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somme, pour me souvenir encore d'Alcide.

Publié le 31/10/2013

Extrait du document

somme, pour me souvenir encore d'Alcide... Que sa nièce l'a oublié aussi. Que le lieutenant Grappa n'a jamais revu son oulouse... Que la forêt qui guettait depuis toujours la dune au détour de la saison des pluies a tout repris, tout écrasé ous l'ombre des acajous immenses, tout, et même les petites fleurs imprévues du sable qu'Alcide ne voulait pas que 'arrose... Qu'il n'existe plus rien. e que furent les dix jours de remontée de ce fleuve, je m'en souviendrai longtemps... Passés à surveiller les ourbillons limoneux, au creux de la pirogue, à choisir un passage furtif après l'autre, entre les branchages énormes en dérive, souplement évités. Travail de forçats en rupture. Voyage au bout de la nuit Après chaque crépuscule, nous faisions halte sur un promontoire rocheux. Certain matin, nous quittâmes enfin ce sale canot sauvage pour entrer dans la forêt par un sentier caché qui s'insinuait dans la pénombre verte et moite, illuminé seulement de place en place par un rai de soleil plongeant du plus haut de cette infinie cathédrale de feuilles. Des monstres d'arbres abattus forçaient notre groupe à maints détours. Dans leur creux un métro entier aurait manoeuvré à son aise. A un certain moment, la grande lumière nous est revenue, nous étions arrivés devant un espace défriché, nous dûmes grimper encore, autre effort. L'éminence que nous atteignîmes couronnait l'infinie forêt, moutonnante de cimes jaunes et rouges et vertes, peuplant, pressurant monts et vallées, monstrueusement abondante comme le ciel et l'eau. L'homme dont nous cherchions l'habitation demeurait, me fit-on signe, encore un peu plus loin... dans un autre petit vallon. Il nous attendait là l'homme. Entre deux grosses roches il s'était établi une sorte de cagna, à l'abri, me fit-il remarquer, des tornades de l'est, les plus mauvaises, les plus rageuses. Je voulus bien admettre que c'était un avantage, mais quant à la case elle-même, c'était sûrement à la dernière catégorie miteuse qu'elle appartenait, demeure presque théorique, effilochée de partout. Je m'attendais bien à quelque chose de ce genre-là en fait d'habitation, mais tout de même la réalité dépassait mes prévisions. Je dus lui sembler tout à fait navré au copain car il m'interpella assez brusquement pour me faire sortir de mes réflexions. « Allez donc, vous serez moins mal encore ici qu'à la guerre ! Ici, après tout, on peut se débrouiller On bouffe mal, c'est exact, et pour boire, c'est une vraie boue, mais on peut dormir tant qu'on veut... Pas de canons ici mon ami ! Pas de balles non plus ! En somme c'est une affaire ! « Il parlait un peu dans le même ton que l'Agent général mais des yeux pâles comme ceux d'Alcide, il avait. Il devait approcher de la trentaine, et barbu... Je ne l'avais pas bien regardé en arrivant, tellement en arrivant j'étais déconcerté par la pauvreté de son installation, celle qu'il devait me léguer, et qui devait m'abriter pendant des années eut-être... Mais je lui trouvai, en l'observant, par la suite, une figure décidément aventureuse, une figure à ngles très tracés et même une de ces têtes de révolte qui entrent trop à vif dans l'existence au lieu de rouler dessus, Voyage au bout de la nuit avec un gros nez rond par exemple et des joues pleines en péniches, qui vont clapoter contre le destin avec un bruit de billage. Celui-ci c'était un malheureux. -- C'est vrai, repris-je, y a pas pire que la guerre ! C'était assez pour le moment comme confidences, je 'avais pas envie d'en dire davantage. Mais ce fut lui qui continua sur le même sujet : Surtout maintenant qu'on les fait si longues les uerres... qu'il ajouta. Enfin, vous verrez mon ami qu'ici c'est pas très drôle, voilà tout ! Y a rien à faire... C'est comme des spèces de vacances... Seulement voilà des vacances ici ! 'est-ce pas !... Enfin, ça dépend peut-être des natures, j'peux rien dire... Et l'eau. « demandai-je. Celle que je voyais dans on gobelet, que je m'étais versée moi-même m'inquiétait, jaunâtre, j'en bus, nauséeuse et chaude tout comme celle de opo. Un fond de vase au troisième jour. « C'est ça l'eau ? « a peine de l'eau allait recommencer. Oui, il n'y a que celle-là par ici et puis la pluie... Seulement quand il pleuvra la cabane ne résistera pas ongtemps. Vous voyez dans quel état qu'elle est la cabane ? Je voyais. Pour la nourriture, qu'il enchaîna, c'est rien que de la conserve, j'en bouffe depuis un an moi... J'en suis pas mort !... ans un sens c'est bien commode, mais ça ne tient pas au corps ; les indigènes eux, ils bouffent du manioc pourri, c'est eur affaire, ils aiment ça... Depuis trois mois je rends tout... La diarrhée. Peut-être aussi que c'est la fièvre ; j'ai les deux... t même que j'en vois plus clair sur les cinq heures... C'est à ça que je vois que j'en ai de la fièvre parce que pour la haleur, n'est-ce pas, c'est difficile d'avoir plus chaud qu'on a ici rien qu'avec la température du pays !... En somme, ça erait plutôt les frissons qui vous avertiraient qu'on est fiévreux... Et puis aussi à ce qu'on s'ennuie plutôt moins... Mais ça ncore ça dépend peut-être des natures... on pourrait peut-être boire