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Robur-le-Conquerant leur ensemble.

Publié le 12/04/2014

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Robur-le-Conquerant leur ensemble. Aux collines couvertes d'arbres et d'arbustes succédaient de longues ondulations grisâtres, drapées comme les plis d'un burnous arabe dont les cassures superbes accidentaient le sol. Au loin apparaissaient des « oueds » aux eaux torrentueuses, des forêts de palmiers, des pâtés de petites huttes groupées sur un mamelon, autour d'une mosquée, entre autres Metliti, où végète un chef religieux, le grand Marabout Sidi Chick. Avant la nuit, quelques centaines de kilomètres furent enlevées au-dessus d'un territoire assez plat, sillonné de grandes dunes. Si l' Albatros eût voulu faire halte, il aurait alors atterri dans les bas-fonds de l'oasis de Ouargla, blottie sous une immense forêt de palmiers. La ville se montra très visiblement avec ses trois quartiers distincts, l'ancien palais du sultan, sorte de Kasbah fortifiée, ses maisons construites en briques que le soleil s'est chargé de cuire, et ses puits artésiens, forés dans la vallée, où l'aéronef eût pu refaire sa provision liquide. Mais, grâce à son extraordinaire vitesse, les eaux de l'Hydaspe, puisées dans la vallée de Cachemir, remplissaient encore ses charniers au milieu des déserts de l'Afrique. L'Albatros fut-il vu des Arabes, des Mozabites et des Nègres qui se partagent l'oasis de Ouargla? A coup sûr, puisqu'il fut salué de quelques centaines de coups de fusil, dont les balles retombèrent sans avoir pu l'atteindre. Puis la nuit vint, cette nuit silencieuse du désert, dont Félicien David a si poétiquement noté tous les secrets. Pendant les heures suivantes, on redescendit dans le sud-ouest, en coupant les routes d'El Goléa, dont l'une a été reconnue, en 1859, par l'intrépide Français Duveyrier. L'obscurité était profonde. On ne put rien voir du railway transsaharien en construction d'après le projet Duponchel, - long ruban de fer qui doit relier Alger à Tombouctou par Laghouat, Gardaia, et atteindre plus tard le golfe de Guinée. L'Albatros entra alors dans la région équatoriale, au-delà du tropique du Cancer. A mille kilomètres de la frontière septentrionale du Sahara, il franchissait la route où le major Laing trouva la mort en 1846; il coupait le chemin des caravanes du Maroc au Soudan, et, sur cette portion du désert qu'écument les Touaregs, il entendait ce qu'on appelle le « chant des sables », murmure doux et plaintif qui semble s'échapper du sol. Un seul incident : une nuée de sauterelles s'éleva dans l'espace, et il en tomba une telle cargaison à bord que le navire aérien menaça de « sombrer ». Mais on se hâta de rejeter cette surcharge, sauf quelques centaines dont François Tapage fit provision. Et il les accommoda d'une façon si succulente, que Frycollin en oublia un instant ses transes perpétuelles. « Ça vaut les crevettes! » disait-il. On était alors à dix-huit cents kilomètres de l'oasis d'Ouargla, presque sur la limite nord de cet immense royaume du Soudan. Aussi, vers deux heures après midi, une cité apparut dans le coude d'un grand fleuve: Le fleuve, c'était le Niger. La cité, c'était Tombouctou. Si, jusqu'alors, il n'y avait eu à visiter cette Meckke africaine que des voyageurs de l'Ancien Monde, les Batouta, les Khazan, les Imbert, les Mungo-Park, les Adams, les Laing, les Caillé, les Barth, les Lenz, ce jour-là, par les hasards de la plus singulière aventure, deux Américains allaient pouvoir en parler de visu, de auditu et même de olfactu, à leur retour en Amérique, - s'ils devaient jamais y revenir. De visu, parce que leur regard put se porter sur tous les points de ce triangle de cinq à six kilomètres, que XII. Dans lequel l'ingénieur Robur agit comme s'il voulait concourir pour un des prix monthyon 67 Robur-le-Conquerant forme la ville; - de auditu, parce que ce jour était un jour de grand marché et qu'il s'y faisait un bruit effroyable; - de olfactu, parce que le nerf olfactif ne pouvait être que très désagréablement affecté par les odeurs de la place de Youbou-Kamo, où s'élève la halle aux viandes, près du palais des anciens rois So-maïs. En tout cas, l'ingénieur ne crut pas devoir laisser ignorer au président et au secrétaire du Weldon-Institute qu'ils avaient l'heur extrême de contempler la Reine du Soudan, maintenant au pouvoir des Touaregs de Taganet. « Messieurs, Tombouctou! » leur dit-il du même ton qu'il leur avait déjà dit, douze jours avant : « L'Inde, messieurs! » Puis, il continua : « Tombouctou, par 18° de latitude nord et 5°56' de longitude à l'ouest du méridien de Paris, avec une cote de deux cent quarante-cinq mètres au-dessus du niveau moyen de la mer. Importante cité de douze à treize mille habitants, jadis illustrée par l'art et la science! - Peut-être auriez-vous le désir d'y faire halte pendant quelques jours? » Une pareille proposition ne pouvait être qu'ironiquement faite par l'ingénieur. « Mais, reprit-il, ce serait dangereux pour des étrangers, au milieu des Nègres, des Berbères, des Foullanes et des Arabes qui l'occupent - surtout si j'ajoute que notre arrivée en aéronef pourrait bien leur déplaire. - Monsieur, répondit Phil Evans sur le même ton, pour avoir le plaisir de vous quitter, nous risquerions volontiers d'être mal reçus de ces indigènes. Prison pour prison, mieux vaut Tombouctou que l' Albatros! - Cela dépend des goûts, répliqua l'ingénieur. En tout cas, je ne tenterai pas l'aventure, car je réponds de la sécurité des hôtes qui me font l'honneur de voyager avec moi... - Ainsi donc, ingénieur Robur, dit Uncle Prudent, dont l'indignation éclatait, vous ne vous contentez pas d'être notre geôlier? A l'attentat vous joignez l'insulte? - Oh! l'ironie tout au plus! - N'y a-t-il donc pas d'armes à bord? - Si, tout un arsenal! - Deux revolvers suffiraient si j'en tenais un, monsieur, et si vous teniez l'autre! - Un duel! s'écria Robur, un duel, qui pourrait amener la mort de l'un de nous! - Qui l'amènerait certainement! - Eh bien, non, président du Weldon-Institute! Je préfère de beaucoup vous garder vivant! - Pour être plus sûr de vivre vous-même! Cela est sage! - Sage ou non, c'est ce qui me convient. Libre à vous de penser autrement et de vous plaindre à qui de droit, si vous le pouvez. XII. Dans lequel l'ingénieur Robur agit comme s'il voulait concourir pour un des prix monthyon 68

