Devoir de Philosophie

TEXTES BAC DE FRANCAIS

Publié le 04/04/2011

Extrait du document

La Cour du Lion      Sa Majesté Lionne un jour voulut connaître  De quelles nations le Ciel l'avait fait maître.  Il manda donc par députés  Ses vassaux de toute nature,  Envoyant de tous les côtés  Une circulaire écriture,  Avec son sceau. L'écrit portait  Qu'un mois durant le Roi tiendrait  Cour plénière, dont l'ouverture  Devait être un fort grand festin,  Suivi des tours de Fagotin.  Par ce trait de magnificence  Le Prince à ses sujets étalait sa puissance.  En son Louvre il les invita.  Quel Louvre ! Un vrai charnier, dont l'odeur se porta  D'abord au nez des gens. L'Ours boucha sa narine :  Il se fût bien passé de faire cette mine,  Sa grimace déplut. Le Monarque irrité  L'envoya chez Pluton faire le dégoûté.  Le Singe approuva fort cette sévérité,  Et flatteur excessif il loua la colère  Et la griffe du Prince, et l'antre, et cette odeur :  Il n'était ambre, il n'était fleur,  Qui ne fût ail au prix. Sa sotte flatterie  Eut un mauvais succès, et fut encore punie.  Ce Monseigneur du Lion-là  Fut parent de Caligula.  Le Renard étant proche : Or çà, lui dit le Sire,  Que sens-tu ? Dis-le-moi : parle sans déguiser.  L'autre aussitôt de s'excuser,  Alléguant un grand rhume : il ne pouvait que dire  Sans odorat ; bref, il s'en tire.  Ceci vous sert d'enseignement :  Ne soyez à la cour, si vous voulez y plaire,  Ni fade adulateur, ni parleur trop sincère,  Et tâchez quelquefois de répondre en Normand.  Jean de La Fontaine. Livre VII    La dent d’or  Assurons-nous bien du fait, avant que de nous inquiéter de la cause. Il est vrai que cette méthode est bien lente pour la plupart des gens, qui courent naturellement à la cause, et passent par-dessus la vérité du fait, mais enfin nous éviterons le ridicule d'avoir trouvé la cause de ce qui n'est point.  Ce malheur arriva si plaisamment sur la fin du siècle passé à quelques savants d'Allemagne, que je ne puis m'empêcher d'en parler ici.  En 1593, le bruit courut que les dents étant tombées à un enfant de Silésie, âgé de sept ans, il lui en était venu une d'or, à la place d'une de ses grosses dents. Horstius, professeur en médecine dans l’Université de Helmstad, écrivit en 1595 l'histoire de cette dent, et prétendit qu'elle était en partie naturelle, en partie miraculeuse, et qu'elle avait été envoyée de Dieu à cet enfant pour consoler les Chrétiens affligés par les Turcs. Figurez-vous quelle consolation, et quel rapport de cette dent aux Chrétiens, ni aux Turcs. En la même année, afin que cette dent d'or ne manquât pas d'historiens, Rullandus en écrit encore l'histoire. Deux ans après, Ingolsteterus, autre savant, écrit contre le sentiment que Rullandus avait de la dent d'or, et Rullandus fait aussitôt une belle et docte réplique. Un autre grand homme nommé Libavius ramasse tout ce qui avait été dit de la dent et y ajoute son sentiment particulier. Il ne manquait autre chose à tant de beaux ouvrages, sinon qu'il fût vrai que la dent était d'or. Quand un orfèvre l'eut examinée, il se trouva que c'était une feuille d'or appliquée à la dent avec beaucoup d'adresse; mais on commença par faire des livres, et puis on consulta l'orfèvre.  Rien n'est plus naturel que d'en faire autant sur toutes sortes de matières. Je ne suis pas si convaincu de notre ignorance par les choses qui sont, et dont la raison nous est inconnue, que par celles qui ne sont point, et dont nous trouvons la raison. Cela veut dire que non seulement nous n'avons pas les principes qui mènent au vrai, mais que nous en avons d'autres qui s'accommodent très bien avec le faux.    