de l'alcool pour se remonter, mais je n'aime pas ça oi l'alcool... Je le supporte pas... Il semblait avoir de grands égards pour ce qu'il appelait les natures «. t puis, pendant qu'il y était, il me donna quelques autres renseignements engageants : « Le jour c'est la chaleur, mais la nuit, c'est le bruit qui est le plus difficile à upporter... C'est à pas y croire... C'est les bestioles du bled qui se coursent pour s'enfiler ou se bouffer, j'en sais rien, ais c'est ce qu'on m'a dit... toujours est-il qu'alors vous Voyage au bout de la nuit parlez d'un boucan !... Et les plus bruyants parmi, c'est encore les hyènes !... Elles viennent là tout près de la case... Alors ous les entendrez... Vous vous y tromperez pas... C'est pas comme pour les bruits de la quinine... On peut se romper quelquefois d'avec les oiseaux, les grosses mouches et la quinine... Ça arrive... Tandis que les hyènes ça rigole normément... C'est votre viande à vous qu'elles reniflent... Ça les fait rire !... C'est pressé de vous voir crever ces bêteslà ... On peut même voir leurs yeux briller qu'on dit... Elles l'aiment la charogne... Moi je les ai pas regardées dans les yeux... e regrette dans un sens... C'est drôle ici ! que je réponds. ais c'était pas tout pour l'agrément des nuits. Y a encore le village, qu'il ajouta... Y a pas cent ègres dedans, mais ils font du bousin comme dix mille, ces tantes !... Vous m'en direz des nouvelles de ceux-là aussi ! Ah ! si vous êtes venu pour le tam-tam, vous vous êtes pas trompé de colonie !... Parce que ici, c'est tantôt parce que 'est la lune qu'ils en jouent, et puis, parce que c'est plus la lune... Et puis parce qu'on l'attend la lune... Enfin, c'est oujours pour quelque chose ! On dirait qu'ils s'entendent avec les bêtes pour vous emmerder les charognes ! À crever ue je vous dis ! Moi, je les bousillerais tous d'un bon coup si j'étais pas si fatigué... Mais j'aime encore mieux me mettre u coton dans les oreilles... Avant, quand il me restait encore de la vaseline dans ma pharmacie, j'en mettais dedans, sur e coton, maintenant je mets de la graisse de banane à la place. C'est bon aussi la graisse de banane... Avec ça, ils peuvent oujours se gargariser avec le tonnerre de Dieu si ça les excite, les peaux de boudin ! Moi, je m'en fous toujours avec mon oton à la graisse ! J'entends plus rien ! Les nègres, vous vous en rendrez tout de suite compte, c'est tout crevés et tout ourris !... Dans la journée c'est accroupi, on croirait pas ça capable de se lever seulement pour aller pisser le long d'un rbre et puis aussitôt qu'il fait nuit, va te faire voir ! Ça devient tout vicieux ! tout nerfs ! tout hystérique ! Des morceaux e la nuit tournés hystériques ! Voilà ce que c'est que les nègres, moi j'vous le dis ! Enfin, des dégueulasses... Des égénérés quoi !... Viennent-ils souvent pour vous acheter ? Acheter ? Ah ! rendez-vous compte ! Faut les voler vant qu'ils vous volent, c'est ça le commerce et voilà tout ! endant la nuit avec moi ailleurs, ils ne se gênent pas, forcément, avec mon coton bien graissé dans chaque oreille hein ! ls auraient tort de faire des manières, pas vrai ?... Et puis, comme vous voyez, j'ai pas de portes à ma case non plus alors ls se servent, hein, vous pouvez le dire... C'est la bonne vie ici pour eux... Voyage au bout de la nuit -- Mais, et l'inventaire ? demandai-je, tout à fait éberlué par ces précisions. Le Directeur général m'a bien recommandé de l'établir l'inventaire dès mon arrivée, et minutieusement ! -- Pour ce qui est de moi, qu'il me répondit alors parfaitement calme, le Directeur général, je l'emmerde... Comme j'ai l'honneur de vous le dire... -- Mais, vous allez le voir pourtant à Fort-Gono, en repassant ? -- Je ne reverrai jamais, ni Fort-Gono, ni le Directeur... Elle est grande la forêt mon petit ami... -- Mais alors, où irez-vous ? Si on vous le demande, vous répondrez que vous 'en savez rien ! Mais puisque vous avez l'air curieux, laissez-moi, pendant qu'il en est encore temps, vous donner un acré conseil et un bon ! Foutez-vous donc des affaires de la « Compagnie Pordurière «, comme elle se fout des vôtres et i vous courez aussi vite qu'elle vous emmerde, la ompagnie, je peux vous dire dès aujourd'hui, que vous allez certainement le gagner le « Grand Prix « !... Soyez donc eureux que je vous laisse un peu de numéraire et ne m'en demandez pas davantage !... Pour ce qui est des archandises si c'est vrai qu'il vous a recommandé de les prendre en charge... Vous lui répondrez au Directeur qu'il n'y n avait plus, et puis voilà tout !... S'il refuse de vous croire, eh bien, ça n'aura pas grande importance non plus !... On ous considère déjà tous solidement comme des voleurs, de toutes les manières ! Ça ne changera donc rien à rien dans 'opinion publique et pour une fois que ça nous apportera un petit peu... Le Directeur, d'ailleurs, soyez sans crainte, s'y connaît en combines mieux que personne et c'est as la peine de le contredire ! C'est mon avis ! Est-ce le vôtre ? On sait bien que pour venir ici, n'est-ce pas, faut être prêt à tuer père et mère ! Alors ?... Je n'étais pas très sûr que ce soit réel, tout ce qu'il me racontait là, mais toujours est-il que ce prédécesseur me fit l'effet instantané d'être un fameux chacal.

