de Marguerite. Les grandes douleurs sont des situations anormales dont l'esprit secoue le joug aussi vite qu'il lui est ossible. L'idée de quitter Marguerite avait d'abord brisé le coeur de La Mole ; et c'était bien plutôt pour sauver a réputation de la reine que pour préserver sa propre vie qu'il avait consenti à fuir. Aussi dès le lendemain au soir était-il revenu à Paris pour revoir Marguerite à son balcon. Marguerite, de son côté, comme si une voix secrète lui eût appris le retour du jeune homme, avait passé toute la soirée à sa fenêtre ; il en résulta que tous deux s'étaient revus avec ce bonheur indicible qui accompagne les jouissances défendues. Il y a même plus : l'esprit mélancolique et romanesque de La Mole trouvait un certain charme à ce contretemps. Cependant, comme l'amant véritablement épris n'est heureux qu'un moment, celui pendant lequel il voit ou possède, et souffre pendant tout le temps de l'absence, La Mole, ardent de revoir Marguerite, s'occupa d'organiser au plus vite, l'événement qui devait la lui rendre, c'est-à-dire la fuite du roi de Navarre. Quant à Marguerite, elle se laissait, de son côté, aller au bonheur d'être aimée avec un dévouement si pur. Souvent elle s'en voulait de ce qu'elle regardait comme une faiblesse ; elle, cet esprit viril, méprisant les pauvretés de l'amour vulgaire, insensible aux minuties qui en font pour les âmes tendres le plus doux, le plus délicat, le plus désirable de tous les bonheurs, elle trouvait sa journée sinon heureusement remplie, du moins heureusement terminée, quand vers neuf heures, paraissant à son balcon vêtue d'un peignoir blanc, elle apercevait sur le quai, dans l'ombre, un cavalier dont la main se posait sur ses lèvres, sur son coeur ; c'était alors une toux significative, qui rendait à l'amant le souvenir de la voix aimée. C'était quelquefois aussi un billet vigoureusement lancé par une petite main et qui enveloppait quelque bijou précieux, mais bien plus précieux encore pour avoir appartenu à celle qui l'envoyait que pour la matière qui lui donnait sa valeur, et qui allait résonner sur le pavé à quelques pas du jeune homme. Alors La Mole, pareil à un milan, fondait sur cette proie, la serrait dans son sein, répondait par la même voie, et Marguerite ne quittait son balcon qu'après avoir entendu se perdre dans la nuit les pas du cheval poussé à toute bride pour venir, et qui, pour s'éloigner, semblait d'une matière aussi inerte que le fameux colosse qui perdit Troie. Voilà pourquoi la reine n'était pas inquiète du sort de La Mole, auquel, du reste, de peur que ses pas ne fussent épiés, elle refusait opiniâtrement tout autre rendez-vous que ces entrevues à l'espagnole, qui duraient epuis sa fuite et se renouvelaient dans la soirée de chacun des jours qui s'écoulaient dans l'attente de la réception des ambassadeurs, réception remise à quelques jours, comme on l'a vu, par les ordres exprès d'Ambroise Paré. La veille de cette réception, vers neuf heures du soir, comme tout le monde au Louvre était préoccupé des préparatifs du lendemain, Marguerite ouvrit sa fenêtre et s'avança sur le balcon ; mais à peine y fut-elle que, ans attendre la lettre de Marguerite, La Mole, plus pressé que de coutume, envoya la sienne, qui vint, avec son dresse accoutumée, tomber aux pieds de sa royale maîtresse. Marguerite comprit que la missive devait renfermer quelque chose de particulier, elle rentra pour la lire. Le billet, sur le recto de la première page, renfermait ces mots : « Madame, il faut que je parle au roi de Navarre. L'affaire est urgente. J'attends. » Et sur le second recto ces mots, que l'on pouvait isoler des premiers en séparant les deux feuilles : « Madame et ma reine, faites que je puisse vous donner un de ces baisers que je vous envoie. J'attends. » Marguerite achevait à peine cette seconde partie de la