Maris Stella. Les Trophées

Les marins de la côte bretonne sont partis depuis quelques jours pour la grande pèche (Terre-Neuve ou Islande). La mer, ce soir, est très mauvaise, et les femmes éprouvent un profond sentiment d'angoisse.

Sous les coiffes de lin, toutes, croisant les bras Vêtus de laine rude ou de mince percale, Les femmes, à genoux sur le roc de la cale, Regardent l'Océan blanchir l'île de Batz. Les hommes, pères, fils, maris, amants, là-bas, Avec ceux de Paimpol, d'Audierne et de Cancale, Vers le Nord, sont partis pour la lointaine escale. Que de hardis pêcheurs qui ne reviendront pas! Par-dessus la rumeur de la mer et des côtes Le chant plaintif s'élève, invoquant à voix hautes L'Étoile sainte, espoir des marins en péril; Et l'Angélus, courbant tous ces fronts noirs de hâle, Des clochers de Roscoff à ceux de Sybiril S'envole, tinte et meurt dans le ciel rose et pâle.

(Les Trophées, A. Lemerre, éditeur.)

QUESTIONS D'EXAMEN

I. — L'ensemble. — Tableau d'un caractère profondément religieux : une vision de femmes de marins en prière. — Quel est le cadre de ce tableau? (L'entrée du port, le vaste Océan...) ; A quel moment de la journée sont représentées les femmes bretonnes? (Le soir, à l'approche d'une nuit qu'elles redoutent...); Quelle est leur attitude, — tout d'abord? — puis, quand l'étoile de la mer paraît au firmament? Toutes, croisant les bras, sont à genoux et regardent l'Océan...; Elles chantent, invoquant à voix hautes et avec une ardente ferveur l'Étoile sainte...; — courbant la tête quand sonne l'Angélus...); Quel sentiment implique, chez les femmes bretonnes, une telle attitude? (Un profond sentiment d'angoisse — angoisse muette tout d'abord, — puis angoisse se traduisant par une fervente invocation...); 50 Quelle impression laisse en vous la lecture de cette poésie?

II. —L'analyse du sonnet. — Distinguez les différentes parties du sonnet, au point de vue du fond : a) La présentation des femmes bretonnes (leur vêtement: coiffes de lin qui surmontent des visages noirs de hâle, robes de laine rude ou de mince percale... ; en faire remarquer la couleur locale); — b) Leur attitude (Elles croisent les bras, sont à genoux et regardent l'Océan blanchir l'île de Batz (pourquoi blanchir? — insister aussi sur toutes (toutes, croisant les bras...); — c) Le sentiment d'angoisse (2e quatrain), — qu'exprime avec tant de force le dernier vers; — L'ardente invocation des lemmes bretonnes (1er tercet).  — d) Faire remarquer que, toujours à genoux, toujours en face de la mer et du ciel, elles attendent, pour chanter, que s'allume au firmament une étoile : l'étoile de la mer, — et que cette ardente invocation domine la rumeur de la mer et des côtes, pourtant puissante, ce soir-là); — e) La sonnerie de l'Angélus, — qui courbe les fronts, et qui s'harmonise si bien avec la ferveur religieuse des femmes bretonnes (2e tercet).

III. — Le style; — les expressions. — Quels vous paraissent être les caractères distinctifs, dans ce sonnet ? (La précision : ... toutes, croisant les bras, vêtus de laine rude..., — le pittoresque : sous les coiffes de lin, — les femmes à genoux... regardent l'Océan... ; la souplesse : s'envole, tinte et meurt... ; l'harmonie : faire remarquer la sonorité musicale du vers : Des clochers de Roscoff à ceux de Sybiril...); Ne trouve-t-on pas l'expression maris stella dans une hymne religieuse? (Oui, dans l'hymne Ave, maris stella : Salut, Étoile de la mer !...); Montrez la gradation décroissante, dans : S'envole, tinte et meurt (dernier vers). IV. — La grammaire. — Indiquez un composé, puis un dérivé de bras, — et quelques mots de la même famille que escale; 20 Distinguez les propositions contenues dans les deux tercets (nature de chacune d'elles).

Rédaction. — Un navire qui rentre au port est passé à quelque distance du bateau transportant à Terre-Neuve les pêcheurs bretons; le bateau voguait sans danger, et quelques pêcheurs chantaient. Faites parler quelques-uns des marins qui débarquent; peignez la joie des femmes bretonnes.