« autres renseignements engageants:« Le jour c’est la chaleur, maislanuit, c’est lebruit quiestleplus difficile à supporter...

C’estàpas ycroire...

C’estlesbestioles dubled quisecoursent pours’enfiler ousebouffer, j’ensaisrien, mais c’estcequ’on m’adit...

toujours est-ilqu’alors vous Voyage aubout delanuit parlez d’unboucan !...Etles plus bruyants parmi,c’estencore leshyènes !...Elles viennent làtout près delacase...

Alors vous lesentendrez...

Vousvousytromperez pas...C’estpascomme pourlesbruits delaquinine...

Onpeut se tromper quelquefois d’aveclesoiseaux, lesgrosses mouches etlaquinine...

Çaarrive...

Tandisqueleshyènes çarigole énormément...

C’estvotre viande àvous qu’elles reniflent...

Çales fait rire !...C’est pressé devous voircrever cesbêteslà !...

On peut même voirleurs yeuxbriller qu’ondit...Ellesl’aiment lacharogne...

Moijeles aipas regardées danslesyeux... Je regrette dansunsens... — C’est drôle ici!que jeréponds. Mais c’était pastout pour l’agrément desnuits. — Yaencore levillage, qu’ilajouta...

Yapas cent nègres dedans, maisilsfont dubousin comme dixmille, cestantes !...Vous m’en direzdesnouvelles deceux-là aussi! Ah !si vous êtesvenu pourletam-tam, vousvousêtespastrompé decolonie !...Parce queici,c’est tantôt parceque c’est lalune qu’ils enjouent, etpuis, parce quec’est pluslalune...