La guerre est un fruit de la dépravation des hommes; c'est une maladie convulsive et violente du corps politique ; il n'est en santé, c'est-à-dire dans son état naturel, que lorsqu'il jouit de la paix; c'est elle qui donne de la vigueur aux empires; elle maintient l'ordre parmi les citoyens; elle laisse aux lois la force qui leur est nécessaire; elle favorise la population', l'agriculture et le commerce; en un mot, elle procure au peuple le bonheur qui est le but de toute société. La guerre, au contraire, dépeuple les États; elle y fait régner le désordre; les lois sont forcées de se taire à la vue de la licence qu'elle introduit; elle rend incertaines la liberté et la propriété des citoyens ; elle trouble et fait négliger le commerce; les terres deviennent incultes et abandonnées. Jamais les triomphes les plus éclatants ne peuvent dédommager une nation de la perte d'une multitude de ses membres que la guerre sacrifie; ses victoires même lui font des plaies profondes que la paix seule peut guérir.  Si la raison gouvernait les hommes, si elle avait sur les chefs des nations l'empire qui lui est dû, on ne les verrait point se livrer inconsidérément aux fureurs de la guerre; ils ne marqueraient point cet acharnement qui caractérise les bêtes féroces. Attentifs à conserver une tranquillité de qui dépend leur bonheur, ils ne saisiraient point toutes les occasions de troubler celle des autres ; satisfaits des biens que la nature a distribués à tous ses enfants, ils ne regarderaient point avec envie ceux qu'elle a accordés à d'autres peuples; les souverains sentiraient que des conquêtes payées du sang de leurs sujets ne valent jamais le prix qu'elles ont coûté. Mais, par une fatalité déplorable, les nations vivent entre elles dans une défiance réciproque perpétuellement occupées à repousser les entreprises injustes des autres ou à en former elles- mêmes, les prétextes les plus frivoles leur mettent les armes à la main. Et l'on croirait qu'elles ont une volonté permanente de se priver des avantages que la Providence ou l'industrie leur ont procurés. Les passions aveugles des princes les portent à étendre les bornes de leurs États; peu occupés du bien de leurs sujets, ils ne cherchent qu'à grossir le nombre des hommes qu'ils rendent malheureux. Ces passions, allumées ou entretenues par des ministres ambitieux ou par des guerriers dont la profession est incompatible avec le repos, ont eu, dans tous les âges, les effets les plus funestes pour l'humanité. L'histoire ne nous fournit que des exemples de paix violées, de guerres injustes et cruelles, de champs dévastés, de villes réduites en cendres. L'épuisement seul semble forcer les princes à la paix; ils s'aperçoivent toujours trop tard que le sang du citoyen s'est mêlé à celui de l'ennemi; ce carnage inutile n'a servi qu'à cimenter l'édifice chimérique de la gloire du conquérant et de ses guerriers turbulents; le bonheur de ses peuples est la première victime qui est immolée à son caprice ou aux vues intéressées de ses courtisans.  Damilaville, Encyclopédie, article " Paix ".    Le dormeur du val  C'est un trou de verdure où chante une rivière,  Accrochant follement aux herbes des haillons  D'argent ; où le soleil, de la montagne fière,  Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.    Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,  Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,  Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,  Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.    Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme  Sourirait un enfant malade, il fait un somme :  Nature, berce-le chaudement : il a froid.    Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;  Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,  Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.    PERE UBU : Merdre !  MERE UBU : Oh ! voilà du joli, Père Ubu, vous estes un fort grand voyou.  PERE UBU : Que ne vous assom'je, Mère Ubu !  MERE UBU : Ce n'est pas moi, Père Ubu, c'est un autre qu'il faudrait assassiner.  PERE UBU : De par ma chandelle verte, je ne comprends pas.  MERE UBU : Comment, Père Ubu, vous estes content de votre sort ?  