lettre, qu'elle entendit la voix de Henri de Navarre qui, avec sa réserve habituelle, frappait à la porte commune, et demandait à Gillonne s'il pouvait entrer. La reine divisa aussitôt la lettre, mit une des pages dans son corset, l'autre dans sa poche, courut à la fenêtre qu'elle ferma, et s'élançant vers la porte : - Entrez, Sire, dit-elle. Si doucement, si promptement, si habilement que Marguerite eût fermé cette fenêtre, la commotion en était arrivée jusqu'à Henri, dont les sens toujours tendus avaient, au milieu de cette société dont il se défiait si fort, presque acquis l'exquise délicatesse où ils sont portés chez l'homme vivant dans l'état sauvage. Mais le roi de Navarre n'était pas un de ces tyrans qui veulent empêcher leurs femmes de prendre l'air et de contempler les étoiles. Henri était souriant et gracieux comme d'habitude. - Madame, dit-il, tandis que nos gens de cour essaient leurs habits de cérémonie, je pense à venir échanger avec vous quelques mots de mes affaires, que vous continuez de regarder comme les vôtres, n'est-ce pas ? - Certainement, monsieur, répondit Marguerite, nos intérêts ne sont-ils pas toujours les mêmes ? - Oui, madame, et c'est pour cela que je voulais vous demander ce que vous pensez de l'affectation que M. le duc d'Alençon met depuis quelques jours à me fuir, à ce point que depuis avant-hier il s'est retiré à SaintGermain. Ne serait-ce pas pour lui soit un moyen de partir seul, car il est peu surveillé, soit un moyen de ne point partir du tout ? Votre avis, s'il vous plaît, madame ? il sera, je vous l'avoue, d'un grand poids pour affermir le mien. - Votre Majesté a raison de s'inquiéter du silence de mon frère. J'y ai songé aujourd'hui toute la journée, et mon avis est que, les circonstances ayant changé, il a changé avec elles. - C'est-à-dire, n'est-ce pas, que, voyant le roi Charles malade, le duc d'Anjou roi de Pologne, il ne serait pas fâché de demeurer à Paris pour garder à vue la couronne de France ? - Justement. - Soit. Je ne demande pas mieux, dit Henri, qu'il reste ; seulement cela change tout notre plan ; car il me faut, pour partir seul, trois fois les garanties que j'aurais demandées pour partir avec votre frère, dont le nom et la présence dans l'entreprise me sauvegardaient. Ce qui m'étonne seulement, c'est de ne pas entendre parler de M. de Mouy. Ce n'est point son habitude de demeurer ainsi sans bouger. N'en auriez-vous point eu des nouvelles, madame ? - Moi, Sire ! dit Marguerite étonnée ; et comment voulez-vous ?... - Eh ! pardieu, ma mie, rien ne serait plus naturel ; vous avez bien voulu, pour me faire plaisir, sauver la vie au petit La Mole... Ce garçon a dû aller à Mantes... et quand on y va, on en peut bien revenir... - Ah ! voilà qui me donne la clef d'une énigme dont je cherchais vainement le mot, répondit Marguerite. J'avais laissé la fenêtre ouverte, et j'ai trouvé, en rentrant, sur mon tapis, une espèce de billet. - Voyez-vous cela ! dit Henri. - Un billet auquel d'abord je n'ai rien compris, et auquel je n'ai attaché aucune importance, continua Marguerite ; peut-être avais-je tort et vient-il de ce côté-là. - C'est possible, dit Henri ; j'oserais même dire que c'est probable. Peut-on voir ce billet ? - Certainement, Sire, répondit Marguerite en remettant au roi celle des deux feuilles de papier qu'elle avait introduite dans sa poche. Le roi jeta les yeux dessus. - N'est-ce point l'écriture de M. de La Mole ? dit-il. - Je ne sais, répondit Marguerite ; le caractère m'en a paru contrefait. - N'importe, lisons, dit Henri. Et il lut : « Madame, il faut que je parle au roi de Navarre. L'affaire est urgente. J'attends. » - Ah ! oui-da ! ... continua Henri. Voyez-vous, il dit qu'il attend ! - Certainement je le vois..., dit Marguerite. Mais que voulez-vous ? - Eh ! ventre-saint-gris, je veux qu'il vienne.

