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Marx, l’Idéologie allemande (extrait)

Publié le 14/04/2013

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En pleine révolution industrielle, Karl Marx décrit, avec l’Idéologie allemande, la façon dont le droit est tributaire de l’organisation des rapports de production. Aussi, dire que le droit est le fruit de la volonté n’est qu’une illusion. De même, tenir les hommes libres de choisir leurs engagements et le contenu de ces engagements est erroné : tout le droit et tous les rapports juridiques sont déterminés par l’appropriation des moyens de production.

L’Idéologie allemande de Karl Marx

 

L’État étant donc la forme par laquelle les individus d’une classe dominante font valoir leurs intérêts communs et dans laquelle se résume toute la société civile d’une époque, il s’ensuit que toutes les institutions communes passent par l’intermédiaire de l’État et reçoivent une forme politique. De là, l’illusion que la loi repose sur la volonté et, qui mieux est, sur une volonté libre, détachée de sa base concrète. De même, on ramène à son tour le droit à la loi.

 

 

La dissolution de la communauté naturelle engendre le droit privé ainsi que la propriété privée, qui se développent simultanément. Chez les Romains, le développement de la propriété privée et du droit privé n’eut aucune autre conséquence industrielle ou commerciale parce que tout leur mode de production restait le même. Chez les peuples modernes où l’industrie et le commerce amenèrent la dissolution de la communauté féodale, la naissance de la propriété privée et du droit privé marqua le début d’une phase nouvelle susceptible d’un développement ultérieur. Amalfi, première ville du Moyen Âge qui eut un commerce maritime étendu, fut aussi la première à élaborer le droit maritime. En Italie d’abord et plus tard dans d’autres pays, dès que le commerce et l’industrie eurent amené un développement plus considérable de la propriété privée, on reprit immédiatement le droit privé des Romains déjà élaboré, qui fut élevé au rang d’autorité. Plus tard, lorsque la bourgeoisie eut acquis assez de puissance pour que les princes se chargent de ses intérêts, utilisant cette bourgeoisie comme un instrument pour renverser la classe féodale, le développement proprement dit du droit commença dans tous les pays — en France au XVIe siècle —, et dans tous les pays, à l’exception de l’Angleterre, ce développement s’accomplit sur les bases du droit romain. Même en Angleterre, on dut introduire des principes du droit romain (en particulier pour la propriété mobilière) pour continuer à perfectionner le droit privé. (N’oublions pas que le droit n’a pas davantage que la religion une histoire qui lui soit propre.)

 

 

Dans le droit privé, on exprime les rapports de propriété existants comme étant le résultat d’une volonté générale. Le jus utendi et abutendi lui-même exprime d’une part le fait que la propriété privée est devenue complètement indépendante de la communauté et, d’autre part, l’illusion que la propriété privée elle-même repose sur la seule volonté privée, sur la libre disposition des choses. En pratique, l’abuti a des limites économiques très déterminées pour le propriétaire privé s’il ne veut pas voir sa propriété, et avec elle son jus abutendi, passer dans d’autres mains ; car, somme toute, la chose, considérée uniquement dans ses rapports avec sa volonté, n’est rien du tout, mais devient seulement dans le commerce, et indépendamment du droit, une chose, une propriété réelle (un rapport, ce que les philosophes appellent une idée). Cette illusion juridique, qui réduit le droit à la seule volonté, aboutit fatalement, dans la suite du développement des rapports de propriété, au fait que quelqu’un peut avoir un titre juridique à une chose sans détenir réellement la chose. Mettons, par exemple, que la rente d’un terrain soit supprimée par la concurrence, le propriétaire de ce terrain conserve bien son titre juridique à ce terrain ainsi que son jus utendi et abutendi. Mais il ne peut rien en faire, il ne possède rien en tant que propriétaire foncier s’il lui arrive de ne pas posséder par surcroît assez de capitaux pour conserver son terrain. Cette même illusion des juristes explique que, pour eux ainsi que pour tout code juridique, il apparaît comme une pure contingence que des individus entrent en rapports entre eux, par contrat par exemple, et qu’à leurs yeux des rapports de ce genre passent pour être de ceux auxquels on [peut] souscrire ou non, selon son gré, et dont le contenu repose entièrement sur la volonté arbitraire et individuelle des contractants.

 

 

Chaque fois que le développement de l’industrie et du commerce a créé de nouvelles formes d’échanges, par exemple, compagnies d’assurances et autres, le droit a été régulièrement obligé de les intégrer dans les modes d’acquisition de la propriété.

 

 

Source : Marx (Karl), l’Idéologie allemande, Paris, Éditions Sociales, 1971.

 

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