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Roland Jaccard, l'Exil intérieur

Publié le 28/04/2011

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Paradoxalement, dans une société aussi bien organisée, aussi pacifiée et policée que la nôtre, où le fou ne court plus les rues, l'image du « fou-en-liberté « déclenche de véritables paniques chez des individus apparemment normaux. C'est sans doute qu'au départ le malade mental est celui qui ne paye pas sa dette de civilité dans le face à face de la vie quotidienne. Il interpelle l'ordre social (par exemple : par un refus immotivé d'aller au travail, par une altercation sur la voie publique, par un comportement personnel bizarre...), qui, aussitôt, l'interpelle, lui, le fou, en le priant de s'expliquer sur son ordre mental personnel. Comme l'a bien vu Jacques Vorrèche, le fou, c'est l'anti-diplomate par excellence ; il ne respecte pas les règles de civilité, ne commerce pas avec autrui selon le rituel requis ; il détruit le décorum qui règle nos échanges personnels. Et ce n'est certes pas un hasard du vocabulaire si les bouffons sont aussi appelés des fous. Ils remplissent la même fonction de dégonflage, de dérision des grands airs que les maîtres du monde se donnent si volontiers. Il y a dans les règles de savoir-vivre une notion essentielle : la maîtrise de soi. C'est aussi une notion centrale en psychiatrie. Elle permet la distinction importante pour la pathologie mentale entre la psychose et la névrose. Est seulement névrosé l'individu qui sait se retenir de faire ce qui lui passe par la tête. Est, par contre, psychotique celui qui ne sait plus se tenir.

(...) « Par conséquent, écrit J. Vorrèche, tout repose sur un ordre social constitué par un ensemble de signes infimes composés de gestes, de positions, de regards et de mouvements, facteurs dictés par un certain groupe social, dans le but de civiliser les autres, c'est-à-dire de les coloniser. D'où l'arbitraire pur des signes de civilité. Cet arbitraire entraîne à son tour une intolérance forcenée pour toute variance par rapport à cette norme. Car toute déviance, même à partir de la simple déférence (...) remet en question l'ordre public. Or, l'ordre public, comme tout ordre du reste, est une série de rapports hiérarchiques. Le fou, qu'il soit celui de la cour princière ou celui de la rue, est celui qui remet en question la dignité de cette hiérarchie. « D'où, comme l'observe toujours Vorrèche, le peu de différences entre la lecture d'un manuel de psychiatrie et un livre de bonnes manières. Roland Jaccard, l'Exil intérieur. Questions : 1. Résumez ou analysez ce texte en une dizaine de lignes. 2. Expliquez les mots soulignés : — rituel, — infimes, — normes, — déférence. 3. En faisant appel à votre expérience et à vos lectures, vous direz si vous pensez, comme J. Vorrèche, que les règles de civilité sont purement arbitraires et ne visent qu'à imposer un ordre social. Développement composé de trente à cinquante lignes.

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