« forme la ville; - de auditu, parce que ce jour était un jour de grand marché et qu'il s'y faisait un bruit effroyable; - de olfactu, parce que le nerf olfactif ne pouvait être que très désagréablement affecté par les odeurs de la place de Youbou-Kamo, où s'élève la halle aux viandes, près du palais des anciens rois So-maïs. En tout cas, l'ingénieur ne crut pas devoir laisser ignorer au président et au secrétaire du Weldon-Institute qu'ils avaient l'heur extrême de contempler la Reine du Soudan, maintenant au pouvoir des Touaregs de Taganet. « Messieurs, Tombouctou! » leur dit-il du même ton qu'il leur avait déjà dit, douze jours avant : « L'Inde, messieurs! » Puis, il continua : « Tombouctou, par 18° de latitude nord et 5°56' de longitude à l'ouest du méridien de Paris, avec une cote de deux cent quarante-cinq mètres au-dessus du niveau moyen de la mer.

Importante cité de douze à treize mille habitants, jadis illustrée par l'art et la science! - Peut-être auriez-vous le désir d'y faire halte pendant quelques jours? » Une pareille proposition ne pouvait être qu'ironiquement faite par l'ingénieur. « Mais, reprit-il, ce serait dangereux pour des étrangers, au milieu des Nègres, des Berbères, des Foullanes et des Arabes qui l'occupent - surtout si j'ajoute que notre arrivée en aéronef pourrait bien leur déplaire. - Monsieur, répondit Phil Evans sur le même ton, pour avoir le plaisir de vous quitter, nous risquerions volontiers d'être mal reçus de ces indigènes.

Prison pour prison, mieux vaut Tombouctou que l' Albatros! - Cela dépend des goûts, répliqua l'ingénieur.

En tout cas, je ne tenterai pas l'aventure, car je réponds de la sécurité des hôtes qui me font l'honneur de voyager avec moi... - Ainsi donc, ingénieur Robur, dit Uncle Prudent, dont l'indignation éclatait, vous ne vous contentez pas d'être notre geôlier? A l'attentat vous joignez l'insulte? - Oh! l'ironie tout au plus! - N'y a-t-il donc pas d'armes à bord? - Si, tout un arsenal! - Deux revolvers suffiraient si j'en tenais un, monsieur, et si vous teniez l'autre! - Un duel! s'écria Robur, un duel, qui pourrait amener la mort de l'un de nous! - Qui l'amènerait certainement! - Eh bien, non, président du Weldon-Institute! Je préfère de beaucoup vous garder vivant! - Pour être plus sûr de vivre vous-même! Cela est sage! - Sage ou non, c'est ce qui me convient.

Libre à vous de penser autrement et de vous plaindre à qui de droit, si vous le pouvez.

Robur-le-Conquerant XII.

Dans lequel l'ingénieur Robur agit comme s'il voulait concourir pour un des prix monthyon 68. »

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