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Mirabeau, sur la liberté de la presse

Publié le 14/04/2013

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mirabeau

 (1789)

Des premières heures de la Révolution jusqu’à la promulgation de la loi de 1881, toujours en vigueur, la liberté de la presse est devenue un puissant enjeu du débat politique. Le 10 mai 1789, trois jours après l’interdiction du Journal des États Généraux sur l'ordre du Conseil du roi, Mirabeau rappelle que le respect de cette liberté fondamentale permet une vraie tolérance et un authentique débat politique national. Aussi s’adresse-t-il à ses « commettants «, ceux dont il représente les intérêts, pour fustiger la censure royale qui appose « un scellé sur les pensées « et privilégie « le trafic du mensonge «.

Discours de Mirabeau sur la liberté de la presse

 

[…] Le ministère vient de donner le scandale public de deux arrêts du Conseil, dont l’un, au mépris du caractère avoué de ses rédacteurs, supprime la feuille des États généraux, et dont l’autre défend la publication des écrits périodiques.

 

 

Il est donc vrai que, loin d’affranchir la Nation, on ne cherche qu’à river ses fers ! Que c’est en face de la Nation assemblée qu’on ose produire ces décrets auliques, où l’on attente à ses droits les plus sacrés : et que joignant l’insulte à la dérision, on a l’incroyable impéritie de lui faire envisager cet acte de despotisme et d’iniquité ministériels, comme un provisoire utile à ses intérêts !

 

 

Il est heureux, Messieurs, qu’on ne puisse imputer au Monarque ces proscriptions, que les circonstances rendent encore plus criminelles. Personne n’ignore aujourd’hui que les arrêts du Conseil sont des faux éternels, où les ministres se permettent d’apposer le sceau du Roi : on ne prend pas même la peine de déguiser cette étrange malversation ; tant il est vrai que nous en sommes au point où les formes les plus despotiques marchent aussi rondement qu’une administration légale !

 

 

Vingt-cinq millions de voix réclament la liberté de la presse ; la Nation et le Roi demandent unanimement le concours de toutes les lumières. Eh bien ! c’est alors qu’on nous présente un veto ministériel : c’est alors qu’après nous avoir leurrés d’une tolérance illusoire et perfide, un ministère, soi-disant populaire, ose effrontément mettre le scellé sur nos pensées, privilégier le trafic du mensonge, et traiter comme objet de contrebande l’indispensable exportation de la pensée. […]

 

 

[…] Je regarde donc, Messieurs, comme le devoir le plus essentiel de l’honorable mission dont vous m’avez chargé, celui de vous prémunir contre ces coupables manœuvres : on doit voir que leur règne est fini, qu’il est temps de prendre une autre allure, ou s’il est vrai que l’on n’ait assemblé la Nation que pour consommer avec plus de facilité le crime de sa mort politique et morale, que ce ne soit pas du moins en affectant de vouloir la régénérer. Que la tyrannie se montre avec franchise, et nous verrons alors si nous devons nous roidir, ou nous envelopper la tête.

 

 

Source : Mirabeau (comte de), « Vingt-cinq millions de voix réclament la liberté de la presse «, lettre du 10 mai 1789, cité dans Godechot (J.), la Pensée révolutionnaire en France et en Europe, 1780-1799, Paris, Armand Colin, 1964.

 

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