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Multitude, solitude

Publié le 20/06/2012

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«Sentiment de solitude dès mon enfance... Sentiment de destinée éternellement solitaire « (Mon coeur mis à nu, XII). Ce sentiment, où se mêlent l'angoisse du rejet et le sens de la différence, est une des composantes du « Spleen « baudelairien et s'exprime dans de nombreux poèmes des Fleurs du Mal. La parenté morale avec les délaissés, avec les exilés, aspirant aux «Paradis« du souvenir ou de l'au-delà, lui inspire en particulier les grands poèmes des Tableaux parisiens. Parallèlement, depuis 1855, Baudelaire explore une voie nouvelle et rêve «le miracle d'une prose poétique, musicale sans rythme et sans rime, assez souple et assez heurtée pour s'adapter aux mouvements lyriques de l'âme, aux ondulations de la rêverie, aux soubresauts de la conscience « (Lettre à Arsène Houssaye). Quelques poèmes furent publiés dans des revues ou journaux, mais sans succès, et le recueil ne fut jamais achevé. En 1863, Baudelaire qui avait d'abord pensé l'appeler : Le Promeneur solitaire ou Le Rôdeur parisien, avait trouvé le titre sous lequel il fut finalement publié, deux ans après la mort du poète : Le Spleen de Paris est «l'ivresse religieuse des grandes villes « (Fusées) qui inspire Les Foules.

« MULTITUDE, SOLITUDE 67 Multitude, solitude : termes égaux et convertibles par k poi.·te actif et fécond.

Qui ne sait pas peupler sa solitude, ne sait pas non plus être seul dans une f(Jule affairée.

Le poète jouit de cet incomparable privilège, qu'il peut à s,l guise être lui-même et autrui.

Comme ces âmes errantes qui cherchent un corps, il entre, quand il veut.

dans le personnage de chacun.

Pour lui seul tout est vacant; et si de certaines places paraissent lui être fermées, c'est qu'à ses yeux elles ne valent pas la peine d'être visitées.

Le promeneur solitaire et pensif tire une singulière ivresse de cette universelle communion.

Celui-là qui épouse facilement la foule connaît des jouissances fiévreuses, dont seront éternelle­ ment privés l'égoïste, fermé comme un coffre, et le paresseux, interné comme un mollusque.

Il adopte comme siennes toutes les professions, toutes les joies et toutes les misères que la circonstance lui présente.

Ce que les hommes nomment amour est bien petit, bien restreint et bien faible, comparé à cette ineffable orgie, à cette sainte prostitution de l'âme qui se donne tout entière, poésie et charité, à l'imprévu qui se montre, à l'inconnu qui passe.

Il est bon d'apprendre quelquefois aux heureux de ce monde, ne fùt-ce que pour humilier un instant leur sot orgueil, qu'il est des bonheurs supérieurs au leur, plus vastes et plus raffinés.

Les fondateurs de colonies, les pasteurs de peuples, les prêtres missionnaires exilés au bout du monde, connaissent sans doute quelque chose de ces mystérieuses ivresses; et, au sein de la vaste famille que leur génie s'est faite, ils doivent rire quelquefois de ceux qui les plaignent pour leur fortune si agitée et pour leur vie si chaste.

BAUDELAIRE, Le Spleen de Paris.

XII, Les Foules.

Le Livre de Poche classique.

questions 1 Le cadre : comparer le décor de la solitude chez les romantiques et chez Baudelaire.

2 Les sentiments: tempérament et démarche du poète selon Baudelaire (cf.

Le Spleen de Paris, XXXV, Les Fenêtres).. »

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