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Thierry MAULNIER. La gratuité et la valeur. (Le Figaro)

Publié le 22/03/2011

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   Il y a quelques années, dans une de ces assemblées de jeunes gens bavards et mortellement sérieux dont mai 68 a instauré le règne, il était question de théâtre, et l'orateur qui s'était emparé du micro déclara avec force que le théâtre devait être, comme l'école, gratuit. Un auditeur non conformiste qui s'était égaré dans la salle lui lança alors cette question ironique : « Et obligatoire ? « Interloqué, l'orateur mit deux bonnes secondes à ressaisir le fil de son discours.    Le questionneur n'avait cru, selon toute probabilité, faire qu'un bon mot. Mais, sans le vouloir peut-être, il avait touché un point important. Lorsque l'enseignement n'était pas gratuit pour tous, il était certes très inégalement réparti, mais ceux qui en profitaient, les élèves payants ou boursiers, se sentaient bénéficiaires d'une faveur sociale, d'un service gratuit (ou du moins payé par tous, puisque c'est ce qu'en matière sociale la gratuité signifie). Gratuit, il est devenu une corvée pour tout le monde. Ce qui est reçu gratuitement a moins de valeur que ce qui est acheté. Ce qui fait la valeur d'un objet ou d'un service, c'est le prix qu'on est disposé à l'acheter.    Autre petite histoire, qui date, elle aussi, de deux ou trois ans. Nous étions assez nombreux autour d'une table. Les jeunes mâles étaient là en majorité et la conversation (je ne surprendrai personne en le notant) roulait — c'est le mot propre — sur l'automobile. Vitesse, qualités comparées d'un modèle et d'un autre, d'une marque et d'une autre, consommation, accidents, Vingt-Quatre Heures du Mans... Conversation animée et même véhémente. Je profitai d'un temps mort pour dire qu'en un autre temps — le mien — une tablée de jeunes hommes aurait plutôt parlé filles. L'aîné des assistants, il avait trente ans passés, me répondit : « Le sujet est tout de même moins vaste. «    Il n'y avait dans cette sentence aucune intention humoristique. C'est là que la seconde histoire rejoint la première. L'auto, et plus encore la moto, est un objet de passion non seulement parce qu'elle n'est pas ou rarement un don du ciel, ou de la générosité sociale, non seulement parce qu'elle comporte des risques attrayants, mais parce que sa possession implique des efforts, des dépenses, l'acquisition d'un minimum de technique, des gênes ou des sacrifices financiers, parce qu'elle distingue, « valorise « celui qui la détient face à celui qui en est privé.    Les filles, elles, ont été longtemps gardées par des interdits, des tabous, des institutions, des lois qui en rendaient la conquête hasardeuse. La libération extrême des mœurs, l'abondance de l'information, l'évolution de l'amour vers un laxisme universel ont abattu presque tous les obstacles, résolu ou effacé les mystères de la sexualité. La conquête d'une jeune personne (sexe indifférent) a cessé de demander des efforts et du temps, elle est devenue plus facile, et son objet (mille pardons pour ce mot, Mesdames du M.L.F.) est devenu moins précieux. On sait bien ce qu'il adviendrait du cours des diamants dans le monde si par hypothèse la quantité de ces diamants était subitement multipliée par deux ou trois. Ce qui est gratuit n'a pas de valeur.    Les femmes peuvent se féliciter, et elles ont peut-être raison de le faire, d'une évolution qui tend à les mettre sur le même plan que les hommes en matière de sexualité, mais elles ne doivent pas oublier qu'une conquête, quelle qu'elle soit, doit être payée un certain prix. Les échanges de l'amour, comme tous les échanges, sont régis par la loi de l'offre et de la demande. Tout comme les cours des légumes verts.    De ce texte, vous donnerez d'abord, selon votre préférence, soit un résumé, soit une analyse. En tête de cette partie, vous indiquerez la nature de votre choix par le mot résumé ou analyse. Puis, pour la discussion, vous choisirez dans le texte un problème qui offre une réelle consistance et qui vous intéresse. Vous en préciserez les données et vous présenterez votre avis personnel en l'appuyant sur des arguments précis et sur votre propre expérience, dans un développement clair et ordonné menant à une conclusion.   

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