PERE UBU : De par ma chandelle verte, merdre, madame, certes oui, je suis content. On le serait à moins : capitaine de dragons, officier de confiance du roi Venceslas, décoré de l'ordre de l'Aigle Rouge de Pologne et ancien roi d'Aragon, que voulez-vous de mieux ?  MERE UBU : Comment ! Après avoir été roi d'Aragon vous vous contentez de mener aux revues une cinquantaine d'estafiers armés de coupe-choux, quand vous pourriez faire succéder sur votre fiole la couronne de Pologne à celle d'Aragon ?  PERE UBU : Ah ! Mère Ubu, je ne comprends rien de ce que tu dis.  MERE UBU : Tu es si bête !  PERE UBU : De par ma chandelle verte, le roi Venceslas est encore bien vivant; et même en admettant qu'il meure, n'a-t-il pas des légions d'enfants ?  MERE UBU : Qui t'empêche de massacrer toute la famille et de te mettre à leur place ?  PERE UBU : Ah ! Mère Ubu, vous me faites injure et vous allez passer tout à l'heure par la casserole.  MERE UBU : Eh ! pauvre malheureux, si je passais par la casserole, qui te raccommoderait tes fonds de culotte ?  PERE UBU : Eh vraiment ! et puis après ? N'ai-je pas un cul comme les autres ?  MERE UBU : A ta place, ce cul, je voudrais l'installer sur un trône. Tu pourrais augmenter indéfiniment tes richesses, manger fort souvent de l'andouille et rouler carrosse par les rues.  PERE UBU : Si j'étais roi, je me ferais construire une grande capeline comme celle que j'avais en Aragon et que ces gredins d'Espagnols m'ont impudemment volée.  MERE UBU : Tu pourrais aussi te procurer un parapluie et un grand caban qui te tomberait sur les talons.  PERE UBU : Ah ! je cède à la tentation. Bougre de merdre, merdre de bougre, si jamais je le rencontre au coin d'un bois, il passera un mauvais quart d'heure.  MERE UBU : Ah! bien, Père Ubu, te voilà devenu un véritable homme.  PERE UBU : Oh non ! moi, capitaine de dragons, massacrer le roi de Pologne! plutôt mourir !  MERE UBU (à part.) : Oh ! merdre ! Haut Ainsi, tu vas rester gueux comme un rat, Père Ubu ?  PERE UBU : Ventrebleu, de par ma chandelle verte, j'aime mieux être gueux comme un maigre et brave rat que riche comme un méchant et gras chat.  MERE UBU : Et la capeline ? et le parapluie ? et le grand caban ?  PERE UBU : Eh bien, après, Mère Ubu ? (Il s'en va en claquant la porte.)  MERE UBU (seule) : Vrout, merdre, il a été dur à la détente, mais vrout, merdre, je crois pourtant l'avoir ébranlé. Grâce à Dieu et à moi-même, peut-être dans huit jours serai-je reine de Pologne.      ACTE II, SCENE V  Une caverne dans les montagnes.  Le jeune BOUGRELAS entre, suivi de ROSEMONDE  BOUGRELAS  Ici, nous serons en sûreté.  LA REINE  Oui, je le crois! Bougrelas, soutiens-moi!  Elle tombe sur la neige.  BOUGRELAS  Ha! qu'as-tu, ma mère?  LA REINE  Je suis bien malade, crois-moi, Bougrelas. Je n'en ai plus que pour deux heures à vivre.  BOUGRELAS  Quoi! le froid t'aurait-il saisie?  LA REINE  Comment veux-tu que je résiste à tant de coups? Le roi massacré, notre famille détruite, et toi, représentant de la plus noble race qui ait jamais porté l'épée, forcé de t'enfuir dans les montagnes comme un contrebandier.  BOUGRELAS  Et par qui, grand Dieu! par qui? Un vulgaire Père Ubu, aventurier sorti on ne sait d'où, vile crapule, vagabond honteux! Et quand je pense que mon père l'a décoré et fait comte et que le lendemain ce vilain n'a pas eu honte de porter la main sur lui.  LA REINE  O Bougrelas! Quand je me rappelle combien nous étions heureux avant l'arrivée de ce Père Ubu! Mais maintenant, hélas! tout est changé!  BOUGRELAS  Que veux-tu? Attendons avec espérance et ne renonçons jamais à nos droits.  LA REINE  Je te le souhaite, mon cher enfant, mais pour moi, je ne verrai pas cet heureux jour.  BOUGRELAS  Eh! qu'as-tu? Elle pâlit, elle tombe, au secours! Mais je suis dans un désert! O mon Dieu! son coeur ne bat plus. Elle est morte! Est-ce possible? Encore une victime du Père Ubu! (Il se cache la figure dans les mains et pleure.) O mon Dieu! qu'il est triste de se voir seul à quatorze ans avec une vengeance terrible à poursuivre!  