« fussent épiés,ellerefusait opiniâtrement toutautre rendez-vous quecesentrevues àl’espagnole, quiduraient depuis safuite etse renouvelaient danslasoirée dechacun desjours quis’écoulaient dansl’attente dela réception desambassadeurs, réceptionremiseàquelques jours,comme onl’avu, par lesordres exprès d’Ambroise Paré. La veille decette réception, versneuf heures dusoir, comme toutlemonde auLouvre étaitpréoccupé des préparatifs dulendemain, Margueriteouvritsafenêtre ets’avança surlebalcon ; maisàpeine yfut-elle que, sans attendre lalettre deMarguerite, LaMole, pluspressé quedecoutume, envoyalasienne, quivint, avecson adresse accoutumée, tomberauxpieds desaroyale maîtresse.

Marguerite compritquelamissive devait renfermer quelquechosedeparticulier, ellerentra pourlalire. Le billet, surlerecto delapremière page,renfermait cesmots : « Madame, ilfaut quejeparle auroi deNavarre.

L’affaireesturgente.

J’attends. » Et sur lesecond rectocesmots, quel’on pouvait isolerdespremiers enséparant lesdeux feuilles : « Madame etma reine, faitesquejepuisse vousdonner undeces baisers quejevous envoie.

J’attends. » Marguerite achevaitàpeine cetteseconde partiedelalettre, qu’elle entendit lavoix deHenri deNavarre qui, avec saréserve habituelle, frappaitàla porte commune, etdemandait àGillonne s’ilpouvait entrer. La reine divisa aussitôt lalettre, mitune despages danssoncorset, l’autredanssapoche, courutàla fenêtre qu’elle ferma,ets’élançant verslaporte : – Entrez, Sire,dit-elle. Si doucement, sipromptement, sihabilement queMarguerite eûtfermé cettefenêtre, lacommotion enétait arrivée jusqu’à Henri,dontlessens toujours tendusavaient, aumilieu decette société dontilse défiait sifort, presque acquisl’exquise délicatesse oùilssont portés chezl’homme vivantdansl’état sauvage.

Maisleroi de Navarre n’étaitpasundeces tyrans quiveulent empêcher leursfemmes deprendre l’airetde contempler les étoiles.

Henri étaitsouriant etgracieux commed’habitude. – Madame, dit-il,tandis quenosgens decour essaient leurshabits decérémonie, jepense àvenir échanger avec vous quelques motsdemes affaires, quevous continuez deregarder commelesvôtres, n’est-ce pas ? – Certainement, monsieur,réponditMarguerite, nosintérêts nesont-ils pastoujours lesmêmes ? – Oui, madame, etc’est pour celaquejevoulais vousdemander ceque vous pensez del’affectation queM. le duc d’Alençon metdepuis quelques joursàme fuir, àce point quedepuis avant-hier ils’est retiré àSaint- Germain.

Neserait-ce paspour luisoit unmoyen departir seul,carilest peu surveillé, soitunmoyen dene point partir dutout ? Votreavis,s’ilvous plaît, madame ? ilsera, jevous l’avoue, d’ungrand poidspouraffermir le mien. – Votre Majesté araison des’inquiéter dusilence demon frère.

J’yaisongé aujourd’hui toutelajournée, et mon avisestque, lescirconstances ayantchangé, ilachangé avecelles. – C’est-à-dire, n’est-cepas,que, voyant leroi Charles malade, leduc d’Anjou roidePologne, ilne serait pas fâché dedemeurer àParis pourgarder àvue lacouronne deFrance ? – Justement. – Soit.

Jene demande pasmieux, ditHenri, qu’ilreste ; seulement celachange toutnotre plan ; carilme faut, pour partir seul,troisfoislesgaranties quej’aurais demandées pourpartir avecvotre frère, dontlenom et la présence dansl’entreprise mesauvegardaient.

Cequi m’étonne seulement, c’estdene pas entendre parlerde M. de Mouy.

Cen’est point sonhabitude dedemeurer ainsisansbouger.

N’enauriez-vous pointeudes nouvelles, madame ? – Moi, Sire!dit Marguerite étonnée ;etcomment voulez-vous ?… – Eh !pardieu, mamie, rienneserait plusnaturel ; vousavezbienvoulu, pourmefaire plaisir, sauverlavie au petit LaMole… Cegarçon adû aller àMantes… etquand onyva, onenpeut bienrevenir… – Ah !voilà quimedonne laclef d’une énigme dontjecherchais vainement lemot, répondit Marguerite. J’avais laissélafenêtre ouverte, etj’ai trouvé, enrentrant, surmon tapis, uneespèce debillet. – Voyez-vous cela!dit Henri. – Un billet auquel d’abord jen’ai rien compris, etauquel jen’ai attaché aucuneimportance, continua Marguerite ; peut-êtreavais-jetortetvient-il dececôté-là. – C’est possible, ditHenri ; j’oserais mêmedirequec’est probable.

Peut-onvoircebillet ? – Certainement, Sire,répondit Marguerite enremettant auroi celle desdeux feuilles depapier qu’elle avait introduite danssapoche. Le roi jeta lesyeux dessus. – N’est-ce pointl’écriture deM. de La Mole ?dit-il. – Je ne sais, répondit Marguerite ; lecaractère m’enaparu contrefait. – N’importe, lisons,ditHenri.

Etillut : « Madame, ilfaut quejeparle auroi deNavarre.

L’affaireest urgente.

J’attends. » – Ah !oui-da !… continua Henri.Voyez-vous, ildit qu’il attend ! – Certainement jelevois…, ditMarguerite.

Maisquevoulez-vous ? – Eh !ventre-saint-gris, jeveux qu’ilvienne.. »

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