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Octroi de franchises

Publié le 14/04/2013

Extrait du document

Apport de libertés nouvelles pour les communautés villageoises, la charte de franchise est, à l’origine, octroyée occasionnellement par le seigneur d’un domaine. Mais, avec les grands défrichements et les fondations de bourgs à partir du XIe siècle, les possédants se voient progressivement contraints à cette pratique pour éviter l’exode dans leur seigneurie.

En fixant la réglementation des relations entre le seigneur et ses sujets, la franchise inscrit la coutume par écrit et impose des obligations et devoirs respectifs, comme c’est le cas en 1250 pour les paroisses de Villeneuve-Saint-Georges, Valenton et Crosne, qui dépendent de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés. Même si cette dernière leur accorde quelques libertés, ce sont plus les contraintes de corvées, de ban, de redevances en nature ou en argent qui sont soigneusement répertoriées par les moines du domaine.

Franchises octroyées à des communautés villageoises par l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, février 1250

 

À tous ceux qui verront ces lettres, frère Thomas, par la grâce de Dieu humble ministre de Saint-Germain-des-Prés de Paris, et toute la communauté du lieu, salut éternel en Dieu. Savoir faisons que notre église était de temps immémorial en possession paisible de lever mainmorte, formariage taille à merci, tous les ans, sur les hommes de Villeneuve-Saint-Georges, de Valenton et de Crosne, et sur tous les autres manants à l’intérieur des limites paroissiales de ces villages. Après diverses tractations, les hommes de ces villages, pour leur rachat, et afin qu’eux et leurs héritiers soient désormais affranchis desdits mainmorte, formariage et taille annuelle à merci, ont bien voulu donner 1 400 livres parisis, dont nous avons été payés intégralement [...] Ils ne pourront faire de commune dans ces villages [...] sauf licence obtenue de nous ou de nos successeurs, ni appartenir à une commune tant qu’ils résideront dans ces villages [...] Ils ne pourront, par don, vente, échange ou autrement, aliéner les tenures sises dans ces villages en faveur de quelque église ou monastère, d’un ecclésiastique (sauf s’il est descendant des hommes du village), d’une commune ou d’un communier, ni d’un chevalier. Et s’il arrive à l’un d’eux d’entrer dans une commune, ou si quelque élément de tenure sis dans le terroir de ces villages passe, par héritage, legs ou autrement, en possession d’un communier, ils ne pourront se réclamer des libertés, privilèges et usages de la commune à l’encontre des charges et usages de ces tenures. Item, tout homme majeur de ces villages est tenu, à notre requête ou à celle de notre prieur de Villeneuve, de nous aider et défendre personnellement, comme un bon homme défend son seigneur [...] Tout cela, les hommes l’ont approuvé, [...] s’obligeant spécialement et perpétuellement, eux et leurs descendants. Sauf tout droit et seigneurie de nous et de notre église dans ces villages, et tous autres revenus, redevances et coutumes.

 

 

Ces coutumes sont telles :

 

 

Tous les hommes de Villeneuve-Saint-Georges et de Valenton sont tenus de mener cinq jours par an tous leurs animaux tirant charrue travailler nos terres [...] Sauf les hôtes de l’abbaye de Saint-Maur et les fieffés qui ne sont tenus qu’à quatre jours [...] Sauf les hôtes de notre communauté à Villeneuve, qui ne sont pas astreints à ces corvées [...] Nous avons à Villeneuve-Saint-Georges le ban d’un mois partant du jour de Pâques ; et, pendant tout ce mois, nous pouvons faire vendre dans notre maison, ou ailleurs, en un ou plusieurs lieux du village, par nos sergents ou par d’autres, les vins que nous voulons, et autant que nous le pouvons. Chaque masure est tenue de prendre et recevoir un setier de vin, par ban, jusqu’à la valeur de 8 deniers au moins, et, tant que dure notre ban, aucun de nos hôtes ne doit vendre du vin dans le village. Item, tous nos hôtes de Villeneuve-Saint-Georges et de Valenton doivent, par ban, moudre à notre moulin ; tous les hommes de Villeneuve doivent, par ban, cuire à nos fours, et payer un boisseau comble pour cinq mineaux de blé pendant toute l’année, et le fournage [...] Item, quiconque tient à cens des vignes ou des terres plantées en vigne, doit conduire ses cuves et sa vendange à notre cour des villages de Villeneuve et Valenton [...] Nul ne peut vendanger sans autorisation du prieur. Le jour où sera vendangée la vigne de notre clos de Villeneuve, lesdits hommes cesseront de vendanger toute autre vigne [...] Les hommes de Villeneuve-Saint-Georges fourniront draps et matelas à l’abbé chaque fois qu’il couchera au village, et assureront l’entretien de ceux de sa domesticité qui passeront la nuit au village. Item, nos hôtes de Villeneuve, résidant sur la terre de feu Eudes Rigaud, chevalier, francs de tout ban du moulin, des fours et du vin, sont astreints à une redevance annuelle, à la Saint-Denis, de 24 sous pour leur masure, avec le chevage [...]

 

 

L’année où le seigneur roi, lèvera des sous sur nous, nous pourrons lever sur ces hommes la somme que nous fixerons de bonne foi, en fonction de notre charge et de notre terre taillable. Ils ont consenti à ce que cette somme [...] soit assise et levée par douze hommes élus par la communauté de ces villages, qui jugeront devant nous ou notre prieur, avant de faire l’assise, de la faire de bonne foi, sans charger ou décharger tel plus que son dû [...] Si quelqu’un n’acquitte pas sa part, notre prieur sera tenu d’envoyer le sergent pour saisir ses biens, et par cette saisie de contraindre quiconque à payer [...]

 

 

Nous voulons que jouissent de ces franchises et libertés les hommes nommés ci-dessus, avec leur femme et leurs héritiers se trouvant en leur mainbour au moment de l’établissement de ces lettres, et ceux ou celles, quelle que soit leur origine, résidant alors dans les limites des paroisses de Villeneuve-Saint-Georges, Valenton et Crosne, et les natifs de ces paroisses qui sont en voyage ou au service d’autrui, mais qui n’ont pas encore contracté mariage ailleurs [...]

 

 

Source : Seigneurie et Féodalité, l’apogée (XIe-XIIIe siècle), Paris, Aubier, 1970.

 

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