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RENÉ BOYLESVE (1867-1926). Le cadran solaire

Publié le 21/06/2011

Extrait du document

Cet écrivain nous a laissé plusieurs romans d'un réalisme moyen, à la fois élégants et précis, dans lesquels il analyse la vie de la société provinciale : la Becquée, l'Enfant à la balustrade, la Jeune fille bien élevée, etc. Il s'en dégage une douce tristesse, faite de charme et de résignation.

Le cadran solaire (1903).

Dans le roman intitulé l'Enfant à la balustrade, c'est, en e9et, un enfant qui raconte l'histoire de sa famille et la sienne. Le sujet est d'une grande simplicité. Il s'agit de petites querelles entre provinciaux au sujet d'une maison dont plusieurs personnes se disputent l'acquisition. Le père du jeune Riquet en devient acquéreur. De là des brouilles, puis des réconciliations. Or, il y a dans le parc de cette maison Colivaut, un cadran solaire qui fait sur l'enfant une vive impression. C'est là aussi qu'il y a une balustrade, d'où l'on peut voir tout ce qui se passe sur la place de la petite ville de Loches. Pour moi, l'attrait véritable de cette maison, c'était le cadran solaire. Il était situé dans le second jardin. On - y accédait par une douzaine de marches dégradées et branlantes où le passage quotidien avait créé un double sentier parmi la .mousse. Lorsqu'on posait le pied sur une certaine marche, on la sentait osciller, et l'on croyait entendre le bruit sourd de l'éclat lointain d'une mine. Un prunier de mirabelles étendait ses fines branches au-dessus de l'escalier, et il y avait toujours quelque fruit qui pourrissait à droite ou à gauche, sur de jolis oreillers moussus. Au dernier degré s'ouvrait une large allée bordée de buis épais taillés à hauteur de la main. Cette allée était coupée à angle droit par une autre semblable, et au croisement, s'élevait le cadran solaire. Il est bien vain, sans doute, de rechercher les causes de l'attrait qu'exercèrent sur moi, du premier jour que je les vis, cette pierre ancienne, cette petite table d'ardoise portant gravées les heures du jour, ce triangle de métal et cette pointe d'ombre mobile. Je devais me cramponner à l'aide des mains et du menton pour lire l'heure et, en outre, prendre garde d'endommager mes chaussures contre la pierre et de piétiner le persil qui croissait alentour. La table d'ardoise était divisée par une profonde lézarde, et quand mes doigts pesaient contre l'un des bords, une des parties basculait et de petits insectes, trottinant comme des tatous, sortaient de la crevasse et se livraient sur l'ardoise à des girations éperdues. De beaux caractères romains enguirlandaient l'hémicycle des heures, dont j'avais voulu connaître le sens dès la première fois : Laedunt omnes, ultima necat (Toutes les heures nous blessent, la dernière nous tue). Cette inscription mélancolique, gravée depuis plusieurs siècles, autant que la magie du soleil qui venait là complaisamment traduire en chiffres les étapes de sa course, me laissait l'impression que quelque chose se passait à cet endroit qui n'était pas tout à fait ordinaire. Ce carré d'ardoise était en relations avec le ciel, et de ces relations une grande vérité triste s'était dégagée, formulée et imprimée là. Et je serais volontiers demeuré longtemps à contempler ce cadran. Je guettais la pointe d'ombre qui se promenait lentement sur les petites rainures des quarts d'heure, comme si elle eût été la plume de Dieu même, et j'osais espérer qu'elle écrirait peut-être un jour un mot pour moi. Si, par hasard, quelqu'un montait les marches, je redoutais d'être surpris inerte et désoeuvré. Alors je rougissais comme si j'eusse fait mal, parce que j'étais certain que l'on me trouvait ridicule. Et je n'eusse jamais osé dire à personne ce que je pensais, ni parler de mon plaisir. Cependant, à part moi, j'avais ma fierté d'évoquer des merveilles.

(L'Enfant à la balustrade, Calmann-Lévy, édit.)

QUESTIONS D'EXAMEN

1.— L'ensemble. — Récit d'un souvenir d'enfance : Un enfant, héros d'un roman intitulé : L'Enfant à la balustrade, décrit un coin du jardin paternel où se trouvait un objet qui a longtemps suscité son intérêt et excité son imagination : un cadran solaire. se Quelles sont les qualités de cette description? (précision, minutie, simplicité, pittoresque discret, Poésie...); 20 Qu'est-ce qui, dans le récit de ce souvenir d'enfance, vous paraît, plus spécialement avoir été observé et éprouvé par un enfant? (la marche que l'on sentait osciller...; il devait se cramponner à l'aide des mains et du menton pour lire l'heure... ; les insectes, trottinant comme des tatous... ; il osait espérer que la plume de Dieu écrirait un jour un mot pour lui... ; il redoutait d'être surpris inerte et désoeuvré...).

II.— L'analyse du morceau. — Distinguez les différentes parties de ce morceau : a) Les abords du cadran : Où était placé ce cadran? Comment y accédait-on? Fallait-il monter ou descendre les marches pour arriver au second jardin? (Cette indication est donnée plus loin, dans ce morceau (citez le passage) à défaut du texte, la logique ne vous permettrait-elle pas de deviner? Le passage quotidien avait créé un double sentier parmi la mousse. Pourquoi un double sentier? Citez dans cette description du jardin quelques traits d'une observation précise et pittoresque; Donnez quelques signes de la vétusté poétique et charmante de ce jardin; — b) Le cadran solaire : Pourquoi l'auteur dit-il qu' « il est bien vain « de rechercher les causes de l'attrait qu'exerça sur lui ce cadran, du premier jour qu'il le vit? Décrivez ce cadran. Quelles sont les parties essentielles d'un cadran solaire? Quelles étaient pour un enfant, les difficultés qu'offrait la consultation de ce cadran? Ce cadran n'était-il pas détérioré par le temps? Citez à ce sujet, un détail réaliste et amusant; Qu'appelle-t-on des caractères romains? Expliquez en quelques mots la devise du cadran. Ne vous paraît-elle pas un peu trop pessimiste? — c) Impressions de l'enfant devant ce cadran : Qu'est-ce qui frappait surtout l'enfant? N'avait-il pas, devant ce cadran, l'impression de quelque chose de surnaturel? (à développer); Quelle était son attitude devant le cadran? (admiration, émotion, une certaine pudeur; expliquez ces différents sentiments et dites s'ils vous semblent naturels); Quels traits de caractère révèle une semblable attitude chez un enfant?

III. — Le style ; — les expressions. — Qualités essentielles du style : précision, netteté, minutie des descriptions (à développer); Quel est le sens de : accéder, osciller, tatous, girations? Quelle est la différence de sens entre moussu et mousseux? Qu'est-ce qu'un hémicycle? Pourquoi les heures n'étaient-elles marquées que sur un hémicycle et non sur un cercle complet?

IV. — Grammaire. — Quel est le mot simple contenu dans cadran, lézarde, piétiner? Citez quelques mots de la famille d'hémicycle; Conjuguez le verbe croître aux trois personnes du singulier, du passé défini, du futur, de l'imparfait du subjonctif.

Rédaction. — Dans votre maison paternelle, un objet (livre, bibelot...) a longtemps intrigué votre curiosité et fait travailler votre imagination, Décrivez-le, et laites connaître vos impressions.   

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