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Parole, langage, communication

Publié le 13/06/2011

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langage

« L'homme n'a pas été créé deux fois, une fois sans langage, et une fois avec le langage. L'émergence de Homo dans la série animale peut avoir été favorisée par sa structure corporelle ou son organisation nerveuse ; elle est due avant tout à sa faculté de représentation symbolique, source commune de la pensée, du langage et de la société. « Cette capacité symbolique est à la base des fonctions conceptuelles. La pensée n'est rien autre que ce pouvoir de construire des représentations des choses et d'opérer sur ces représentations. Elle est par essence symbolique. La transformation symbolique des éléments de la réalité ou de l'expérience en concepts est le processus par lequel s'accomplit le pouvoir rationalisant de l'esprit. La pensée n'est pas un simple reflet du monde ; elle catégorise la réalité, et en cette fonction organisatrice elle est si étroitement associée au langage qu'on peut être tenté d'identifier pensée et langage à ce point de vue. [...] « Le langage offre le modèle d'une structure rationnelle, au sens le plus littéral et le plus compréhensif en même temps. Il met en relation dans le discours des mots et des concepts, et il produit ainsi, en représentation d'objets et de situations, des signes distincts de leurs référents matériels. Il constitue ces transferts analogiques de dénominations que nous appelons métaphores, facteur si puissant de l'enrichissement conceptuel. Il enchaîne les propositions dans le raisonnement et devient l'outil de la pensée discursive. «

Émile BENVENISTE, linguiste français (1902-1976), Problèmes de linguistique générale, Gallimard.

« À mesure que le langage devient plus fonctionnel, il est rendu impropre à la parole, et à nous devenir trop particulier, il perd sa fonction de langage. « Finalement c'est à l'intersubjectivité du "nous" qu'il assume, que se mesure en un langage sa valeur de parole. « Par une antinomie inverse, on observe que plus l'office du langage se neutralise en se rapprochant de l'information, plus on lui impute de redondances. Cette notion de redondances a pris son départ de recherches d'autant plus précises qu'elles étaient plus intéressées, ayant reçu leur impulsion d'un problème d'économie portant sur les communications à longue distance et, notamment, sur la possibilité de faire voyager plusieurs conversations sur un seul fil téléphonique ; on peut y constater qu'une part importante du médium phonétique est superflue pour que soit réalisée la communication effectivement cherchée. « Ceci est pour nous hautement instructif, car ce qui est redondances pour l'information, c'est précisément ce qui, dans la parole, fait office de résonance. « Car la fonction du langage n'y est pas d'informer, mais d'évoquer. « Ce que je cherche dans la parole, c'est la réponse de l'autre. Ce qui me constitue comme sujet, c'est ma question. Pour me faire reconnaître de l'autre, je ne profère ce qui fut qu'en vue de ce qui sera. Pour le prouver, je l'appelle d'un nom qu'il doit assumer ou refuser pour me répondre. «

Jacques LACAN, psychanalyste français (1901-1981), Écrits, Le Seuil.

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