Etpuis parce qu’on l’attend lalune...

Enfin,c’est toujours pourquelque chose!On dirait qu’ils s’entendent aveclesbêtes pourvousemmerder lescharognes !À crever que jevous dis!Moi, jeles bousillerais tousd’un boncoup sij’étais passifatigué...

Maisj’aime encore mieuxmemettre du coton danslesoreilles...

Avant,quandilme restait encore delavaseline dansmapharmacie, j’enmettais dedans, sur le coton, maintenant jemets delagraisse debanane àla place.

C’estbonaussi lagraisse debanane...

Avecça,ilspeuvent toujours segargariser avecletonnerre deDieu siça les excite, lespeaux deboudin !Moi, jem’en foustoujours avecmon coton àla graisse !J’entends plusrien!Les nègres, vousvousenrendrez toutdesuite compte, c’esttoutcrevés ettout pourris !...Dans lajournée c’estaccroupi, oncroirait pasçacapable deselever seulement pourallerpisser lelong d’un arbre etpuis aussitôt qu’ilfaitnuit, vatefaire voir!Ça devient toutvicieux !tout nerfs !tout hystérique !Des morceaux de lanuit tournés hystériques !Voilà ceque c’est quelesnègres, moij’vous ledis !Enfin, desdégueulasses...

Des dégénérés quoi!... — Viennent-ils souventpourvousacheter ? — Acheter ?Ah !rendez-vous compte!Faut lesvoler avant qu’ilsvousvolent, c’estçalecommerce etvoilà tout! Pendant lanuit avec moiailleurs, ilsne segênent pas,forcément, avecmon coton biengraissé danschaque oreillehein! Ils auraient tortdefaire desmanières, pasvrai ?...Etpuis, comme vousvoyez, j’aipas deportes àma case nonplus alors ils se servent, hein,vouspouvez ledire...

C’estlabonne vieicipour eux... Voyage aubout delanuit — Mais, etl’inventaire ?demandai-je, toutàfait éberlué parcesprécisions.

LeDirecteur généralm’abien recommandé del’établir l’inventaire dèsmon arrivée, et minutieusement ! — Pour cequi estdemoi, qu’ilmerépondit alors parfaitement calme,leDirecteur général,jel’emmerde...

Commej’ail’honneur devous ledire... — Mais, vousallezlevoir pourtant àFort-Gono, en repassant ? — Jene reverrai jamais,niFort-Gono, nileDirecteur...

Elleestgrande laforêt monpetit ami... — Mais alors, oùirez-vous ? — Sion vous ledemande, vousrépondrez quevous n’en savez rien!Mais puisque vousavezl’aircurieux, laissez-moi, pendantqu’ilenest encore temps,vousdonner un sacré conseil etun bon !Foutez-vous doncdesaffaires dela«Compagnie Pordurière»,comme ellesefout desvôtres et si vous courez aussivitequ’elle vousemmerde, la Compagnie, jepeux vousdiredèsaujourd’hui, quevous allezcertainement legagner le«Grand Prix»!...

Soyez donc heureux quejevous laisse unpeu denuméraire etne m’en demandez pasdavantage !...Pour cequi estdes marchandises sic’est vraiqu’il vous arecommandé deles prendre encharge...

Vousluirépondrez auDirecteur qu’iln’y en avait plus,etpuis voilà tout!...S’il refuse devous croire, ehbien, çan’aura pasgrande importance nonplus !...On nous considère déjàtous solidement commedesvoleurs, detoutes lesmanières !Ça ne changera doncrienàrien dans l’opinion publique etpour unefoisque çanous rapportera unpetit peu...

LeDirecteur, d’ailleurs,soyezsanscrainte, s’yconnaît encombines mieuxquepersonne etc’est pas lapeine delecontredire !C’est monavis!Est-ce levôtre ?On sait bien quepour venir ici,n’est-ce pas,fautêtre prêt à tuer père etmère !Alors ?... Je n’étais pastrès sûrque cesoit réel, toutcequ’il meracontait là,mais toujours est-ilqueceprédécesseur mefitl’effet instantané d’êtreunfameux chacal.. »

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