Il tombe en proie au plus violent désespoir. Pendant ce temps, les Ames de Venceslas, de Boleslas, de Ladislas, de Rosemonde entrent dans la grotte, leurs Ancêtres les accompagnent et remplissent la grotte. Le plus vieux s'approche de Bougrelas et le réveille doucement.  BOUGRELAS  Eh! que vois-je? toute ma famille, mes ancêtres... Par quel prodige?  L'OMBRE  Apprends, Bougrelas, que j'ai été pendant ma vie le seigneur Mathias de Königsberg, le premier roi et le fondateur de la maison. Je te remets le soin de notre vengeance. (Il lui donne une grande épée.) Et que cette épée que je te donne n'ait de repos que quand elle aura frappé de mort l'usurpateur.  Tous disparaissent, et Bougrelas reste seul dans l'attitude de l'extase.  ACTE III, SCENE II  La grande salle du palais.  PERE UBU, MERE UBU, OFFICIERS ET SOLDATS;  GIRON, PILE, COTICE, NOBLES ENCHAINES,  FINANCIERS, MAGISTRATS, GREFFIERS.  PERE UBU  Apportez la caisse à Nobles et le crochet à Nobles et le couteau à Nobles et le bouquin à Nobles! ensuite, faites avancer les Nobles.  On pousse brutalement les Nobles.  MERE UBU  De grâce, modère-toi, Père Ubu.  PERE UBU  J'ai l'honneur de vous annoncer que pour enrichir le royaume je vais faire périr tous les Nobles et prendre leurs biens.  NOBLES  Horreur! à nous, peuple et soldats!  PERE UBU  Amenez le premier Noble et passez-moi le crochet à Nobles. Ceux qui seront condamnés à mort, je les passerai dans la trappe, ils tomberont dans les sous-sols du Pince-Porc et de la Chambre-à-Sous, où on les décervèlera. (Au Noble.) Qui es-tu, bouffre?  LE NOBLE  Comte de Vitepsk.  PERE UBU  De combien sont tes revenus?  LE NOBLE  Trois millions de rixdales.  PERE UBU  Condamné!  Il le prend avec le crochet et le passe dans le trou.  MERE UBU  Quelle basse férocité!  PERE UBU  Second Noble, qui es-tu? (Le Noble ne répond rien.) Répondras-tu, bouffre?  LE NOBLE  Grand-duc de Posen.  PERE UBU  Excellent! excellent! Je n'en demande pas plus long. Dans la trappe. Troisième Noble, qui es-tu? tu as une sale tête.  LE NOBLE  Duc de Courlande, des villes de Riga, de Revel et de Mitau.  PERE UBU  Très bien! très bien! Tu n'as rien autre chose?  LE NOBLE  Rien.  PERE UBU  Dans la trappe, alors. Quatrième Noble, qui es-tu?  LE NOBLE  Prince de Podolie.  PERE UBU  Quels sont tes revenus?  LE NOBLE  Je suis ruiné.  PERE UBU  Pour cette mauvaise parole, passe dans la trappe. Cinquième Noble, qui es-tu?  LE NOBLE  Margrave de Thorn, palatin de Polock.  PERE UBU  Ca n'est pas lourd. Tu n'as rien autre chose?  LE NOBLE  Cela me suffisait.  PERE UBU  Eh bien! mieux vaut peu que rien. Dans la trappe. Qu'as-tu à pigner, Mère Ubu?  MERE UBU  Tu es trop féroce, Père Ubu.  PERE UBU  Eh! je m'enrichis. Je vais faire lire MA liste de MES biens. Greffier, lisez MA liste de MES biens.  LE GREFFIER  Comté de Sandomir.  PERE UBU  Commence par les principautés, stupide bougre!  LE GREFFIER  Principauté de Podolie, grand-duché de Posen, duché de Courlande, comté de Sandomir, comté de Vitepsk, palatinat de Polock, margraviat de Thorn.  PERE UBU  Et puis après?  LE GREFFIER  C'est tout.  PERE UBU  Comment, c'est tout! Oh bien alors, en avant les Nobles, et comme je ne finirai pas de m'enrichir, je vais faire exécuter tous les Nobles, et ainsi j'aurai tous les biens vacants. Allez, passez les Nobles dans la trappe.  On empile les Nobles dans la trappe.  Dépêchez-vous plus vite, je veux faire des lois maintenant.  PLUSIEURS  On va voir ça.  PERE UBU  Je vais d'abord réformer la justice, après quoi nous procéderons aux finances.  PLUSIEURS MAGISTRATS  Nous nous opposons à tout changement.  PERE UBU  Merdre. D'abord les magistrats ne seront plus payés.  MAGISTRATS  Et de quoi vivrons-nous? Nous sommes pauvres.  PERE UBU  Vous aurez les amendes que vous prononcerez et les biens des condamnés à mort.  UN MAGISTRAT  Horreur.  DEUXIEME  Infamie.  TROISIEME  Scandale.  QUATRIEME  Indignité.  TOUS  Nous nous refusons à juger dans des conditions pareilles.  