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Pierre-Aimé Touchard, Dionysos, apologie pour le théâtre

Publié le 26/04/2011

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dionysos

Toutes les déviations de l'art dramatique sont venues de ce qu'on a tenté (...) de l'asservir à une mission humaine, de le légitimer, comme s'il était un mal en soi, en démontrant que ses conséquences peuvent être morales. Mais le théâtre n'est en soi ni un bien ni un mal. Il est le reflet, le miroir, l'expression sensible d'un fait psychologique aussi peu discutable, aussi irréductiblement hostile à se voir affecté d'un signe de moralité que le sont l'instinct de la conservation ou les lois de l'association des idées.    Ce fait psychologique, encore une fois, c'est le besoin propre à l'homme d'éprouver sans cesse les limites extrêmes de sa puissance ou de sa faiblesse, c'est-à-dire de sa puissance encore dans le mal.    Mais ce besoin d'exercer sa puissance n'est que la manifestation dans l'action d'un besoin plus profond encore qui est le besoin de liberté. Si « le plaisir s'ajoute à l'acte comme à la jeunesse sa fleur «, ainsi que le disait si joliment Aristote, c'est que l'acte en lui-même est affirmation de liberté, et que la liberté est toujours apparue à l'homme comme l'attribut essentiel de la divinité, c'est-à-dire comme le signe et la condition de l'accomplissement parfait de la personnalité.    Or il est évident que nous sommes tous, sur quelque plan, gênés, « censurés « dans notre liberté d'agir. Et c'est précisément là où nous ne nous sentons point libres d'agir que la représentation de l'acte rêvé (par le roman, la danse, le cinéma ou le théâtre) nous apporte la nécessaire compensation. Mais cette compensation demeure incomplète pour le lecteur de roman ou le spectateur du cinéma. Ces arts envoûtent plus qu'ils ne libèrent : le bovarysme est une évasion, c'est-à-dire une autre forme de maladie, plus qu'une guérison. La « purgation « totale, vivifiante et saine, ne peut être obtenue que par le spectacle « vécu « d'une action accomplie par des hommes vivants, en chair et en os. C'est là le miracle propre à l'art dramatique, auquel ne peut être comparé que le miracle obtenu par les révélations d'une cure psychanalytique. Dans les deux cas, l'homme est révélé à lui-même par le sentiment de la disparition de ce que j'appellerais les « obstacles injustes «, c'est-à-dire ceux qui ne viennent pas de la nature de l'individu, mais de ses corruptions accidentelles. Dans les deux cas, l'individu se sent réintégré dans la communauté humaine — définitivement par la psychanalyse, mais au moins momentanément par le spectacle dramatique.    Ce besoin de retrouver sa liberté, même provisoirement, durera autant que durera l'homme, et c'est pourquoi le théâtre est éternel. C'est aussi pourquoi le théâtre ne se développe avec toute sa grandeur qu'aux époques relativement stables, à ces époques « heureuses « où la Société victorieuse impose durement ses lois à l'individu, où l'homme rencontre le plus d'obstacles (religieux, politiques, économiques et moraux) aux déploiements d'une exaltation spontanée. Mais quand les guerres ou les révolutions ravagent un pays, libérant impartialement les aspirations héroïques comme les instincts meurtriers, quand l'homme est lui-même déchaîné, l'art dramatique languit ou se prostitue dans le réalisme, c'est-à-dire dans la copie des actes réels de l'homme momentanément enivré.    La valeur morale et sociale du théâtre paraît ainsi incontestable puisque cet art permet à l'individu de retrouver cette part de liberté qu'il doit sacrifier aux exigences de la vie en société-    Pierre-Aimé Touchard, Dionysos, apologie pour le théâtre (1949).    Vous présenterez, dans un résumé ou une analyse, les idées contenues dans ce texte. Indiquez nettement en tête le mot Résumé ou le mot Analyse.    Puis vous choisirez une de ces idées qui vous paraît particulièrement importante; vous la développerez et vous la discuterez en vous appuyant sur des exemples de votre choix.

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