Parole de femme - Annie Leclerc
Publié le 25/04/2011
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Résumez ou analysez le texte. Discutez un point qui vous semble particulièrement intéressant dans ce texte, après en avoir précisé les données, et exposez, en les justifiant, vos propres vues sur la question. Parole de femme - Annie Leclerc. Le statut de la femme, dans le vaste ensemble des opprimés sur lesquels l'homme fonde et entretient sa domination, est tout à fait à part et en un sens privilégié. Impossible de confondre la femme avec les autres exploités du monde, peuples et travailleurs. La femme n'est pas premièrement et fondamentalement exploitée, du moins dans nos sociétés. Et lorsqu'elle l'est, ce n'est que l'effet lointain d'un mode de domination qui est pour elle d'un type très particulier... L'homme ne peut se passer d'accorder de la valeur, aussi ambiguë soit-elle, à la femme. Et cela parce qu'il attend d'elle bien autre chose que ce qu'il prélève sur l'esclave, le nègre et le bougnoule. Ce qu'il veut d'elle, c'est de la reconnaissance... Si la vertu de l'homme est la force, la vertu de la femme s'appelle dévouement. Et ce qui opprime la femme ce n'est pas tant directement la force de l'homme que sa propre vertu qui est toujours donnée comme sa plus haute valeur : le dévouement. Ainsi, tout ce qui revient à la femme, soit culturellement, comme les soins ménagers et ceux des enfants, soit naturellement comme la maternité, doit être accompli par et avec dévouement. L'homme sait se passer du travail de la femme (il l'entretient volontiers à ne rien faire quand il en a les moyens), il ne saurait se passer de son dévouement. Or le dévouement ne va pas de lui-même, ou n'est pas tangible, s'il ne s'exprime quelque part sous forme d'abnégation, de peine et de sacrifice. Les conséquences sont alors faciles à déchiffrer. Il a fallu que les travaux domestiques soient vécus comme bas, ingrats, que les soins des enfants soient portés comme peine et usure, que les règles soient indisposition et souillure, la grossesse fardeau, l'accouchement l'image même de la douleur : comme le Christ par sa passion témoigne de son amour pour les hommes, il a bien fallu que la femme souffre pour témoigner sa reconnaissance. Reconnaître le statut du maître c'est aussi et d'un même élan charger de valeur hautement positive le rôle qu'il joue dans la société et les fonctions qu'il y exerce. Rien de ce qui est grand ne saurait échapper à l'homme. L'homme et la grandeur vont de pair. Ainsi l'ensemble de ce que ne fait pas l'homme dans la société est indigne de lui. Si c'est indigne de lui, ce doit être parce que c'est médiocre, sale, douloureux, ingrat. Mais comme les tâches, travaux ou faits sexuels de la femme sont nécessaires à la société d'une part et à la preuve de reconnaissance de l'autre, il faut bien que ces tâches soient dignes de quelqu'un; elles le sont donc de la femme. C'est là que s'articule la dévalorisation de la femme et son statut d'infériorité, dans la dépréciation, le mépris, le dégoût de tout ce qui lui est, soit traditionnellement, soit naturellement imparti. Annie Leclerc.
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