PERE UBU  A la trappe les magistrats!  Ils se débattent en vain.  MERE UBU  Eh! que fais-tu, Père Ubu? Qui rendra maintenant la justice?  PERE UBU  Tiens! moi. Tu verras comme ça marchera bien.  MERE UBU  Oui, ce sera du propre.  PERE UBU  Allons, tais-toi, bouffresque. Nous allons maintenant, messieurs, procéder aux finances.  FINANCIERS  Il n'y a rien à changer.  PERE UBU  Comment, je veux tout changer, moi. D'abord je veux garder pour moi la moitié des impôts.  FINANCIERS  Pas gêné.  PERE UBU  Messieurs, nous établirons un impôt de dix pour cent sur la propriété, un autre sur le commerce et l'industrie, et un troisième sur les mariages et un quatrième sur les décès, de quinze francs chacun.  PREMIER FINANCIER  Mais c'est idiot, Père Ubu.  DEUXIEME FINANCIER  C'est absurde.  TROISIEME FINANCIER  Ca n'a ni queue ni tête.  PERE UBU  Vous vous fichez de moi! Dans la trappe, les financiers!  On enfourne les financiers.  MERE UBU  Mais enfin, Père Ubu, quel roi tu fais, tu massacres tout le monde.  PERE UBU  Eh merdre!  MERE UBU  Plus de justice, plus de finances.  PERE UBU  Ne crains rien, ma douce enfant, j'irai moi-même de village en village recueillir les impôts.  La salle du conseil d'Ubu.  PERE UBU, MERE UBU,  CONSEILLERS DES PHYNANCES  PERE UBU  Messieurs, la séance est ouverte et tâchez de bien écouter et de vous tenir tranquilles. D'abord, nous allons faire le chapitre des finances, ensuite nous parlerons d'un petit système que j'ai imaginé pour faire venir le beau temps et conjurer la pluie.  UN CONSEILLER  Fort bien, monsieur Ubu.  MERE UBU  Quel sot homme.  PERE UBU  Madame de ma merdre, garde à vous, car je ne souffrirai pas vos sottises. Je vous disais donc, messieurs, que les finances vont passablement. Un nombre considérable de chiens à bas de laine se répand chaque matin dans les rues et les salopins font merveille. De tout côtés on ne voit que des maisons brûlées et des gens pliant sous le poids de nos phynances.  LE CONSEILLER  Et les nouveaux impôts, monsieur Ubu, vont-ils bien?  MERE UBU  Point du tout. L'impôt sur les mariages n'a encore produit que 11 sous, et encore le Père Ubu poursuit les gens partout pour les forcer à se marier.  PERE UBU  Sabre à finances, corne de ma gidouille, madame la financière, j'ai des oneilles pour parler et vous une bouche pour m'entendre. (Eclats de rire.) Ou plutôt non! Vous me faites tromper et vous êtes cause que je suis bête! Mais, corne d'Ubu! (Un messager entre.) Allons, bon, qu'a-t-il encore celui-là? Va-t'en, sagouin, ou je te poche avec décollation et torsion des jambes.  MERE UBU  Ah! le voilà dehors, mais il y a une lettre.  PERE UBU  Lis-la. Je crois que je perds l'esprit ou que je ne sais pas lire. Dépêche-toi, bouffresque, ce doit être de Bordure.  MERE UBU  Tout justement. Il dit que le czar l'a accueilli très bien, qu'il va envahir tes Etats pour rétablir Bougrelas et que toi tu seras tué.  PERE UBU  Ho! ho! J'ai peur! J'ai peur! Ha! je pense mourir. O pauvre homme que je suis. Que devenir, grand Dieu? Ce méchant homme va me tuer. Saint Antoine et tout les saints, protégez-moi, je vous donnerai de la phynance et je brûlerai des cierges pour vous. Seigneur, que devenir?  Il pleure et sanglote.  MERE UBU  Il n'y a qu'un parti à prendre, Père Ubu.  PERE UBU  Lequel, mon amour?  MERE UBU  La guerre!!  TOUS  Vive Dieu! Voilà qui est noble!  PERE UBU  Oui, et je recevrai encore des coups.  PREMIER CONSEILLER  Courons, courons organiser l'armée.  DEUXIEME  Et réunir les vivres.  TROISIEME  Et préparer l'artillerie et les forteresses.  QUATRIEME  Et prendre l'argent pour les troupes.  PERE UBU  Ah! non, par exemple! Je vais te tuer, toi, je ne veux pas donner d'argent.  En voilà d'une autre! j'étais payé pour faire la guerre et maintenant il faut la faire à mes dépens. Non, de par ma chandelle verte, faisons la guerre, puisque vous en êtes enragés, mais ne déboursons pas un sou.  TOUS  Vive la guerre!   

