Notre Dame de Paris Sonneur de cloches à Notre-Dame, répondit Quasimodo, croyant qu'il s'agissait d'expliquer au juge qui il était.
Publié le 12/04/2014
Extrait du document
«
II.
LE TROU AUX RATS
Que le lecteur nous permette de le ramener à la place de Grève, que nous avons quittée hier avec Gringoire
pour suivre la Esmeralda.
Il est dix heures du matin.
Tout y sent le lendemain de fête.
Le pavé est couvert de débris, rubans, chiffons,
plumes des panaches, gouttes de cire des flambeaux, miettes de la ripaille publique.
Bon nombre de bourgeois
flânent, comme nous disons, çà et là, remuant du pied les tisons éteints du feu de joie, s'extasiant devant la
Maison-aux-Piliers, au souvenir des belles tentures de la veille, et regardant aujourd'hui les clous, dernier
plaisir.
Les vendeurs de cidre et de cervoise roulent leur barrique à travers les groupes.
Quelques passants
affairés vont et viennent.
Les marchands causent et s'appellent du seuil des boutiques.
La fête, les
ambassadeurs, Coppenole, le pape des fous, sont dans toutes les bouches.
C'est à qui glosera le mieux et rira
le plus.
Et cependant, quatre sergents à cheval qui viennent de se poster aux quatre côtés du pilori ont déjà
concentré autour d'eux une bonne portion du populaire épars sur la place, qui se condamne à l'immobilité et à
l'ennui dans l'espoir d'une petite exécution.
Si maintenant le lecteur, après avoir contemplé cette scène vive et criarde qui se joue sur tous les points de la
place, porte ses regards vers cette antique maison demi-gothique, demi-romane, de la Tour-Roland qui fait
le coin du quai au couchant, il pourra remarquer à l'angle de la façade un gros bréviaire public à riches
enluminures, garanti de la pluie par un petit auvent, et des voleurs par un grillage qui permet toutefois de le
feuilleter.
À côté de ce bréviaire est une étroite lucarne ogive, fermée de deux barreaux de fer en croix,
donnant sur la place, seule ouverture qui laisse arriver un peu d'air et de jour à une petite cellule sans porte
pratiquée au rez-de-chaussée dans l'épaisseur du mur de la vieille maison, et pleine d'une paix d'autant plus
profonde, d'un silence d'autant plus morne qu'une place publique, la plus populeuse et la plus bruyante de
Paris, fourmille et glapit à l'entour.
Cette cellule était célèbre dans Paris depuis près de trois siècles que madame Rolande de la Tour-Roland, en
deuil de son père mort à la croisade, l'avait fait creuser dans la muraille de sa propre maison pour s'y enfermer
à jamais, ne gardant de son palais que ce logis dont la porte était murée et la lucarne ouverte, hiver comme
été, donnant tout le reste aux pauvres et à Dieu.
La désolée demoiselle avait en effet attendu vingt ans la mort
dans cette tombe anticipée, priant nuit et jour pour l'âme de son père, dormant dans la cendre, sans même
avoir une pierre pour oreiller, vêtue d'un sac noir, et ne vivant que de ce que la pitié des passants déposait de
pain et d'eau sur le rebord de sa lucarne, recevant ainsi la charité après l'avoir faite.
À sa mort, au moment de
passer dans l'autre sépulcre, elle avait légué à perpétuité celui-ci aux femmes affligées, mères, veuves ou
filles, qui auraient beaucoup à prier pour autrui ou pour elles, et qui voudraient s'enterrer vives dans une
grande douleur ou dans une grande pénitence.
Les pauvres de son temps lui avaient fait de belles funérailles
de larmes et de bénédictions; mais, à leur grand regret, la pieuse fille n'avait pu être canonisée sainte, faute de
protections.
Ceux d'entre eux qui étaient un peu impies avaient espéré que la chose se ferait en paradis plus
aisément qu'à Rome, et avaient tout bonnement prié Dieu pour la défunte, à défaut du pape.
La plupart
s'étaient contentés de tenir la mémoire de Rolande pour sacrée et de faire reliques de ses haillons.
La ville, de
son côté, avait fondé, à l'intention de la demoiselle, un bréviaire public qu'on avait scellé près de la lucarne de
la cellule, afin que les passants s'y arrêtassent de temps à autre, ne fût-ce que pour prier, que la prière fît
songer à l'aumône, et que les pauvres recluses, héritières du caveau de madame Rolande, n'y mourussent pas
tout à fait de faim et d'oubli.
Ce n'était pas du reste chose très rare dans les villes du moyen âge que cette espèce de tombeaux.
On
rencontrait souvent, dans la rue la plus fréquentée, dans le marché le plus bariolé et le plus assourdissant, tout
au beau milieu, sous les pieds des chevaux, sous la roue des charrettes en quelque sorte, une cave, un puits,
un cabanon muré et grillé, au fond duquel priait jour et nuit un être humain, volontairement dévoué à quelque
lamentation éternelle, à quelque grande expiation.
Et toutes les réflexions qu'éveillerait en nous aujourd'hui Notre Dame de Paris
II.
LE TROU AUX RATS 111.
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