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Marivaux, le Jeu de l'amour et du hasard (extrait) - anthologie du théâtre.

Publié le 14/05/2013

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Marivaux, le Jeu de l'amour et du hasard (extrait) - anthologie du théâtre. Silvia n'est pas prête à accepter le mariage de convenance que son père, Orgon, lui a préparé avec un gentilhomme inconnu. Elle décide de prendre le rôle et l'habit de sa femme de chambre, Lisette, afin de juger librement du futur époux, Dorante. De son côté, ce dernier a eu la même idée et a revêtu l'habit de son valet Bourguignon. Dans cet extrait, Silvia et Dorante sont travestis à l'insu l'un de l'autre : c'est le premier tête-à-tête entre la fausse soubrette et le faux valet. Le Jeu de l'amour et du hasard de Marivaux SILVIA, à part. -- Ils se donnent la comédie ; n'importe, mettons tout à profit ; ce garçon-là n'est pas sot, et je ne plains pas la soubrette qui l'aura ; il va m'en conter, laissons-le dire, pourvu qu'il m'instruise. à part. -- Cette fille m'étonne ! Il n'y a point de femme au monde à qui sa physionomie ne fit honneur : lions connaissance avec elle. (Haut.) Puisque nous sommes dans le style amical et que nous avons abjuré les façons, dismoi, Lisette, ta maîtresse te vaut-elle ? Elle est bien hardie d'oser avoir une femme de chambre comme toi ! DORANTE, SILVIA. -- Bourguignon, cette question-là m'annonce que, suivant la coutume, tu arrives avec l'intention de me dire des douceurs : n'est-ce pas vrai ? DORANTE. -- Ma foi, je n'étais pas venu dans ce dessein-là, je te l'avoue ; tout valet que je suis, je n'ai jamais eu de grandes liaisons avec les soubrettes, je n'aime pas l'esprit domestique ; mais, à ton égard, c'est une autre affaire : comment donc !...
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« SILVIA , à part. — Mais, en vérité, voilà un garçon qui me surprend, malgré que j'en aie (Haut.) Dis-moi, qui es-tu, toi qui me parles ainsi ? DORANTE .

— Le fils d'honnêtes gens qui n'étaient pas riches. SILVIA .

— Va, je te souhaite de bon cœur une meilleure situation que la tienne, et je voudrais pouvoir y contribuer ; la fortune a tort avec toi. DORANTE .

— Ma foi, l'amour a plus tort qu'elle ; j'aimerais mieux qu'il me fût permis de te demander ton cœur, que d'avoir tous les biens du monde. SILVIA , à part. — Nous voilà, grâce au ciel, en conversation réglée.

(Haut.) Bourguignon, je ne saurais me fâcher des discours que tu me tiens ; venons à ton maître ; tu peux te passer de me parler d'amour, je pense ? DORANTE .

— Tu pourrais bien te passer de m'en faire sentir, toi. SILVIA .

— Aïe ! je me fâcherai ; tu m'impatientes.

Encore une fois, laisse-là ton amour. DORANTE .

— Quitte donc ta figure. SILVIA , à part. — À la fin, je crois qu'il m'amuse… (Haut.) Eh bien, Bourguignon, tu ne veux donc pas finir ? faudra-t-il que je te quitte ? (À part.) Je devrais l'avoir fait. DORANTE .

— Attends, Lisette, je voulais moi-même te parler d'autre chose ; mais je ne sais plus ce que c'est. SILVIA .

— J'avais de mon côté quelque chose à te dire ; mais tu m'as fait perdre mes idées aussi, à moi. DORANTE .

— Je me rappelle de t’avoir demandé si ta maîtresse te valait. SILVIA .

— Tu reviens à ton chemin par un détour ; adieu. DORANTE .

— Eh ! non, te dis-je, Lisette ; il ne s'agit ici que de mon maître. SILVIA .

— Eh bien, soit ! je voulais te parler de lui aussi et j'espère que tu voudras bien me dire confidemment ce qu'il est ; ton attachement pour lui m'en donne bonne opinion ; il faut qu'il ait du mérite, puisque tu le sers. DORANTE .

— Tu me permettras peut-être de te remercier de ce que tu me dis là, par exemple ? SILVIA .

— Veux-tu bien ne prendre pas garde à l'imprudence que j'ai eue de le dire ? DORANTE .

— Voilà encore de ces réponses qui m'emportent.

Fais comme tu voudras, je n'y résiste point, et je suis bien malheureux de me trouver arrêté par tout ce qu'il y a de plus aimable au monde. SILVIA .

— Et moi, je voudrais bien savoir comment il se fait que j'ai la bonté de t'écouter ; car, assurément, cela est singulier. DORANTE .

— Tu as raison, notre aventure est unique. SILVIA , à part.

— Malgré tout ce qu'il m'a dit, je ne suis point partie, je ne pars point, me voilà encore, et je réponds ! En vérité, cela passe la raillerie.

(Haut.) Adieu. DORANTE .

— Achevons donc ce que nous voulions dire. SILVIA .

— Adieu, te dis-je ; plus de quartier ; quand ton maître sera venu, je tâcherai, en faveur de ma maîtresse, de le connaître par moi-même s'il en vaut la peine. […] Source : Marivaux, le Jeu de l’amour et du hasard, 1730. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation.

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