« Jean de La Fontaine.

Livre VII La dent d'orAssurons-nous bien du fait, avant que de nous inquiéter de la cause.

Il est vrai que cette méthode est bien lentepour la plupart des gens, qui courent naturellement à la cause, et passent par-dessus la vérité du fait, mais enfinnous éviterons le ridicule d'avoir trouvé la cause de ce qui n'est point.Ce malheur arriva si plaisamment sur la fin du siècle passé à quelques savants d'Allemagne, que je ne puism'empêcher d'en parler ici.En 1593, le bruit courut que les dents étant tombées à un enfant de Silésie, âgé de sept ans, il lui en était venuune d'or, à la place d'une de ses grosses dents.

Horstius, professeur en médecine dans l'Université de Helmstad,écrivit en 1595 l'histoire de cette dent, et prétendit qu'elle était en partie naturelle, en partie miraculeuse, et qu'elleavait été envoyée de Dieu à cet enfant pour consoler les Chrétiens affligés par les Turcs.

Figurez-vous quelleconsolation, et quel rapport de cette dent aux Chrétiens, ni aux Turcs.

En la même année, afin que cette dent d'orne manquât pas d'historiens, Rullandus en écrit encore l'histoire.

Deux ans après, Ingolsteterus, autre savant, écritcontre le sentiment que Rullandus avait de la dent d'or, et Rullandus fait aussitôt une belle et docte réplique.

Unautre grand homme nommé Libavius ramasse tout ce qui avait été dit de la dent et y ajoute son sentimentparticulier.

Il ne manquait autre chose à tant de beaux ouvrages, sinon qu'il fût vrai que la dent était d'or.

Quand unorfèvre l'eut examinée, il se trouva que c'était une feuille d'or appliquée à la dent avec beaucoup d'adresse; mais oncommença par faire des livres, et puis on consulta l'orfèvre.Rien n'est plus naturel que d'en faire autant sur toutes sortes de matières.

Je ne suis pas si convaincu de notreignorance par les choses qui sont, et dont la raison nous est inconnue, que par celles qui ne sont point, et dontnous trouvons la raison.

Cela veut dire que non seulement nous n'avons pas les principes qui mènent au vrai, maisque nous en avons d'autres qui s'accommodent très bien avec le faux. La guerre est un fruit de la dépravation des hommes; c'est une maladie convulsive et violente du corps politique ; iln'est en santé, c'est-à-dire dans son état naturel, que lorsqu'il jouit de la paix; c'est elle qui donne de la vigueuraux empires; elle maintient l'ordre parmi les citoyens; elle laisse aux lois la force qui leur est nécessaire; elle favorisela population', l'agriculture et le commerce; en un mot, elle procure au peuple le bonheur qui est le but de toutesociété.

La guerre, au contraire, dépeuple les États; elle y fait régner le désordre; les lois sont forcées de se taire àla vue de la licence qu'elle introduit; elle rend incertaines la liberté et la propriété des citoyens ; elle trouble et faitnégliger le commerce; les terres deviennent incultes et abandonnées.

Jamais les triomphes les plus éclatants nepeuvent dédommager une nation de la perte d'une multitude de ses membres que la guerre sacrifie; ses victoiresmême lui font des plaies profondes que la paix seule peut guérir.Si la raison gouvernait les hommes, si elle avait sur les chefs des nations l'empire qui lui est dû, on ne les verraitpoint se livrer inconsidérément aux fureurs de la guerre; ils ne marqueraient point cet acharnement qui caractériseles bêtes féroces.

Attentifs à conserver une tranquillité de qui dépend leur bonheur, ils ne saisiraient point toutesles occasions de troubler celle des autres ; satisfaits des biens que la nature a distribués à tous ses enfants, ils neregarderaient point avec envie ceux qu'elle a accordés à d'autres peuples; les souverains sentiraient que desconquêtes payées du sang de leurs sujets ne valent jamais le prix qu'elles ont coûté.

Mais, par une fatalitédéplorable, les nations vivent entre elles dans une défiance réciproque perpétuellement occupées à repousser lesentreprises injustes des autres ou à en former elles- mêmes, les prétextes les plus frivoles leur mettent les armes àla main.

Et l'on croirait qu'elles ont une volonté permanente de se priver des avantages que la Providence oul'industrie leur ont procurés.

Les passions aveugles des princes les portent à étendre les bornes de leurs États; peuoccupés du bien de leurs sujets, ils ne cherchent qu'à grossir le nombre des hommes qu'ils rendent malheureux.

Cespassions, allumées ou entretenues par des ministres ambitieux ou par des guerriers dont la profession estincompatible avec le repos, ont eu, dans tous les âges, les effets les plus funestes pour l'humanité.

L'histoire nenous fournit que des exemples de paix violées, de guerres injustes et cruelles, de champs dévastés, de villesréduites en cendres.

L'épuisement seul semble forcer les princes à la paix; ils s'aperçoivent toujours trop tard que lesang du citoyen s'est mêlé à celui de l'ennemi; ce carnage inutile n'a servi qu'à cimenter l'édifice chimérique de lagloire du conquérant et de ses guerriers turbulents; le bonheur de ses peuples est la première victime qui estimmolée à son caprice ou aux vues intéressées de ses courtisans.Damilaville, Encyclopédie, article " Paix ". Le dormeur du valC'est un trou de verdure où chante une rivière,Accrochant follement aux herbes des haillonsD'argent ; où le soleil, de la montagne fière,Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons. Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,Pâle dans son lit vert où la lumière pleut. Les pieds dans les glaïeuls, il dort.

Souriant commeSourirait un enfant malade, il fait un somme :Nature, berce-le chaudement : il a froid. Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles